. Le marabout avait annoncé à la presse la semaine dernière son intention de soutenir la réélection du Président actuel, Abdoulaye Wade, lors du scrutin présidentiel prévu en février 2007. Il assurait alors être en mesure de mobiliser “quatre millions de disciples”. Cette agression serait survenue en réaction à l’interview réalisée et diffusée le 27 avril par Pape Cheikh Fall avec un disciple du marabout qui démentait les propos de son maître quant à l’ampleur du soutien dont il bénéficie. »1
On se croirait dans un Etat islamique régi par une Charia mal interprétée. Comment est-il possible que dans un Etat de droit, dans une République digne de ce nom, que des « fatwas » soient diffusées par voie de presse et mises à exécution sans que la justice lève le petit doigt ? Pourquoi les juridictions sénégalaises n’ont-elles pas jugé nécessaire d’entendre le marabout Béthio Thioune ou ses disciples pour avoir proféré des menaces à l’endroit de citoyens comme lui ? Quelles que soient les réalités socioculturelles au Sénégal, l’Etat qui revendique « le monopole de la violence légitime » doit toujours se montrer fort et ne céder en aucun cas devant le pouvoir spirituel. Le problème du Sénégal, c’est que certains marabouts, fils et petits fils de marabouts se prennent parfois pour des demi-dieux et se permettent tout. Au nom d’une certaine complicité visant à ne pas frustrer les confréries religieuses, l’Etat joue un double jeu en s’alliant avec les religieux à chaque fois qu’il s’agit de taper sur les journalistes. Les deux semblent avoir signé un pacte de non-agression qui les protège tous, alors que l’évolution des mentalités, le développement des nouvelles technologies et les acquis démocratiques font qu’au Sénégal, certaines choses qui relevaient du tabou ne le sont plus désormais. La vie privée des hommes publics, marabouts comme politiques, intéresse les citoyens. Il y a certes des limites à ne pas franchir, et cela, les journalistes en sont conscients pour la plupart.
On ne peut pas se permettre d’utiliser ou de solliciter la presse quand besoin est, et en même temps vouloir l’empêcher de faire son travail qui consiste à informer, à révéler au grand jour ce que politiques et religieux tentent de dissimuler au quotidien. Un marabout qui épouse plus de quatre femmes au nom de la religion musulmane aura du mal à se justifier, étant donné que la Charia est unique et universelle. Et s’il vous plaît, ne me parlez pas de « baatine ». Si l’Etat ne protège pas les journalistes et simples citoyens, qui le fera à sa place ? Ne sommes nous pas tous en sursis lorsqu’on s’autocensure au nom des tabous de la religion ?
Le plus désolant dans cette histoire, c’est que les agresseurs de journalistes sont connus de la population et de l’administration même, mais ils se pavanent tranquillement dans les rues et aucune justice digne n’ose les interpeller. Pape cheikh Fall n’a pas le moindre doute au sujet de ses agresseurs : « Ceux qui m'ont agressé, ce sont ses talibés (disciples) reconnus par la police et la gendarmerie du Sénégal dans l'enquête du parquet. Le marabout (Béthio Thioune) avait menacé tout journaliste qui oserait commenter négativement ses propos pour lui porter la contradiction. Et ces talibés croient avoir agi sur recommandation de leur marabout. » Prince Karim, l’impunité et le masla n’ont que trop duré dans ce pays que dirige votre père, le démocrate devenu autocrate. Jusqu’à aujourd’hui, la lumière n’a toujours pas été faite sur cette agression, alors que Pape Cheikh Fall connaît très bien ses agresseurs. La justice se veut très répressive contre les opposants au régime libéral et très complaisante quand il s’agit de condamner l’agression d’un simple citoyen, fût-il journaliste. Pape Cheikh Fall poursuit : « Je suis blessé dans ma chair, moralement atteint dans mon for intérieur, car l'Etat et la justice de mon pays ne veulent pas poursuivre ou refusent de poursuivre mes agresseurs. Et pourtant, cette injustice, je la ressens toujours, surtout quand je vois ou je rencontre mes agresseurs et les commanditaires de cet acte ignoble. Je suis déçu par mon pays le Sénégal où je me sens comme un étranger car j'ai peur de subir encore ce que j’ai vécu ce jeudi 4 mai 2006, jour de mon agression. » Petit Prince, voilà l’état dans lequel travaillent les journalistes que la justice de votre père refuse de défendre. Pape Cheikh Fall ne demande qu’une seule chose : que justice soit faite. Il ne demande pas plus à ce pays d’égalité et de liberté où les droits inaliénables de l’individu sont violés au quotidien. Avez-vous une seule idée de ce que M. Fall a enduré, pour avoir seulement essayé de faire son boulot qui est d’informer juste et vrai ? Au nom de quoi devrait-on avoir une justice à deux vitesses, une justice de pauvres et une justice de riches, une justice de fils de marabouts et une justice de simples citoyens ? Sommes-nous réellement dans un pays de droit, avec l’image que votre père véhicule à l’étranger, lui qui a combattu les socialistes pendant vingt-six années au cours desquelles il a subi toutes sortes d’injustices ? N’est-il pas en train de reproduire le même scénario aujourd’hui ? Non, prince Karim, vous n’avez pas la moindre idée de ce que le régime de votre père est en train de faire vivre aux Sénégalais.
Aujourd’hui, Pape Cheikh Fall a du mal à mener une vie tranquille, correcte, à cause de ces vautours qui ont manqué de l’envoyer aux cimetières de la ville sainte de Touba. Nous aurions sans doute compris si les agresseurs n’avaient pas été identifiés. Et le journaliste de poursuivre : « J'ai identifié quelques uns des personnes qui m'ont agressé. Le meneur du groupe est quelqu'un qui habite dans un quartier proche du mien. Il s'appelle Pape Niang et était tailleur au marché de Mbacké. Il était accompagné de Lamine Cissé et de cinq autres personnes. Tous armés de câbles en fer, de petites barres de fer, des fils électriques et autres. Pour le reste, je n'ai pas leur identité jusqu'à présent. »
Si Abdoulaye Wade refuse de condamner l’agression de Kara et Kambel, cela ne devrait surprendre personne car ce ne serait pas la première fois. Après les marteaux de Talla Sylla, l’agression impunie de Pape Cheikh Fall vient allonger la liste des victimes de la barbarie, monnaie courante sous le régime de l’alternance. M. Fall est resté en convalescence pendant quatre-vingt-dix jours, trois mois pendant lesquels il a gardé le lit : « Je suis resté trois mois fermes en incapacité temporaire de travail. Du 4 mai au 4 août 2006. Et j'ai repris le boulot grâce au soutien de mes médecins traitants qui m'ont été d'un grand soutien moral. Ils me disaient : « il ne faut pas faire plaisir à tes agresseurs, c'est-à-dire accepter leur volonté que ta plume soit brisée, il faut le refuser. Ça m'a beaucoup aidé. »
Karim, avez-vous une idée de la façon dont Pape Cheikh Fall se débrouille au quotidien, pour payer ses ordonnances, pour une personne restée trois mois sans travailler, pour un père de famille avec une femme et des enfants en charge ? J’ose deviner que les ennuis de Pape Cheikh doivent être le cadet de vos soucis. Et pourtant, vous avez une femme2 et des enfants, et à vos yeux, je pense que vos enfants comptent plus que tout le trésor des mondes. Vous avez aussi un père, une mère, des personnes pour qui vous comptez beaucoup. Pour le cas de M. Fall, non seulement il a sa petite famille en charge, mais il y a aussi ses parents qui comptent sur lui, comme Abdoulaye et Viviane comptent pour vous. En tant que Sénégalais, vous devez être bien imprégné des réalités socioculturelles africaines. Mettez-vous une seule fois à la place de ce journaliste qui a failli laisser derrière lui, une femme veuve et des enfants orphelins.
Au cas où vous l’ignoriez, Pape Cheikh Fall traîne encore des séquelles de son agression, comme Talla Sylla qui se trimbale toujours entre les hôpitaux. Pour la justice de votre père, son agression n’a jamais eu lieu. Et pourtant, la violence des coups de barres de fer résonne encore dans les oreilles de M. Fall qui a du mal à dormir le soir. Ce serait égoïste voire injuste d’ignorer le calvaire que ce père de famille a vécu. Les stigmates de ses blessures sont encore visibles : ils constituent un témoignage à l’humanité : « Je traîne encore beaucoup de séquelles. D'abord mes doigts (des deux mains) me font toujours mal parce que j'essayais de protéger mon crane avec mes mains lorsque mes agresseurs tapaient. Et la plupart des coups ont atterri sur mes bras et mes mains particulièrement. Ensuite ma tête est toujours couverte et empreinte des blessures laissées par les câbles de fer. Mais ce qui me fait mal le plus, c'est les douleurs fréquentes au niveau de mon crane. Dans le mois, je reste au moins une semaine sans dormir la nuit à cause de ces maux de tête fréquents. Je ressens aussi des douleurs au niveau du cou que je traite toujours avec des ordonnances prescrites par mes médecins traitants. »
Malgré le calvaire que Pape Cheikh Fall a vécu, ses agresseurs vaquent tranquillement à leurs occupations. La moindre des choses était de rendre, ne serait-ce qu’un semblant de justice à M. Fall. Et pire, le journaliste craint encore pour sa sécurité, redoutant que ses bourreaux récidivent : « Je crains beaucoup pour ma sécurité. Si aujourd'hui l'opportunité m'était donnée d'aller trouver un asile politique en France ou au Canada, à l'extérieur dans un pays ou les libertés sont garanties afin que je puisse terminer mon bouquin tranquillement, je le ferais avec mes enfants et ma femme. Je le ferais, je vous le jure car je sais qu'ici je ne suis pas en sécurité. Mais que faire ? Je ne peux pas abandonner ma femme et nos trois enfants. Au prix de ma vie, il faut que je les protège. Et Dieu sait, des menaces, des injures sur mon portable, j'en reçois toujours. J’ai même été victime de cambriolages : mon véhicule, ma chambre, à trois reprises. Mon premier ordinateur de marque Samsung, mon enregistreur Olympus, ma clé USB, m'ont été volés dans ma chambre au moment où nous étions au lit, endormis, et la porte entrouverte à cause de la chaleur. Ce vol a eu lieu seulement six jours après mon retour de Paris. J'étais parti négocier l'édition de mon ouvrage qui reprend une très bonne partie de cette agression, notamment les coulisses, les témoignages, le blocage de l'enquête, la situation de la presse sous Wade et tant d'autres sujets. Je fais mon job dans la crainte d'être un jour, froidement abattu dans les rues, ça, je vous le confie. Et si ça m’arrivait un jour, je prends mes écrits comme témoignage pour la postérité. »
Bonnes feuilles, « Les dérives du Sopi, bavures impunies et médias en sursis », Edilivre, Paris, Janvier 2010
On se croirait dans un Etat islamique régi par une Charia mal interprétée. Comment est-il possible que dans un Etat de droit, dans une République digne de ce nom, que des « fatwas » soient diffusées par voie de presse et mises à exécution sans que la justice lève le petit doigt ? Pourquoi les juridictions sénégalaises n’ont-elles pas jugé nécessaire d’entendre le marabout Béthio Thioune ou ses disciples pour avoir proféré des menaces à l’endroit de citoyens comme lui ? Quelles que soient les réalités socioculturelles au Sénégal, l’Etat qui revendique « le monopole de la violence légitime » doit toujours se montrer fort et ne céder en aucun cas devant le pouvoir spirituel. Le problème du Sénégal, c’est que certains marabouts, fils et petits fils de marabouts se prennent parfois pour des demi-dieux et se permettent tout. Au nom d’une certaine complicité visant à ne pas frustrer les confréries religieuses, l’Etat joue un double jeu en s’alliant avec les religieux à chaque fois qu’il s’agit de taper sur les journalistes. Les deux semblent avoir signé un pacte de non-agression qui les protège tous, alors que l’évolution des mentalités, le développement des nouvelles technologies et les acquis démocratiques font qu’au Sénégal, certaines choses qui relevaient du tabou ne le sont plus désormais. La vie privée des hommes publics, marabouts comme politiques, intéresse les citoyens. Il y a certes des limites à ne pas franchir, et cela, les journalistes en sont conscients pour la plupart.
On ne peut pas se permettre d’utiliser ou de solliciter la presse quand besoin est, et en même temps vouloir l’empêcher de faire son travail qui consiste à informer, à révéler au grand jour ce que politiques et religieux tentent de dissimuler au quotidien. Un marabout qui épouse plus de quatre femmes au nom de la religion musulmane aura du mal à se justifier, étant donné que la Charia est unique et universelle. Et s’il vous plaît, ne me parlez pas de « baatine ». Si l’Etat ne protège pas les journalistes et simples citoyens, qui le fera à sa place ? Ne sommes nous pas tous en sursis lorsqu’on s’autocensure au nom des tabous de la religion ?
Le plus désolant dans cette histoire, c’est que les agresseurs de journalistes sont connus de la population et de l’administration même, mais ils se pavanent tranquillement dans les rues et aucune justice digne n’ose les interpeller. Pape cheikh Fall n’a pas le moindre doute au sujet de ses agresseurs : « Ceux qui m'ont agressé, ce sont ses talibés (disciples) reconnus par la police et la gendarmerie du Sénégal dans l'enquête du parquet. Le marabout (Béthio Thioune) avait menacé tout journaliste qui oserait commenter négativement ses propos pour lui porter la contradiction. Et ces talibés croient avoir agi sur recommandation de leur marabout. » Prince Karim, l’impunité et le masla n’ont que trop duré dans ce pays que dirige votre père, le démocrate devenu autocrate. Jusqu’à aujourd’hui, la lumière n’a toujours pas été faite sur cette agression, alors que Pape Cheikh Fall connaît très bien ses agresseurs. La justice se veut très répressive contre les opposants au régime libéral et très complaisante quand il s’agit de condamner l’agression d’un simple citoyen, fût-il journaliste. Pape Cheikh Fall poursuit : « Je suis blessé dans ma chair, moralement atteint dans mon for intérieur, car l'Etat et la justice de mon pays ne veulent pas poursuivre ou refusent de poursuivre mes agresseurs. Et pourtant, cette injustice, je la ressens toujours, surtout quand je vois ou je rencontre mes agresseurs et les commanditaires de cet acte ignoble. Je suis déçu par mon pays le Sénégal où je me sens comme un étranger car j'ai peur de subir encore ce que j’ai vécu ce jeudi 4 mai 2006, jour de mon agression. » Petit Prince, voilà l’état dans lequel travaillent les journalistes que la justice de votre père refuse de défendre. Pape Cheikh Fall ne demande qu’une seule chose : que justice soit faite. Il ne demande pas plus à ce pays d’égalité et de liberté où les droits inaliénables de l’individu sont violés au quotidien. Avez-vous une seule idée de ce que M. Fall a enduré, pour avoir seulement essayé de faire son boulot qui est d’informer juste et vrai ? Au nom de quoi devrait-on avoir une justice à deux vitesses, une justice de pauvres et une justice de riches, une justice de fils de marabouts et une justice de simples citoyens ? Sommes-nous réellement dans un pays de droit, avec l’image que votre père véhicule à l’étranger, lui qui a combattu les socialistes pendant vingt-six années au cours desquelles il a subi toutes sortes d’injustices ? N’est-il pas en train de reproduire le même scénario aujourd’hui ? Non, prince Karim, vous n’avez pas la moindre idée de ce que le régime de votre père est en train de faire vivre aux Sénégalais.
Aujourd’hui, Pape Cheikh Fall a du mal à mener une vie tranquille, correcte, à cause de ces vautours qui ont manqué de l’envoyer aux cimetières de la ville sainte de Touba. Nous aurions sans doute compris si les agresseurs n’avaient pas été identifiés. Et le journaliste de poursuivre : « J'ai identifié quelques uns des personnes qui m'ont agressé. Le meneur du groupe est quelqu'un qui habite dans un quartier proche du mien. Il s'appelle Pape Niang et était tailleur au marché de Mbacké. Il était accompagné de Lamine Cissé et de cinq autres personnes. Tous armés de câbles en fer, de petites barres de fer, des fils électriques et autres. Pour le reste, je n'ai pas leur identité jusqu'à présent. »
Si Abdoulaye Wade refuse de condamner l’agression de Kara et Kambel, cela ne devrait surprendre personne car ce ne serait pas la première fois. Après les marteaux de Talla Sylla, l’agression impunie de Pape Cheikh Fall vient allonger la liste des victimes de la barbarie, monnaie courante sous le régime de l’alternance. M. Fall est resté en convalescence pendant quatre-vingt-dix jours, trois mois pendant lesquels il a gardé le lit : « Je suis resté trois mois fermes en incapacité temporaire de travail. Du 4 mai au 4 août 2006. Et j'ai repris le boulot grâce au soutien de mes médecins traitants qui m'ont été d'un grand soutien moral. Ils me disaient : « il ne faut pas faire plaisir à tes agresseurs, c'est-à-dire accepter leur volonté que ta plume soit brisée, il faut le refuser. Ça m'a beaucoup aidé. »
Karim, avez-vous une idée de la façon dont Pape Cheikh Fall se débrouille au quotidien, pour payer ses ordonnances, pour une personne restée trois mois sans travailler, pour un père de famille avec une femme et des enfants en charge ? J’ose deviner que les ennuis de Pape Cheikh doivent être le cadet de vos soucis. Et pourtant, vous avez une femme2 et des enfants, et à vos yeux, je pense que vos enfants comptent plus que tout le trésor des mondes. Vous avez aussi un père, une mère, des personnes pour qui vous comptez beaucoup. Pour le cas de M. Fall, non seulement il a sa petite famille en charge, mais il y a aussi ses parents qui comptent sur lui, comme Abdoulaye et Viviane comptent pour vous. En tant que Sénégalais, vous devez être bien imprégné des réalités socioculturelles africaines. Mettez-vous une seule fois à la place de ce journaliste qui a failli laisser derrière lui, une femme veuve et des enfants orphelins.
Au cas où vous l’ignoriez, Pape Cheikh Fall traîne encore des séquelles de son agression, comme Talla Sylla qui se trimbale toujours entre les hôpitaux. Pour la justice de votre père, son agression n’a jamais eu lieu. Et pourtant, la violence des coups de barres de fer résonne encore dans les oreilles de M. Fall qui a du mal à dormir le soir. Ce serait égoïste voire injuste d’ignorer le calvaire que ce père de famille a vécu. Les stigmates de ses blessures sont encore visibles : ils constituent un témoignage à l’humanité : « Je traîne encore beaucoup de séquelles. D'abord mes doigts (des deux mains) me font toujours mal parce que j'essayais de protéger mon crane avec mes mains lorsque mes agresseurs tapaient. Et la plupart des coups ont atterri sur mes bras et mes mains particulièrement. Ensuite ma tête est toujours couverte et empreinte des blessures laissées par les câbles de fer. Mais ce qui me fait mal le plus, c'est les douleurs fréquentes au niveau de mon crane. Dans le mois, je reste au moins une semaine sans dormir la nuit à cause de ces maux de tête fréquents. Je ressens aussi des douleurs au niveau du cou que je traite toujours avec des ordonnances prescrites par mes médecins traitants. »
Malgré le calvaire que Pape Cheikh Fall a vécu, ses agresseurs vaquent tranquillement à leurs occupations. La moindre des choses était de rendre, ne serait-ce qu’un semblant de justice à M. Fall. Et pire, le journaliste craint encore pour sa sécurité, redoutant que ses bourreaux récidivent : « Je crains beaucoup pour ma sécurité. Si aujourd'hui l'opportunité m'était donnée d'aller trouver un asile politique en France ou au Canada, à l'extérieur dans un pays ou les libertés sont garanties afin que je puisse terminer mon bouquin tranquillement, je le ferais avec mes enfants et ma femme. Je le ferais, je vous le jure car je sais qu'ici je ne suis pas en sécurité. Mais que faire ? Je ne peux pas abandonner ma femme et nos trois enfants. Au prix de ma vie, il faut que je les protège. Et Dieu sait, des menaces, des injures sur mon portable, j'en reçois toujours. J’ai même été victime de cambriolages : mon véhicule, ma chambre, à trois reprises. Mon premier ordinateur de marque Samsung, mon enregistreur Olympus, ma clé USB, m'ont été volés dans ma chambre au moment où nous étions au lit, endormis, et la porte entrouverte à cause de la chaleur. Ce vol a eu lieu seulement six jours après mon retour de Paris. J'étais parti négocier l'édition de mon ouvrage qui reprend une très bonne partie de cette agression, notamment les coulisses, les témoignages, le blocage de l'enquête, la situation de la presse sous Wade et tant d'autres sujets. Je fais mon job dans la crainte d'être un jour, froidement abattu dans les rues, ça, je vous le confie. Et si ça m’arrivait un jour, je prends mes écrits comme témoignage pour la postérité. »
Bonnes feuilles, « Les dérives du Sopi, bavures impunies et médias en sursis », Edilivre, Paris, Janvier 2010