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Les fabuleux chantiers de la gouvernance Par Abdou Latif Coulibaly

L’Inspection générale d’Etat (IGE) a réalisé, sur demande du président de la République, un travail remarquable de rationalisation du fonctionnement du service public, en particulier au niveau central de l’Etat. Ce travail était devenu indispensable, eu égard au désordre laissé sur place par le régime sortant. Les experts de l’IGE et sa première responsable, Mme Nafie Ngom Ndour, l’ont conduit sur la base d’une démarche méthodologique cohérente et rationnelle. Celle-ci les a amenés à proposer au chef de l’Etat, qui l’a acceptée, la suppression d’une cinquantaine (59) de structures administratives : agences, directions générales et directions ministérielles, délégation et cellules, toutes coûteuses et ruineuses pour le Trésor public. Au-delà de cette série de suppression de structures, la cérémonie officielle de diffusion des résultats des travaux de l’IGE, a été pour le président de la République l’occasion de repréciser sa vision, en matière de gouvernance d’Etat, avec l’annonce d’importantes mesures tendant, toutes, à inscrire durablement l’efficacité et l’efficience dans la conduite de l’action gouvernementale et administrative au Sénégal.


Rédigé par leral.net le Vendredi 25 Mai 2012 à 18:59 | | 0 commentaire(s)|

Les fabuleux chantiers de la gouvernance Par Abdou Latif Coulibaly
On peut, entre autres, citer des mesures déjà arrêtées ou à venir. Il s’agit, en effet, de la réactivation de la Cour de répression de l’enrichissement illicite ; de la prochaine création d’un Office national de lutte contre la corruption (OFNAC) –il va remplacer l’actuelle Commission dédiée à cette lutte- ; de la mise sur pied envisagée d’une Commission nationale de recouvrement des biens spoliés de l’Etat, et enfin, de l’adoption prochaine d’un texte de loi instituant une Commission nationale d’évaluation des politiques publiques.
L’ensemble de ce nouveau dispositif, tel qu’annoncé et tel que nous avons compris les raisons qui ont présidé à sa mise sur pied, pose dans son essence même l’exigence de bonne gouvernance, face à cette crise de gouvernabilité, c’est-à-dire : «la perte de centralité de l’instance étatique, l’inefficacité et l’inefficience de l’action publique» qui a frappé encore plus durement notre pays au cours de ces douze dernières années. Nous sommes presque tous d’accord pour admettre que l’objectif d’une meilleure gouvernance comprend à la fois le désir d’asseoir «une direction politique davantage capable, légitime et responsable et le projet d’une exécution administrative, techniquement correcte, moins coûteuse et plus efficace que celles auxquelles on s’est accoutumé». Dès lors qu’on parle sous cet angle de gouvernance, on utilise, par là, un concept renfermant une très grande hétérogénéité. La notion revêt ainsi de plusieurs significations et se prête à de multiples usages.
Conception économiste
Et c’est ce qu’on retrouve dans l’approche d’une institution comme la Banque mondiale (BM), dans celle du Fonds monétaire international(FMI) ou, enfin, dans celle du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). On le voit donc, là où la Banque mondiale considère dans son approche économiste que : «la gouvernance est une affaire de management ou de réformes institutionnelles en matière d’administration, de choix de politique, d’amélioration de la coordination et de fournitures de services publics efficaces», le PNUD, lui, donne un sens quelque peu différent; en ce que cette instance conçoit la bonne gouvernance comme étant «l’application d’une gestion efficace». Il s’agit surtout «d’un ensemble d’institutions sociétales qui représentent pleinement les populations qui sont reliées par un réseau solide de réglementation institutionnelle et la responsabilité (vis-à-vis du peuple, en dernier ressort) et qui ont pour objectif de réaliser le bien être de tous les membres de la société». Cette vision, croient de nombreux experts, a été inspirée par le Prix Nobel d’économie (1998), Amartya Sen. Ce dernier considère pour sa part que le progrès social et la démocratie sont des processus qui se renforcent mutuellement. C’est à la source d’une telle approche que le président de la République tente de nourrir sa vision de la bonne gouvernance. En l’écoutant exposer ce lundi 21 mai 2012, dans la salle des banquets du palais cette vision, en présence de son Premier ministre, des ministres du gouvernement, des hauts fonctionnaires de l’Etat et des membres de son cabinet, on reste frappé par la perspective systémique qu’il donne à son approche de la
question. Perspective systémique qui, loin d’exclure la dimension économique de la question la renforce plutôt en insistant particulièrement sur la dimension sociale, voire sociétale de la gouvernance qui exige ainsi une nouvelle organisation du pouvoir et une nouvelle façon de gouverner la société. On pose là un nouveau paradigme de la gestion publique. On apprécie encore mieux cette perspective nouvelle qui se dessine et se précise, à travers les mesures annoncées par le Chef de l’Etat, quand on considère que pendant longtemps l’usage du concept de gouvernance a été circonscrit aux questions constitutionnelles, juridiques et économiques, dans la conduite des affaires de l’Etat. Quand on parle de vision systémique on veut renvoyer à des catégories précises qui forment un tout et donnent un sens concret à l’idée de bonne gouvernance. Considérons les, les unes après les autres, en les confrontant aux réalités du contexte que les nouvelles autorités s’efforcent de créer, pour assurer une meilleure distribution du service public. On note au moins cinq catégories servant de référentiel de base. La responsabilité Il s’agit de celle de l’ensemble des acteurs impliqués dans la conduite des affaires qui rendent effectivement compte aux citoyens considérés comme des clients exigeant le respect et l’efficacité dans l’exécution des services qui leur sont fournis. Le président a particulièrement insisté à la suite des travaux de l’IGE sur cette dimension à l’aune de laquelle les agents de l’Etat et les fonctionnaires en particulier doivent être, désormais, notés et appréciés.
L’efficacité du gouvernement
Cette catégorie regroupe à la fois la question de la qualité du service public, celle de la qualité de l’organisation administrative, la compétence des fonctionnaires, l’indépendance de la fonction publique des pressions politiques et la crédibilité du gouvernement. Il s’agit de tout ce qu’il est nécessaire de faire pour que le gouvernement soit en mesure de produire et d’appliquer de bonnes politiques et d’assurer un bon service public. Sous ce rapport, il est heureux de noter que le président de la République a pris la décision de mettre en place une Commission nationale indépendante d’évaluation des politiques publiques. Ce nouvel instrument dont la création est annoncée peut être un outil efficace et efficient de gestion moderne d’un Etat.
La qualité de la régulation
Toutes les réglementations superflues rendant très lourdes la machine administrative et amoindrissant l’efficacité des prestations économiques et sociales devront être abrogées. A cet effet, il semble que le nouvel office de lutte contre la corruption devrait jouer un rôle important à travers ses missions d’études et de prospectives.
La lutte contre et l’enrichissement illicite et la corruption
Le Gouvernement du Sénégal vient de prendre la décision historique de remettre en selle la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), tombée en léthargie après quelques années de fonctionnement, depuis fort longtemps. La noble mission poursuivie à l’époque de sa création en 1981 rencontrait l’adhésion de la Communauté internationale dans l’article 20 de la Convention des Nations Unies contre la corruption, signée à Mérida en 2003 et, entrée en vigueur depuis décembre 2005. Les dispositions de cet article invitant les Etats signataires, dont le Sénégal, à incriminer l’enrichissement illicite trouvaient déjà en échos celles de l’article 163 bis de notre Code pénal. Cependant, la mise en oeuvre de l’obligation de réprimer l’enrichissement illicite ne devrait point s’écarter de l’exigence de respect des principes fondamentaux qui gouvernent le procès pénal, plus particulièrement ceux qui garantissent les droits et liberté. Le gouvernement y veillera. Ce tableau va être prochainement complété par la mise sur pied d’un Office anti-corruption. Nous pensons que tous les Sénégalais doivent s’accorder sur la question majeure de la lutte contre les crimes économiques qui menacent même l’existence de l’entité étatique nationale.
L’Etat de droit
Cette composante de la gouvernance se présente comme une donnée essentielle, dans la mesure où elle permet de mesurer le degré de confiance des citoyens dans les règles conçues par la société et la manière dont ils s’y conforment. Il s’agit aussi de l’efficacité et de l’équité de l’appareil judiciaire et le respect de toutes les normes légales (lois, conventions, contrats, etc.). Cette composante détermine en définitive la réussite d’un Etat dans l’établissement d’un environnement dans lequel des règles justes et équitables forment les bases des relations économiques et sociales. En affirmant son adhésion aux conclusions des Assises nationales, le Chef de l’Etat fait l’option d’ouvrir ainsi un vaste chantier de réforme de l’Etat, tendant à asseoir durablement les bases d’un Etat de droit solide. Cette réforme de l’Etat se trouve inséparable de celle du mode de distribution des responsabilités au sein de l’exécutif, de la place du législatif dans le travail gouvernemental, et enfin, du judiciaire comme gardien de l’Etat de droit. L’- expérience vécue en matière de réforme étatique, au cours de cinquante ans d’indépendance, montre toute la complexité et la difficulté de l’entreprise. Il y a cependant un engagement politique fortement affirmé et fondant de réels espoirs. De fabuleux chantiers de bonne gouvernance ont été ouverts, ce lundi 21 mai, au palais de la République. Ils l’ont été dans une heureuse perspective systémique.

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