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Lettre d'une femme victime d'inceste : « Comment mon père a détruit ma vie »

Rédigé par leral.net le Jeudi 10 Mars 2016 à 09:14 commentaire(s)|

«Tout a commencé quand j’avais environ sept ans. Je ne me souviens pas de la première fois où ça m’est arrivé précisément. Tout ce dont je me souviens, c’est que j’étais là, dans la chambre de mon voisin, assise sur un vieux canapé et que lui aussi était là.

Je me souviens de sa main qui a glissé doucement sous ma robe et de son souffle au dessus de ma tête. Je n’ai rien dit, pas un seul mot, comment aurais-je pu comprendre ce qu’il était en train de se passer. J’étais une enfant et jamais je n’aurais pensé à ce moment là que cet acte était si mal.

Pendant des années, je n’y ai jamais repensé, j’avais une vie qui me paraissait normale auprès de mes parents et de mes frères et sœurs. Si seulement j’avais pu me douter de ce qui se passait dans notre propre maison.

Quelques années plus tard, en août 2001, je venais d’avoir quatorze ans, c’était un samedi après-midi et ce jour là j’étais assise à coté de mon père dans le salon. J’ai mis ma tête sur son épaule. Rares étaient les moments de tendresse avec lui. Il a passé son bras autour de ma tête et m’a attrapé les cheveux tout en déboutonnant son pantalon. En à peine une seconde, je me suis retrouvée à faire une fellation à mon propre père. Comment est-ce possible ? Comment est-ce qu’un père peut oublier sa place près de vous au point de vous faire ce mal ?

Il m’a attrapé violemment pour m’allonger sur le canapé et me déshabiller puis il m’a regardé un instant. Ces yeux…pleins de perversité, de violence, je ne les reconnaissais pas. Je crois que je n’ai pas réalisé que c’était lui qui était là et que c’était lui qui me prenait ma virginité.

«Mon père m'a violé avec force»

Il m’a violé avec une telle force que je me suis mise à pleurer de douleur. Je sentais les larmes couler dans mes cheveux et mes oreilles. Pour finir, il a éjaculé sur mon visage, et ce sourire de satisfaction jamais je ne l’oublierai. Le plus dur dans tout ça c’est que mon petit frère de 10 ans était à l’étage et que j’aurais pu crier, me débattre…faire quelque chose mais je suis restée là la bouche close et le corps abandonné au bon vouloir de l’homme qui m’avait donné la vie.

Je finissais de me rhabiller lorsque ma mère et ma sœur sont rentrées à la maison. Et comme si tout cela était normal il est venu vers moi, m’a embrassé sur le front.

Pendant plusieurs semaines après ça, il venait régulièrement me voir dans ma chambre. Il me prenait dans ses bras et me demandait si j’avais aimé ce qu’il m’avait fait. Ce n’est arrivé qu’une fois et j’en remercie le ciel. Je n’étais déjà plus la même à ce moment là.

Je me suis confiée à une amie quelques jours après la rentrée. Au mois de décembre de la même année, les gendarmes sont venus remettre à mon père une convocation. Ma mère a tout découvert. Elle ne m’a pas cru je pense jusqu’à ce que mes sœurs ne lui disent qu’elles avaient subi les mêmes choses. Quand il est rentré du travail ce soir-là, ma mère lui a demandé ce qu’il avait fait et il a simplement répondu : «c’est vrai, désolé que tu l’aies appris».

Quand il est revenu après la première convocation, il m’a fait répéter pendant des heures ce que je devrais dire aux gendarmes. A sa deuxième convocation, il n’est pas revenu. Il a juste téléphoné à la maison pour nous dire qu’il était en garde à vue. C’était le 22 janvier 2002.

J’ai vu la haine dans le regard de ma mère qui était en face de moi à ce moment là. Je venais de détruire toute la vie parfaite qu’elle avait mis des années à créer. Puis j’ai commencé à recevoir des appels de tous les membres de la famille qui voulaient simplement m’insulter et me faire revenir sur ce que j’avais dit.

Violée par un groupe de jeunes

Plusieurs semaines ont passé après ça et je ne sais pas comment, mais toute la ville a fini par être au courant. Un mercredi en sortant du collège, j’étais avec un groupe de garçons et une fille qui nous a laissés en cours de route. Nous sommes tous allés chez l’un d’eux, ses parents n’étaient pas là. En une fraction de seconde, je me suis retrouvée sur la table à manger du salon complètement nue parce qu’ils avaient arraché mes vêtements. Il y avait deux garçons qui me tenaient les bras et un autre qui avait sa main sur ma bouche et mon nez. Je n’arrivais pas à respirer, et ils ont commencé à me violer l’un après l’autre. Je ne pouvais pas bouger, je regardais le lustre au dessus de ma tête en pleurant toutes les larmes que j’avais. Et après le trou noir, j’ai du perdre connaissance quelques minutes parce que quand je me suis réveillé j’étais seule, toujours nue et allongée sur cette table. J’avais tellement mal partout. J’avais du sang sur mes cuisses et mes fesses. Je les entendais rire à l’étage. Je me suis rhabillé le plus vite possible et je me suis enfui sans faire de bruit. J’ai fait comme si de rien n’était. Tout le monde m’a abandonné. Les gens me crachaient dessus et m’insultaient. C’est ce jour là, je crois que j’ai cessé d’être moi-même. J’ai appris à faire semblant que tout allait bien pour ne pas déranger les autres.

«Faire l'amour juste pour exister»

Après tout ça, j’étais persuadé de n’être qu’un objet alors j’ai fini par agir comme tel. J’ai enchaîné les amants sans retenus. J’avais l’impression d’exister seulement quand j’étais dans les bras d’un homme paradoxalement. Par la suite, c’est devenu ma seule préoccupation quotidienne, trouver un amant. Pourquoi chercher à revivre sans cesse une expérience qui vous détruit chaque jour un peu plus. Ce qui est le plus troublant, c’est que je ne suis pas vraiment moi-même quand j’ai des relations sexuelles. Comme si j’étais devenu quelqu’un d’autre, une femme qui n’aurait pas été violée et violentée. Je ne comprends pas pourquoi j’ai encore envie de faire l’amour depuis, pourquoi j’y prends du plaisir, et surtout pourquoi je me sens si honteuse après…

Le plus dur c’est de rechercher à introduire la violence dans mes relations parce qu’au fond je ne le supporte pas mais je ne sais pas pourquoi, j’en ai besoin. Je pense que malgré le fait d’aller bien et d’avoir réussi à reprendre plus ou moins ma vie en main, j’ai toujours le cœur brisé et mon corps me le dit chaque jour. Depuis ce jour d’août 2001, je crois que j’ai perdu tout ce qui était essentiel à ma survie dans ce monde. Mon père m’a pris ma liberté parce que je serais toujours enfermé dans cette douleur. Il m’a privé de ma première fois, malgré tout ce qui peut être dit, cette expérience est importante dans la vie d’une femme.

J’ai la sensation d’avoir perdu mon honneur et tout ce qu’il y avait de bon en moi sur ce canapé. J’avais perdu toute conscience, j’étais vide, dans mon cœur. Incapable de ressentir le moindre sentiment, impossible de faire confiance à qui que ce soit.

Aujourd’hui plus de huit années après, je ne sais toujours pas ce que c’est que de faire l’amour, je ne connais que le sexe, mais je suis à nouveau capable d’aimer. J’espère que ça pourra m’aider de vivre normalement et connaître tout ce qui me manque.

Je ne dirais jamais assez merci aux personnes qui m’ont permis de me libérer un peu de ce calvaire ».

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