leral.net | S'informer en temps réel

Lutte contre le tabac : La Ligue sénégalaise dénonce l’inertie de l’administration sanitaire

La célébration de la Journée mondiale sans tabac, chaque 31 mai, a été pour la Ligue sénégalaise contre le tabac (LISTAB), l’occasion de tirer la sonnette d’alarme sur l’impasse dans laquelle se trouve aujourd’hui la lutte antitabac au Sénégal. Dans une déclaration sévère, Amadou Moustapha Gaye, président de la LISTAB, met en cause l’administration du ministère de la Santé et de l’Action sociale (MSAS), accusée d’être le principal frein à l’application de la loi antitabac adoptée en 2014.


Rédigé par leral.net le Jeudi 5 Juin 2025 à 10:56 | | 0 commentaire(s)|

Le thème de la Journée mondiale sans tabac 2025, « Levons le masque ! », n’aura pas trouvé d’écho au Sénégal. Pour la LISTAB, il n’y a rien à célébrer : la lutte contre le tabac est « en souffrance », victime d’une administration sanitaire qu’elle qualifie, de « léthargique », incapable de faire avancer les textes réglementaires essentiels à l’application de la loi du 14 mars 2014.

Des textes bloqués depuis cinq ans

Parmi les obstacles pointés, l’absence de décrets et d’arrêtés censés compléter et renforcer la législation. La LISTAB cite notamment l’arrêté interdisant l’importation et la vente de la chicha, signé depuis plus de cinq ans, mais toujours en attente d’une simple numérotation pour entrer en vigueur. « C’est incompréhensible et inacceptable », tonne Moustapha Gaye.

Une impasse politique et administrative

La Ligue s’adresse directement aux plus hautes autorités du pays : le Président Bassirou Diomaye Faye, le Premier ministre Ousmane Sonko, et le ministre de la Santé Ibrahima Sy. Elle les exhorte à sortir la lutte antitabac de son coma administratif et à « convoquer les véritables acteurs de la société civile, pour un état des lieux réel ». Car, selon la LISTAB, le ministre est « mal informé » et risque de tomber dans les mêmes travers que ses prédécesseurs, à l’exception de l’ancienne ministre Awa Marie Coll Seck, seule à avoir fait progresser cette cause.

Un projet de loi controversé

La colère de la LISTAB se porte aussi sur un projet de loi antitabac finalisé en novembre 2023 et transmis au Secrétariat général du gouvernement. Selon elle, ce texte a été élaboré « en catimini », sans consultation des vrais représentants de la société civile. Elle en exige le retrait immédiat du circuit administratif, considérant qu’il manque de légitimité et de transparence.

Une société civile fragilisée de l’intérieur

Mais la critique ne s’arrête pas à l’État. Moustapha Gaye dénonce aussi « des affairistes et des rentiers » au sein même des structures censées défendre la cause. Des individus qui, selon lui, détournent les ressources destinées à la lutte, pour en faire une rente personnelle, au détriment de l’intérêt collectif.

Une jeunesse en danger

La situation est d’autant plus alarmante que le marché du tabac explose, en particulier parmi les jeunes. La LISTAB recense plus de 600 bars à chicha à Dakar, lieux prisés par les adolescents, parfois dès l’âge de 10 ans. Un danger immédiat pour une génération déjà fortement exposée à la publicité et à l’accessibilité de ces produits.

Le Sénégal en porte-à-faux avec ses engagements internationaux

Sur le plan international, le Sénégal ne respecte pas les engagements pris dans le cadre de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), ni le protocole pour éliminer le commerce illicite du tabac. La LISTAB dénonce également l’absence d’un système de traçabilité indépendant des produits du tabac, l’invasion du marché par des produits illicites et la faible taxation qui rend ces produits encore plus accessibles.

Guy Marius Sagna s’en mêle

Le député Guy Marius Sagna s’est auto-saisi de la question. Il a adressé des questions écrites au ministre de la Santé sur le processus d’adoption du projet de loi antitabac. La Ligue salue cette initiative, tout en appelant les parlementaires à ne pas cautionner un texte élaboré sans consultation véritable.

Un appel à l’action immédiate

La Ligue sénégalaise contre le tabac conclut en lançant un appel urgent au gouvernement, pour une réforme sérieuse, inclusive et rigoureuse. Elle demande notamment l’adoption de mesures fiscales dissuasives, la mise en œuvre des directives de la CEDEAO et de l’UEMOA, la reconnaissance des produits chauffés comme aussi toxiques que les autres et la protection stricte des enfants et des adolescents.

« Le tabac tue. Mais l’inaction de l’État tue aussi. » Le message d’Amadou Moustapha Gaye est clair : il est temps que l’État sénégalais passe à l’action, pour ne pas devenir complice d’une catastrophe sanitaire évitable.