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Madrid veut prendre le contrôle de la Catalogne, prête à répliquer par l’indépendance

Rédigé par leral.net le Vendredi 27 Octobre 2017 à 08:33 | | 0 commentaire(s)|

Le président indépendantiste catalan, Carles Puigdemont, lors d'une session parlementaire à Barcelone, le 26 octobre 2017 Photo LLUIS GENE. AFP

Le gouvernement espagnol devrait obtenir vendredi le feu vert du Sénat pour prendre le contrôle de la Catalogne, une mesure sans précédent en 40 ans de démocratie à laquelle les séparatistes pourraient répliquer par une déclaration d’indépendance.

La rupture semble consommée entre la Catalogne et l’Espagne, dont les rapports n’ont cessé de se tendre depuis le début des années 2010. 

Et même si elle n’a fait aucun mort, cette crise politique a franchi un nouveau palier et inquiète le reste de l’Europe qui la suit de près, même si l’UE se garde d’intervenir. 

Face aux menaces de sécession proférées par les indépendantistes, les mesures envisagées par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy sont désormais drastiques: destitution de l’exécutif indépendantiste de la région, mise sous tutelle de sa police, de son Parlement et de ses médias publics pendant une période pouvant durer six mois, avant des élections régionales en 2018.

Pour défendre ces mesures, M. Rajoy participera à la séance cruciale de débats au Sénat, qui doit débuter vers 08h00 GMT (10h00 locales) vendredi.

Son parti disposant d’une confortable majorité des sénateurs, ceux-ci devraient donc accorder au gouvernement l’autorisation de faire usage d’un article de la Constitution très délicat et encore jamais utilisé, le 155. 

Cet article permet à l’Etat de prendre le contrôle d’une «communauté autonome si elle ne respecte pas les obligations qui lui sont imposées par la Constitution ou d’autres lois».

- 'La République nous attend' -

Le gouvernement a assuré vouloir uniquement en faire usage pendant six mois, pour «restaurer l’ordre constitutionnel» et même «la concorde», alors que les Catalans sont divisés sur la question de l’indépendance.

Il s’agit de «préserver la reprise économique, l’emploi, la tranquillité des familles, qui sont en danger du fait de décisions capricieuses, unilatérales et illégales du gouvernement» catalan, a assuré jeudi la vice-présidente du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria.

Mais ces mesures risquent d’entraîner une forte résistance -se voulant pacifique- en Catalogne, une région très attachée à cette autonomie récupérée après la fin de la dictature franquiste (1939-1975).
Les grandes associations indépendantistes ANC et Omnium Cultural, dont les dirigeants avaient été placés en détention pour «sédition» à la mi-octobre, ont lancé des appels à manifester devant le parlement catalan dès vendredi matin, avec le slogan: «La République nous attend, il faudra la défendre».

La mise sous tutelle de la région pourrait contribuer à alimenter le ressentiment contre le Parti populaire (PP) de M. Rajoy, qui avait déjà obtenu que la Cour constitutionnelle rabote en 2010 le statut d’autonomie de la Catalogne. Beaucoup estiment qu’elle pourrait même contribuer à y renforcer le sentiment indépendantiste.

Le président catalan, l’indépendantiste Carles Puigdemont, a déjà lancé que ces mesures cachaient en fait «l’intention vengeresse» de l’Etat contre la région insoumise.

Jeudi, il a renoncé in extremis à convoquer des élections anticipées dans sa région, douchant les espoirs de ceux qui espéraient que cela ouvrirait un espace pour le dialogue et l’apaisement. 

Dans le cadre d’une médiation entre Barcelone et Madrid -impliquant notamment le président du gouvernement basque Inigo Urkullu-, il était en effet envisagé que M. Rajoy accepte de ne pas appliquer l’article 155 si M. Puigdemont convoquait ces élections.

- L’article 155, une 'agression' -

Après une une journée de tergiversations et fausses rumeurs, M. Puigdemont a cependant annoncé qu’il renonçait à convoquer ces élections, faute d’avoir obtenu cette garantie de Madrid. Et il a laissé au parlement catalan le soin de déterminer vendredi les conséquences de l’application du 155 «contre la Catalogne».

Les partis séparatistes -allant de l’extrême gauche au centre-droit- sont majoritaires en sièges (72 sur 135) au parlement catalan depuis septembre 2015. Ils conduisent un processus, présenté comme irréversible, pour conduire la région à l’indépendance, au grand dam d’une bonne partie des Catalans qui veulent rester espagnols.

Vendredi, «nous proposerons que la réponse à l’agression incarnée par l’article 155 soit de poursuivre le mandat du peuple de Catalogne, tel qu’il découle du référendum» du 1er octobre, a annoncé le député catalan indépendantiste Lluis Corominas.

Avec 90% de «oui» et 43% de participation, des chiffres non vérifiables, les résultats du référendum d’autodétermination interdit -et émaillé de violences policières- sont présentés comme «un mandat» pour déclarer l’indépendance.

Reste à savoir si le camp indépendantiste restera assez soudé pour voter, vendredi, sa proclamation de «la République catalane». La démission jeudi du ministre chargé des entreprises au sein de l’exécutif catalan, Santi Vila, après avoir constaté que ses efforts pour le «dialogue» avaient échoué, montre que les jeux ne sont pas faits.

La région, qui contribue à hauteur de 19% au PIB espagnol, fait face à une inquiétante fuite d’entreprises, 1.600 ayant déplacé leur siège social ailleurs depuis début octobre. 

La prolongation de la crise pourrait générer des retombées économiques très négatives pour la région comme pour le pays, 4e économie de la zone euro.