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Magal de Serigne Modou Balla Mbacké: Hommage à un Saint et à un Pionnier


Rédigé par leral.net le Mardi 15 Août 2023 à 21:11 | | 0 commentaire(s)|

Darou-Mouhty se prépare à commémorer la mémoire de l’un de ses plus illustres représentants Serigne Modou Awa Balla Mbacké qui a été le premier successeur et le « Khalif » de Mame Thierno Birahim Mbacké pendant quarante ans.

Cet important évènement qui se tiendra sous le «Khalifat » du Docteur Khadim Modou Awa Balla Mbacké, successeur de Serigne Moustapha Hafsa Mbacke rappelé à DIEU, est une occasion de mettre en exergue les importantes réalisations et l’empreinte indélébile que Serigne Modou Awa Balla Mbacke a laissé aux générations actuelles et futures.

Ce saint homme, fils aîné de Mame Thierno Birahim Mbacké, frère et bras droit de Serigne Touba, a vu le jour à Gouye Ngoura en 1896, un an après le départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba. Il a eu le rare privilège de faire partie des personnes de sa génération, avec Serigne Modou Mamoune Mbacké de Darou Salam et Serigne Bassirou Mbacké Khadimou Rassoul, qui ont grâce à une fréquentation assidue de Cheikh Ahmadou Bamba directement bénéficié de ses enseignements. Le statut dont il jouit au sein de la confrérie mouride lui a été en grande partie conféré par cette proximité avec Cheikh Ahmadou Bamba et l’affection que ce dernier lui a toujours manifesté. Affection illustrée par ces propos que Cheikh Ahmadou Bamba lui a tenu en présence de son père : « Modou, sache que je t’ai balisé ton chemin. Tous tes désirs seront exaucés et tes craintes éloignées à jamais ».

Les enseignements et la formation religieuse qui lui ont été inculqués très tôt lui ont permis de synthétiser les trois dimensions spirituelles que doit réunir tout « mouride sadikh » à savoir le Tarbiya (Dévotion du talibé), le Tarkhiya (Acquisition des nobles qualités) et le Tasfiya (Aspiration vers Dieu par l’évocation).

Son esprit pionnier et visionnaire ainsi que son ardeur au travail ont permis de doter Darou-Mouhty de la plupart des infrastructures socio-économiques indispensables à la vie décente et au bien-être des populations. Ses nombreuses réalisations ont largement contribué à faire de cette localité la seconde ville des mourides après Touba et le pôle de développement qu’il est devenu. En effet, à la disparition de Mame Thierno Birahim Mbacke en 1943, la localité manquait cruellement d’eau potable à tel point que les témoignages de l’époque comme celui du célèbre écrivain Abdoulaye Sadji publié dans le « Paris-Dakar » du 4 juin 1946 portaient sur la question à savoir comment la ville a pu naître et prospérer à un endroit si aride.

Dans un autre article paru le 20 juillet 1946, le même auteur affirme : « la ville, étant donné sa position charnière entre les cercles de Louga et Diourbel, son niveau de production arachidière, l’intensité de la traite, le nombre de commerces libano-syriennes installées et la qualité de ses habitants, mourides rangés, disciplinés, travailleurs et amis du progrès, pourrait rapidement se développer si le problème de l’eau était résolu ».

Serigne Modou Awa Balla qui avait compris la nécessité de disposer des infrastructures de base pour fixer les populations et permettre le développement de la localité entreprit de doter Darou Mouhty de son premier ouvrage hydraulique.

Une des œuvres majeures de Serigne Modou Awa Balla Mbacke aura été l’implantation du premier forage de Darou-Mouhty inauguré le 28 Décembre 1949. Une rétrospective permet de mieux situer l’évènement qui aura nécessité du saint homme un entregent et une pugnacité dans l’effort hors du commun pour arriver à ses fins en convaincant l’administration territoriale d’équiper la ville d’un forage. L’évènement fut d’une portée considérable à tel point qu’il fut la une du Quotidien national « Paris Dakar » du Samedi 31 Décembre 1949. Paul Béchard, Commissaire de la République française présida la cérémonie.

Parti par vol spécial de Dakar le 28 Décembre 1949, il fut accueilli à l’aérodrome de Dakar-Bango (Saint-Louis) par les plus importantes personnalités politiques du Sénégal parmi lesquelles on pouvait noter M. Bailly, Gouverneur par intérim du Sénégal, Adama Lo premier vice-président du Conseil Général du Sénégal, Delmas président de la Commission permanente du Grand conseil, Boni fay premier adjoint au maire de Dakar, le Général Rousseau , Mar Diop maire de Saint-Louis, Karim Gaye, Assane Diop et Salzmann membres du Conseil général.

Après avoir rendu les honneurs au drapeau, le haut commissaire s’est rendu à Darou-Mouhty où il fut accueilli par des milliers de personnes et les plus grands dignitaires mourides parmi lesquels Serigne Fallou Mbacke Khalife général des mourides, Serigne Bassirou Mbacke khadimou Rassoul, Serigne Modou Awa Balla, Serigne Cheikh Awa Balla, Serigne Cheikh Mbacke Gaînde Fatma, Serigne Modou Moustapha Fall khalif général des Baye fall etc. Ce forage réalisé par l’hydraulique africaine dans le cadre d’un programme destiné à remédier au manque d’eau constaté dans la région de Diourbel avait une profondeur de 280 mètres.

Le gouverneur précisa le rôle éminent joué par Serigne Modou Awa Balla Mbacke et l’appui déterminant du sénateur Romani pour mener à bien ce projet qui a permis pour la première fois aux populations locales de disposer d’une eau abondante et non polluée. Les mêmes propos furent repris par les autres orateurs : le président Adama Lo parlant au nom de Me Lamine Gueye absent, Me Boni Fay et M. Delmas. Après le déjeuner offert par Serigne Modou Awa Balla Mbacke aux autorités administratives, politiques et religieuses, le gouverneur retourna à Saint-Louis où une grande réception fut organisée à son honneur au palais du gouvernement.

Les autres infrastructures suivirent rapidement. Il s’agit entre autres du lotissement de la ville avec l’attribution des premiers permis d’occuper, de la création d’un poste télégraphique et téléphonique, d’un service postal (en 1952) desservi par du courrier régulier dont la distribution était assurée par un véhicule qu’il avait mis gracieusement à la disposition de l’administration, d’un marché équipé de cantines en 1954, et d’une gendarmerie implantée sur sa demande pour assurer la sécurité des habitants ainsi que d’un centre vétérinaire.

Il entreprit à partir de mai 1966, l’édification de la grande mosquée de Darou Mouhty qui aura coûté au moment de sa première inauguration plus d’un milliard Fcfa entièrement financé par la communauté mouride.

Sa contribution dans le domaine de l’éducation aura été déterminant avec l’implantation de « Daraas » réputés pour la qualité de leur enseignement et la philosophie de travail inculquée aux disciples qui les ont fréquentés. Ces « Daraas » sont devenus des localités importantes de leur zone d’implantation : « Madina » et « Yabal » (dirigés par Serigne Moustapha Absatou Diakhaté Mbacké), « Karatièle » (confié à son fils Serigne Bassirou Astou Lô), « Darou-Rahmane » en 1944 (fief de Serigne Fallou Astou Dieye Mbacke), « Sarsara » (village rendu célèbre par Serigne Kosso Astou Lô), « Ndiarème Yabal »(village de Serigne Kosso Ganar ).

Il autorisa l’ouverture de la première école française après celle de Diourbel dans un "Daraa" mouride attestant à l’époque d’un grand esprit d’ouverture et de progrès.

Ces successeurs Serigne Abdou khoudoss Mbacké rappelé à Dieu en 2003 , Serigne Cheikh Khady Mbacké, Serigne Abass Mbacké ont continué par leurs réalisations à renforcer la position de la localité comme second pôle du mouridisme.

L’actuel Khalif Serigne Bassirou Anta Niang Mbacke s’est inscrit dans le même sillage que ses prédécesseurs qui ont consacré leur vie à servir leur communauté.

Mieux que toutes ces réalisations matérielles, Serigne Modou Awa Balla a su se mettre au service de la communauté avec altruisme. Il a toujours vécu dans la simplicité la plus totale avec un attachement profond aux valeurs originelles du mouridisme fondées sur le diptyque amour du travail et soumission profonde à Dieu.

Ce sont ces raisons qui justifient que son œuvre mérite d’être présentée aux générations actuelles, en quête de référence et de leader inspirateur, pour qu’elles comprennent la raison pour laquelle elles doivent toujours se demander « ce qu’elles peuvent faire pour leur pays et non ce que leur pays peut faire pour elles ».

Abdoukhadire Sall
(Diplômé HEC /Paris Sorbonne et CEFEB )
abdoulkhadiresall@gmail.com



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