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Mansour KAMA, président de la Confédération nationale des employeurs du SENEGAL (CNES) : « Si l’Etat gère avec davantage de sérieux, cela nous encourage à investir »

En présence du directeur général du Soleil, Cheikh Thiam et des journalistes de la rédaction, Mansour Kama, président de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes), accompagné de membres de son organisation, a déploré l’impact négatif des troubles pré-électoraux sur l’économie nationale. Il a également fait part de son optimisme sur les retombées économiques positives de l’alternance pacifique intervenue le 25 mars 2012 au Sénégal.


Rédigé par leral.net le Mardi 10 Juillet 2012 à 20:56 | | 1 commentaire(s)|

Mansour KAMA, président de la Confédération nationale des employeurs du SENEGAL (CNES) : « Si l’Etat gère avec davantage de sérieux, cela nous encourage à investir »
Historique et idéaux de la Cnes
La Cnes est née en 1983. Nous sommes à l’origine de la création du Cnp (Conseil national du patronat). La Cnes a précédé toutes les organisations qui sont apparues bien après l’indépendance et qui ont essayé de se substituer ou de supplanter les organisations traditionnelles issues de l’époque coloniale. Notre credo, c’est le secteur privé national car les fondateurs sont des Sénégalais même si nous avons toujours ouvert l’organisation à une participation étrangère. Mais ce que nous avons toujours défendu comme principe, c’est la priorité à accorder au secteur privé et aux opérateurs nationaux. Ce long combat qui a été celui de la Cnes, est celui du développement du secteur privé national. Pendant longtemps, l’Etat était le seul acteur de l’action économique ; il a fallu l’émergence d’entreprises privées nationales et le représentant de ces entreprises pour tendre vers la libéralisation et la privatisation. Nous avons connu des années de braise mais, aujourd’hui, tout le monde peut se satisfaire du fait que nous avons un secteur privé reconnu. Le tournant que nous avons connu le 25 mars 2012 (changement de régime politique, ndlr) est la consécration du secteur privé puisque le Premier ministre, Abdoul Mbaye, est issu de nos rangs ainsi que le ministre des Finances (Amadou Kane, ancien patron de la Bicis). Youssou Ndour (ministre de la Culture et du Tourisme) est également un pur produit du privé. Ce tournant qui transcende l’idéologie est un défi pour le secteur privé car il faut réussir ce mandat pour la partie confiée à des représentants du secteur privé à travers la Primature et le ministère de l’Economie et des Finances. Les politiques ne nous ont jamais fait de cadeaux dans la direction des affaires. Il faut aussi saluer la pertinence du choix du président Macky Sall et le risque qu’il a accepté de prendre pour confier la Primature et certains ministères à des représentants du secteur privé. Cela nous conforte dans l’idée que la construction de notre pays doit être le fait de tout le monde. C’est la conjonction des efforts de tout le monde, l’expérience des uns et des autres qui vont faire du Sénégal un pays émergent.

Patriotisme économique
Le credo de la Cnes et les valeurs que nous défendons, c’est ce que nous appelons le patriotisme économique que nous avons théorisé dans le cadre de notre participation aux Assises nationales. Nous avons dirigé ces Assises nationales à côté d’éminentes personnalités de ce pays. Je dirai que le patriotisme économique, pour nous, c’est la valeur sur laquelle nous pensons qu’il faut appuyer les actions du secteur privé pour prendre davantage conscience des responsabilités que nous avons en matière de création de richesses, d’emploi, de responsabilités sociétales. Le patriotisme interpelle la plus haute autorité du pays, Macky Sall, comme le gouvernement, les directeurs de services et toutes les structures avec lesquelles nous sommes engagés dans une sorte de partenariat public-privé.
Ce credo de patriotisme économique est une prise de conscience du niveau auquel nous nous situons et des difficultés que traverse le Sénégal. Un certain nombre de questions a été avancé par le nouveau pouvoir en termes d’urgences et autres, nous sommes préparés et nous avons commencé à travailler là-dessus.

Impact des troubles pré-électoraux
Nous avions toujours eu une position consistant à dire : « attention, nous avons observé que les périodes pré-électorales sont des périodes pendant lesquelles l’activité économique est impactée de façon négative. En période postélectorale, vous accusez le coût de tout ce qui n’a pas été fait pendant la période pré-électorale. L’impact est mesurable sur l’activité de 2011 puisque, au cours de cette année, il y a peut-être d’autres facteurs négatifs qui ont joué. On pense notamment à la contribution du secteur agricole à la croissance économique qui a été impactée. En fin 2011, la croissance était aux alentours de 2,6 % alors que la projection de départ était de 4,1 %. Vous avez aussi, dans le domaine de l’énergie, l’impact des délestages car le plan « Takkal » n’a été mis en œuvre que vers le dernier trimestre de 2011. Mais tout au long de l’année 2011, à partir du moment où les batailles commençaient autour des élections, de la validité ou non de la candidature du président sortant, les attitudes des investisseurs ont été des comportements de frein à toute volonté d’investissement. Si vous faites la corrélation avec le premier trimestre de 2012, nous sommes dans une situation quelque peu compliquée. Les nouvelles autorités ont même posé ce problème. De grandes difficultés ont été trouvées au ministère de l’Economie et des Finances et dans la gestion des finances publiques. Au plan macro-économique, vous avez donc cet impact.

Au plan micro-économique, vous avez des exemples très patents. Dans le secteur du tourisme, il y a un ralentissement des arrivées. Cela est l’impact direct d’appréhension que des touristes peuvent avoir par rapport à un pays où il y a l’instabilité politique car elle se traduit par des troubles sur les voies publiques et des morts d’hommes. Malheureusement, pour le Sénégal, ces informations ont été diffusées dans le monde et ont projeté une image du pays qui a fait que des gens ont différé leurs investissements. Si vous rapportez le taux de croissance au taux d’investissement, on a vu que le taux d’investissement au Sénégal a stagné depuis 2011 autour de 22 %.
Sur le plan sectoriel, quelques secteurs ont pu tirer leur épingle du jeu car il y avait un élan déjà engagé. Je pense au secteur des Btp en ce qui concerne les grands travaux. Mais nous avons eu un impact sur la dépense publique qui fait que nous avions un déficit important du Pib puisque le Sénégal a crevé le plafond de 6 % de déficit qui représente, rien que pour la période considérée, presque 442 milliards de francs Cfa, si je le rapporte au Pib. Cela va rétrécir la marge de manœuvre que le nouveau gouvernement va avoir car il y a des urgences. Il y a eu cet impact sur la baisse des recettes. Quand l’activité ralentit, les recettes fiscales baissent, le budget n’est plus en mesure de couvrir les dépenses publiques et le déficit se creuse.
En revanche, l’impact ne s’est pas fait ressentir sur le secteur moyen des Btp. Les grands travaux ne concernaient que quelques grandes sociétés. Le secteur cimentier a même beaucoup progressé grâce aux exportations dans la sous-région.

Perspectives pour le Sénégal après l’alternance
Cette expérience douloureuse (troubles pré-électoraux) a quelque chose de positif. En effet, elle aura permis de montrer que le Sénégal est une nation majeure et que les élections ne feront plus peur à certains. Chaque fois que dans un pays de la sous-région, il y a des élections, les investisseurs sont freinés. Aujourd’hui, avec cette expérience de notre pays qui a été réglée de manière pacifique et démocratique, les investisseurs regardent le Sénégal autrement, comme une démocratie majeure pour laquelle les prochaines échéances ne feront pas l’objet d’inquiétudes qui risquent de freiner les activités économiques. Depuis le mois de septembre, c’est une succession de fêtes et de périodes de non travail couronnées justement par les préparatifs des élections, ensuite il y a eu les deux tours qui ont été très lourds en termes d’impact.
Les signaux émis sont positifs. Lorsque nous parlons aux investisseurs de l’extérieur, ils nous disent qu’ils sont rassurés par rapport aux signaux émis par le président Macky Sall dans sa capacité à transcender les chocs internes comme celui de la stabilité politique. Sur le plan économique, les gens sont rassurés par le fait que le nouveau gouvernement a, à sa tête, un homme issu du secteur privé. Il faut juste mettre l’accent sur un pragmatisme économique et sur une certaine distance vis-à-vis du poids politique. Parce que ce qui gênait les reformes, c’était les calculs politiques. Par exemple, quelqu’un qui a quelque chose à perdre dans des réformes politiques, peut les freiner. Beaucoup de réformes qui devaient parfaire l’environnement des entreprises ont été freinées parce qu’il y a une certaine crainte à mécontenter une frange de la population lorsqu’on la vise comme un électorat.

Mais, aujourd’hui, nous sommes sortis de cette situation. Le rattrapage, sur le plan des réformes, peut être fait. La rupture opérée par le président de la République à destination des investisseurs nationaux ou étrangers, nous incite à revenir au travail et à investir. De cette façon, le taux de croissance peut raisonnablement remonter et retrouver un niveau qui peut frôler les 4 %, si nous avons la chance d’avoir, en plus d’une pluviométrie, une bonne gestion des semences et intrants agricoles. En effet, c’est la mauvaise contribution du secteur primaire qui a fait chuter le taux de croissance économique. Aussi, si nous avons la chance de voir l’Etat gérer avec davantage de sérieux et en diminuant son train de vie et autres, normalement, nous devons avoir un environnement qui sera plus orienté vers les performances que vers les corruptions. Ce signal nous encourage à remettre la main à la poche.

Baisse des prix des denrées de base
Nous ne sommes pas là pour demander à l’Etat de subventionner des produits. Il n’en a même pas les moyens. La question, c’est de maîtriser un certain nombre de paramètres comme la distribution de produits destinés à la population dans une gestion concertée de ces urgences. Nous sortons d’une concertation avec le Premier ministre, ce qui montre que nous sommes en train de parler le même langage. En termes d’investissement, nous allons revenir à une situation qui va faire revenir les investisseurs. D’ailleurs ils sont en train de revenir.

Les caisses de l’Etat vides ?
Il y a eu une annonce spectaculaire selon laquelle les caisses de l’Etat seraient vides mais on ne sait pas jusqu’à quel point. Le déficit budgétaire, tel qu’il est aujourd’hui, montre qu’il y a un souci par rapport aux dépenses publiques qui ont été d’une grande ampleur, et aux recettes qui ont baissé. Mais les recettes tournent en permanence. Ce qui veut dire que le Sénégal doit négocier avec les partenaires au développement sur la marge de manœuvre que le nouveau gouvernement peut obtenir de la part des institutions comme le Fmi et la Banque mondiale pour au moins laisser filer légèrement le déficit budgétaire. En tout cas, je suis partisan des déficits budgétaires car ils sont des paris pendant un temps bien limité sur l’avenir pour permettre de relancer une économie. En oubliant cette histoire de caisses vides, il faut créer la marge de manœuvre que l’Etat peut obtenir. Le retour aux affaires, c’est aussi le retour à des recettes qui augmenteront au fur et à mesure. Le trimestre que nous entamons, avec tout ce qui est annoncé, peut permettre de relancer la machine. L’Etat sera en mesure de payer les salaires. Certes, il y a tout un ensemble de demandes qui viennent et qu’il faudra prendre en compte. La marge de manœuvre doit être octroyée aussi bien par les partenaires que par nous-mêmes. Il y a déjà un gros souci avec la baisse des denrées mais cela peut être géré de manière heureuse par les entreprises du secteur privé, l’Unacois, les distributeurs, pour satisfaire les consommateurs sur certains points. S’il y a la possibilité de ne pas recourir à des subventions, c’est tant mieux pour l’Etat car il lui permettra de combler partiellement les trous occasionnés par le déséquilibre important qui est chiffré aux alentours de 442 milliards de francs Cfa.

Pôles économiques régionaux
Sur les pôles économiques, je voudrai souligner que nous n’avons pas attendu le programme de Macky Sall pour nous y intéresser car son approche rejoignait nos travaux aux Assises nationales. Le président a fort heureusement inscrit cela dans son programme parce que c’était une des recommandations fortes des Assises nationales pour sortir le pays d’une situation paradoxale : une hypertrophie, une macrocéphalie de Dakar au détriment des régions. Pour ce qui est des pôles économiques régionaux, nous avons mis en pratique nos théories lors des Assises nationales, à savoir que l’équilibre spatial devrait être revisité. Tout en laissant les régions, au plan administratif, il faut aller vers des complémentarités régionales pour mettre en exergue les potentialités mais, en même temps aussi, faire en sorte qu’il y ait un lien fort entre l’Etat central, les collectivités locales et le secteur privé local ou national.

Il faut mettre en valeur les capacités de toutes ces régions. Notre démarche permettait de mettre un focus important sur les potentialités mais aussi de mobiliser des ressources humaines, des investisseurs, des bailleurs de fonds et essayer, par ce biais, de relancer la machine au sein des régions qui se sentaient abandonnées.

Nous avons théorisé et mis en pratique les pôles économiques depuis quelques années. Les journées économiques que nous organisons régulièrement sont la tradition concrète de ce que nous entendons par pôles économiques régionaux qui se veut la promotion de la continuité et de la solidarité territoriale. Il y a une discontinuité pour ce qui est observé par l’économie et la géographie. Le découpage administratif ne recoupe pas les réalités économiques. Il y a une rationalisation qui permet d’avoir une base de développement homogène certaines localités. Le fait de retrouver cette idée dans l’agenda du président Macky Sall nous conforte à l’idée qu’au niveau le plus élevé de l’Etat, nous avons la conviction forte qu’il faut éviter d’appauvrir les régions en espérant développer le Sénégal. La pauvreté nationale n’est qu’un enchainement de la pauvreté locale. Développer le Sénégal, c’est commencer à donner à chaque région une certaine réalité économique.
Sécurité alimentaire
C’est très problématique et c’est étonnant que le Sénégal soit très en retard par rapport à quelque chose qui est connue. On sait, à l’approche de l’hivernage, qu’il y a une période de soudure. Depuis que nous sommes indépendants, tous les régimes qui se sont succédé mettaient en avant la mobilisation de ressources pour la période de soudure. Le deuxième élément est que lorsque les observations des satellites sur le Sahel montrent des difficultés pluviométriques avec des risques d’affecter la production agricole, il y avait déjà une mobilisation qui s’était faite, au plan international, depuis longtemps. Le Sahel est une zone surveillée. Nous avons été étonnés, au cours des Assises nationales, d’apprendre sur la base d’un rapport fait récemment par le Cncr (Conseil national de concertation des ruraux), qui s’était rendu à Genève, là où se faisait la mobilisation de ressources pour aider les pays du Sahel à faire face, dans des zones où l’on craignait même la famine, que le Sénégal n’avait fait aucune demande pour être inscrit parmi les pays ayant besoin de cette mobilisation de ressources. Nous avions, à partir de ce moment, attiré l’attention du candidat Macky Sall sur l’urgence et la priorité à donner à cette question. Ce qui explique d’ailleurs la rencontre qu’il a eue avec l’ancien directeur de la Fao, Jacques Diouf, pour qu’il l’aide à toucher les partenaires afin de mobiliser les ressources. C’est une question qui sera réglée car les bailleurs de fonds ont conscience de l’importance de ce point et se réjouissent aussi que cela devienne une priorité car les risques sont énormes pour les agriculteurs. C’est grave de savoir que la production d’arachide a chuté dans des proportions dépassant 50 %, ainsi que le mil. La pluviométrie n’explique pas tout, le choix des semences, les intrants doivent accompagner et pallier les déficiences.

Assises nationales et menaces subies par la Cnes
Nous avons servi de leçon à tout le Sénégal en ce qui concerne la force de la conviction. Si vous avez le sentiment que ce que vous faites pour le pays, ce n’est non pas pour de la diversion mais parce que c’est ce qui est juste, il est très difficile de céder aux menaces. Je suis vice-président des Assises nationales et nous avions invité officiellement le président sortant, Abdoulaye Wade, à y participer. Certes, il y a un focus extraordinaire fait par le politique sur le débat relatif au parlementarisme, au présidentialisme et autres. Les Assises ont été bâties sur le principe qu’il fallait revisiter toute l’histoire politique, économique, institutionnelle, sociale, sanitaire, culturelle et sportive du Sénégal de 1960 à aujourd’hui. Cela veut dire que toutes les politiques mises en œuvre ont été évaluées pour déboucher sur des recommandations fortes et embrassant tous les secteurs cités, en ayant une démarche thématique. Le rapport général des conclusions des Assises nationales montre que nous n’avons rien laissé en rade. En prenant le pari de mettre en application les conclusions des Assises, les gens vont se rendre compte que, dans beaucoup de domaines que nous avons visités, des reformes et des changements vont s’opérer. La recommandation des Assises nationales sur les pôles régionaux sera mise en œuvre. Il y a d’autres domaines pour lesquels le président Macky Sall va puiser dans les Assises nationales pour pouvoir les mettre en œuvre. Les questions de gouvernance et de transparence dépassent le cadre politique.
Nous avons subi le contrecoup de notre engagement à participer aux Assises nationales même si les menaces n’ont pas prospéré. Je me souviens d’une menace qui disait que toutes les entreprises du secteur public membres de la Cnes sont invitées à démissionner. Nous, les industriels, nous n’intervenons pas dans le marché public mais les entreprises qui sont dans le bâtiment et les services ont été victimes de ces menaces car la mesure de rétorsion, c’était de ne pas leur donner du travail. Et vous êtes certainement au courant de la bataille que nous avons menée pour le Code des marchés parce que, pour nous, c’était l’angle d’attaque pour museler le gouvernement dans sa volonté d’empêcher les entreprises sérieuses de travailler. Nous avons mis tout notre poids sur la promulgation du Code des marchés pour éviter d’être des victimes de l’arbitraire. Lorsque nous avons réussi à faire descendre le taux du gré-à-gré à 8 %, à l’approche des élections, on a sorti des modifications pour faire du secret-défense le moyen le plus sûr de faire du gré-à-gré. Au moment où Me Wade quittait le pouvoir, le gré-à-gré était remonté à 47 %.
L’ostracisme se manifeste à beaucoup de niveaux : on peut faire des discriminations entre les organisations patronales. Des membres de la Cnes ont exprimé leur peur. La discrimination entre organisations patronales n’a pas réussi à nous détourner de notre chemin. Au contraire, elle nous a forgés dans l’idée que nous véhiculions. L’erreur, c’était de penser qu’en mettant en difficulté les organisations patronales, le problème des Assises nationales allait être réglé, car elles étaient une formidable conjonction entre les citoyens et le secteur politique et économique. Ce n’était pas une affaire de leaders politiques comme le faisait croire le régime sortant. Dès lors que vous réussissez à mettre ensemble les politiques, une bonne frange de l’opposition, la société civile, les syndicats des travailleurs, l’Unacois, la Cnes, les Ong, etc., il était illusoire de vouloir casser la dynamique d’ensemble par des menace et de la discrimination.
Nous avons assumé les conséquences de notre adhésion aux Assises nationales. Nous nous sommes dits : « oui, il faut donner la priorité aux nationaux, mais attention, il faut le faire de manière transparente pour donner plus de chance au plus grand nombre ». Après, le talent des individus, leur capacité, et, peut-être, la baraka que Dieu a donnée à chacun, vont jouer. L’ancien régime avait mis une ligne rouge, un mur, pour ceux qui avaient participé aux Assises nationales. Quand le chef de l’Etat (Me Wade) dit qu’il a fabriqué des milliardaires, nous lui demandons : comment ?

Lenteurs de la justice dans le traitement des dossiers
La question de la justice, en réalité, conditionne pour une large part, l’accès au financement. L’environnement juridique fait partie des préoccupations que le secteur privé a exprimées depuis longtemps. Je dois dire que des progrès ont été enregistrés : c’est la mise en œuvre d’un plan sectoriel justice. Le deuxième progrès, par rapport à une demande que nous avions formulée à l’ancien régime, c’est la création d’une chambre économique. Jusqu’à présent, au tribunal, vous avez des chambres civiles. Mais, on ne peut pas dire que le magistrat était véritablement préparé à légiférer sur des questions économiques. Il faut donc saluer ce progrès fait par l’administration sortante. Les questions liées à la lenteur de la justice appellent au manque de moyens, de formation, etc. Ensuite, il y a aussi, bien évidemment, le fait que certains magistrats nous ont posé des problèmes liés à la corruption. Nous pensons qu’il y a eu une immixtion trop forte de l’exécutif dans l’administration judiciaire. Aujourd’hui, on sort des dossiers qui étaient rangés au fond des tiroirs pour les mettre en exergue. Il faut une réforme de la justice pour la rendre plus indépendante. Tout le monde y gagne, la démocratie aussi. C’est surtout un signal fort qu’on peut envoyer à l’endroit des investisseurs, parce qu’ils se sentiront, en ce moment-là, sécurisés. Lorsque l’environnement est sécurisé, cela fait plaisir et vous avez envie d’investir.

Existence d’une chambre d’arbitrage
On ne peut pas dire que la chambre d’arbitrage ne fonctionne pas. Elle fonctionne. Il a fallu nous discipliner et nous former. Beaucoup d’opérateurs sénégalais n’étaient pas familiers avec l’arbitrage, car c’est anglo-saxon. Nos amis français l’ont expérimenté après. Depuis longtemps, chez les Anglais, les litiges se traitaient, non pas au tribunal mais dans le cadre d’arbitrage. Le simple reflexe qui consiste donc, dans un contrat, de mettre une clause compromissoire, c’est-à-dire, en cas de litige entre les deux parties, s’adresser à un arbitre, suffit pour que le tribunal n’ait pas à intervenir dans un premier temps. Il a fallu former beaucoup de gens sur les contrats qu’ils signaient avec des étrangers très malins. Je pense qu’il y aura des progrès. Je suis convaincu que si la justice se met en place avec une certaine indépendance, nous aurons un système juridique plus harmonisé et qui rassurera tout le monde.

Accès au financement
Les banques se plaignent du fait que même si elles demandent des garanties, elles ont du mal à les faire respecter. Il faut reconnaître que le financement de l’économie a connu des progrès, mais il reste beaucoup de chemin à faire. Les banques disent avoir du mal à travailler avec les petites et moyennes entreprises (Pme) sénégalaises, parce que les documents, les états financiers qu’on leur présente ne sont pas fiables. Les gens ont trois bilans : un pour le fisc, un pour la banque et un autre pour le patron ou les actionnaires. Nous avons proposé deux pistes : il y a une qui est déjà consacrée par le comité national de crédit qui va se mettre en place. On l’appelle, aux Etats-Unis, le « credit bureau ». Il en existe, dans certains pays, pour représenter l’interface entre le promoteur, la Pme et la banque. Le crédit de bureau agréé par la banque sert maintenant non pas de garantie physique, mais de garantie sur la qualité des documents. Et cela, les banques reconnaissent qu’elles en ont besoin au moins pour former un jugement un peu plus positif dans la distribution du crédit. Au Maroc, ce système a permis de lancer la machine du financement des Pme.

Les banques dites nationales ont tendance à avoir plus d’envie que celles dites étrangères. Celles qui étaient là depuis l’époque coloniale ont notamment plus de ciblage sur certains nombres d’entreprises et font leur chiffre d’affaire avec celles-ci. Il y a d’autres banques qui émergent et qui sont en train de trouver des solutions, car n’étant pas liées à la garantie physique. Tout ce que la personne qui crée l’entreprise avait comme moyen, elle l’a mis dans ses investissements et elle se retrouve sans fonds de roulement. Maintenant, quel est le rôle de l’Etat ? Le président Macky Sall avait décidé de créer d’abord un fonds souverain, c’est un élément très important. Il peut servir de point d’appui pour soutenir le développement des Pme. C’est tout à fait possible. Cela peut servir de point d’appui pour l’accès au crédit des Pme. Le président de la République a pris conscience de ce débat, parce qu’il y a eu trop de débats là-dessus. Nous avons une autre piste qui consiste à relativiser la garantie. Nous voulons mettre en place des systèmes de notations des Pme. Nous n’inventons rien, cela existe en Inde. C’est ainsi que ce pays a réglé le problème. Si une Pme est notée A+, on saura que c’est sa garantie et qu’elle produit des documents en temps normal avec un commissaire aux comptes, etc. Je crois que ce problème sera résolu pour une bonne partie, mais il demeurera toujours que le risque est quelque chose qu’on apprécie en tant que banque. Le risque a un coût. C’est la règle du jeu.

Nécessité d’avoir un observatoire sur la qualité
L’observatoire prend en compte toute les pratiques : les récriminations telles le taux d’intérêt, le traitement des dossiers, etc. Il a un avantage : c’est un service public, toutes les mauvaises pratiques sont répertoriées. Il y a une étude importante qui vient d’être terminée à la demande du ministère des Finances et de la banque centrale sur les taux de crédit. Je reste persuadé qu’il y a une volonté de revoir, de revisiter tout cela, parce que les taux de crédit sont importants, il n’y a pas seulement le problème de l’accès.

Montage financier de Sénégal Airlines
Cela fait partie de nos préoccupations que les chefs d’entreprise créent des fonds d’investissement. C’est important. Mais Sénégal Airlines n’est pas aussi idyllique. En tout cas, à l’époque, nous avions été invités à un banquet où tout était déjà ficelé. Nous nous sommes posé des questions sur la rentabilité du projet pour savoir où est-ce que nous allions mettre notre argent Ce qui me gênait, c’est comment l’Etat ou un ministre peut créer une entreprise. Parce que si c’est une entreprise privée avec une majorité de privés, comment se fait-il que l’Etat nomme le président du conseil d’administration, le directeur général. Je ne sais pas s’il y a eu appel d’offres ou pas. Je me demandais même à quel moment le Conseil d’administration allait se réunir pour gérer cette affaire. Tout le monde n’avait pas mis de l’argent, car d’aucuns soutenaient que l’Etat leur doit de l’argent, s’il les rembourse, ils allaient le mettre dedans. Les appels de capital n’ont pas suivi. Aujourd’hui, il semblerait que la société est en difficulté.

Il n’y avait pas une maîtrise de la part de l’Etat, des privés, du fonctionnement, des décisions et autres. Je n’ai pas senti la stratégie. Il y a des difficultés et les langues commencent à se délier. Nous souhaitons qu’il y ait des redressements et que Sénégal Airlines se développe ! Ce serait quand même grave qu’une entreprise dans laquelle le secteur privé détient 64 % puisse tomber comme cela. Je souhaite vraiment de tout cœur que cette entreprise se redresse, si elle est en train de tanguer, qu’elle prenne le bon cap. Mais en ce moment-là, l’Etat devrait avoir quand même moins de prégnance sur la gestion des décisions stratégiques.

La Cnes pèse plus de 1.500 milliards de FCfa
La Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes) est une organisation patronale créée en 1983. Elle est composée d’une vingtaine de fédérations et groupements professionnels, elle couvre tous les secteurs de l’économie nationale et est présente sur l’étendue du territoire national. La Cnes regroupe en son sein 80 % des Pme nationales, elle fait plus de 1.500 milliards de francs Cfa de chiffre d’affaires annuels et offre plus de 300.000 emplois. Les instances de la Cnes sont l’assemblée générale, le conseil d’administration, le bureau et la direction exécutive.




SOURCE:Lesoleil
Maguette Guèye DIEDHIOU et
Serigne Mansour Sy CISSE (avec la rédaction)



1.Posté par ablaye le 10/07/2012 21:34 | Alerter
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pourquoi le cnes le medes et le cnp qui pesent plus de 1500 milliards de francs n'ont pas participé à la resttucturation des ICS
c'est important que ces entités s'ouvrent au capital des ICS pour redistribuer le flux financier issu des recettes de la vente d'acide phosphorique aux indiens.
quel gachis de voir le fleuron de l'industrie sénégalaise manage par des indiens aux compétences douteuses;
vivement la restructuration de la boite pour permettre aux sénégalais de tirer profit des retombées des ICS.

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