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Modou Diagne, ancien président de l’Amicale des étudiants de la FSJP : « La bourse universitaire tient pour l’étudiant, la place que le salaire occupe pour l’employé… »


Rédigé par leral.net le Lundi 1 Décembre 2025 à 13:46 | | 0 commentaire(s)|

« Aux plus hautes autorités de la République du Sénégal

Monsieur le président de la République,

Permettez-moi de rappeler que vous êtes le Père de la Nation. Or, lorsqu’on évoque la Nation, l’Université en est l’expression la plus authentique : elle rassemble, sans exclusion aucune, les fils et les filles du Sénégal. L’Université est, à elle seule, le Sénégal en miniature.

Alors que vos enfants biologiques se rendent quotidiennement à l’école dans des conditions optimales, portés par un dispositif sécuritaire robuste, vos enfants adoptifs, les étudiants, peinent parfois à se procurer un simple stylo pour composer, à acheter des fournitures élémentaires ou à étudier dans des conditions matériellement acceptables.

La bourse universitaire tient pour l’étudiant, la place que le salaire occupe pour l’employé. Aucun syndicat sérieux n’accepterait que ses membres restent plus d’une année sans percevoir leur rémunération.

Partout dans le pays, de Ndiaganiao à Diourbel, de Ziguinchor à Kolda, de Linguère à Tambacounda, les étudiants attendent leurs allocations dans une précarité devenue insoutenable. Cette bourse constitue pourtant un instrument essentiel de stabilité , elle soulage la famille, soutient la communauté et garantit la poursuite des études dans la dignité.

Concernant les étudiants injustement déclarés forclos, la question ne souffre d'aucune ambiguïté. Il faut les rétablir dans leurs droits, car nul ne peut être sanctionné pour une faute qu’il n’a pas commise. Les retards d’inscription relèvent exclusivement des dysfonctionnements administratifs. La justice sociale impose que nul ne soit puni pour un manquement dont il n’est pas l’auteur.

C’est à ce titre, que nous tenons à rappeler, avec la plus grande clarté, le contenu du Chapitre 4 : Conditions de renouvellement des allocations, notamment l’Article 13, qui dispose sans équivoque, que les allocations d’études sont renouvelées en cas de poursuite des études sans redoublement dans le même cycle; ainsi que dans le cas d’un seul redoublement dans le cycle.

L’interprétation juridique de cette disposition ne souffre d’aucune ambiguïté. Elle consacre un principe de continuité du droit à la bourse,, tant que l’étudiant poursuit normalement son cursus, et même dans l’hypothèse d’un premier redoublement, lequel est expressément reconnu et légitimé par le texte.

Aucune interprétation administrative ne peut ajouter, retrancher ou dénaturer ce que le décret prévoit de manière explicite. Le renouvellement demeure un droit pour l’étudiant qui reste dans les limites posées par l’Article 13.

Ainsi, aucune mesure ne saurait priver un étudiant de sa bourse, au motif d’un retard administratif, d’un chevauchement de calendrier ou de dysfonctionnements techniques qui échappent totalement à son contrôle.

Nous lançons aujourd’hui une alerte, pour prévenir toute escalade. Les événements du mois de juin 2023 ne doivent plus jamais se reproduire. L’UCAD en a subi les effets les plus brutaux, avec des édifices incendiés, des infrastructures endommagées puis difficilement réhabilitées. La paix universitaire est un bien commun fragile, qu’il nous appartient de préserver collectivement.

Après lecture du communiqué de la Direction des bourses évoquant le décret n° 2014-963 du 12 août 2014 fixant les conditions d’attribution des allocations d’étude, nous tenons à affirmer qu’un tel texte ne doit, en aucune circonstance, être remis sur la table, en contexte de pré-crise. Revenir sur les acquis en période de tension, serait inopportun, dangereux et socialement contre-productif. On ne réforme pas sous la menace d’une crispation latente : on apaise d’abord, on dialogue ensuite.

Le chevauchement récurrent des années académiques engendre des conséquences sociales, pédagogiques et financières particulièrement lourdes. Le Sénégal reste l’un des rares pays, dont le calendrier universitaire demeure instable.

Depuis l’instauration du système LMD, l’irrégularité s’est aggravée. Depuis 2012, le calendrier n’est plus maîtrisé. La session normale, suivie de la session de rattrapage, peut occuper jusqu’à cinq mois, rallongeant considérablement les périodes d’évaluation.

Il y’a une massification sans précédent, à la FSJP, pour l’année universitaire 2025–2026, l’État a orienté 3 610 nouveaux étudiants, dont 1 007 en Sciences politiques et 2 603 en Sciences juridiques, pour seulement deux programmes.

Avec 117 enseignants, les besoins en encadrement sont considérables, entraînant un allongement anormal de la durée des Masters.

Les grèves successives, les crises politiques et récemment, les attaques ayant conduit à neuf mois de fermeture de l’UCAD, ont aggravé les retards accumulés.

Pour stabiliser durablement le calendrier universitaire, il devient urgent de repenser la politique nationale d’orientation, réformer en profondeur les méthodes d’évaluation dans le système LMD ; de renforcer substantiellement les ressources humaines ; d’élargir et de moderniser les infrastructures (amphithéâtres, salles de TD, espaces numériques) ; de traiter à la racine les causes des mouvements d’humeur, en premier lieu, les retards récurrents dans le paiement des bourses.

Monsieur le Président, savez-vous que les journées sans ticket coûtent extrêmement cher au COUD ? C’est un coût financier silencieux mais colossal. Deux semaines de journées sans tickets, équivalent au paiement de la moitié des bourses étudiantes.

Pour les six restaurants universitaires (Central, Argentin, Self, Ensud, Ensept et Claudel), la dépense s’élève à 81 000 000 FCfa par jour. Cette réalité prouve que la grève n’est jamais un choix, mais la dernière option pour un étudiant déjà vulnérable, souvent marqué par une fragilité sociale profonde.

Par ailleurs, n’oublions pas nos frères des forces de défense et de sécurité, épuisés à lancer quotidiennement des gaz lacrymogènes coûteux pour l’État. Pour éviter ces tensions, il suffit de respecter le paiement régulier de la bourse, qui demeure vitale pour l’étudiant.

Nous en appelons solennellement à la négociation, au dialogue et à un sens élevé de la responsabilité nationale, conformément à la tradition démocratique sénégalaise. Aucune piste de solution ne doit être écartée.

Comme le disait Nelson Mandela, « un dirigeant véritable, est un facilitateur d’espoir ».

Et comme nous le rappelle Cheikh Anta Diop, « l’avenir appartient à ceux qui savent le bâtir avec leur jeunesse ».


Modou Diagne,
Ancien Président de l’Amicale des étudiants de la FSJP,
Ancien membre du Collectif des Amicales de l’UCAD

Ousseynou Wade