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Pr. Mor Mbaye préconise un "ndeup" national contre l'insécurité

Le pays a besoin d’un «ndeup national» ! Cet exorcisme national a toujours été et demeure la conviction du psychologue-clinicien, Pr. Serigne Mor Mbaye. Selon lui, les agressions physiques ne sont pas un phénomène nouveau sous nos cieux, mais seulement, la continuité d’une «névrose répétitive» devenue de plus en plus choquante. "Le Témoin"


Rédigé par leral.net le Mercredi 25 Mai 2022 à 19:25 | | 0 commentaire(s)|

Aujourd’hui, la politique a pris le dessus sur tout. On a comme l’impression qu’elle prime même sur notre sécurité. Pour preuve, on disserte à longueur de journée sur le sujet des parrainages pour les élections législatives du 31 juillet prochain.

Au même moment, le peuple sénégalais se meurt. On tue à tout va. L’insécurité a atteint son paroxysme. Des hommes et des femmes sont pourchassés, agressés, violentés, brutalisés, assommés et assassinés dans la rue, dans leurs lieux de travail, et parfois, jusque chez eux. Des personnes innocentes sont froidement éliminées. Les crimes ne sont plus commis à des heures… de crime. Mais en plein jour.

A Dakar, la série noire des meurtres se suit et se ressemble. Durant les trois jours du week-end, trop de sang a coulé dans la capitale et dans une partie de sa banlieue. Personne n’est aujourd’hui à l’abri de ces agressions physiques mortelles. Les scènes se sont passées entre Ouakam, Ouagou Niayes, Pikine et Diamagueune Sicap Mbao. Après le crime crapuleux sur Fatou Kiné Gaye dans son lieu de travail à Pikine Rue 10, vendredi dernier, et dont l’auteur n’est autre que son collègue de travail, il y a eu le cas d’un jeune homme du nom de Papy Niang, poignardé à mort par son ami le jour suivant. Cela se passait à Ouakam. Dans la journée du dimanche, c’est le jeune Khabane Dieng qui était tué avec un tesson de bouteille par le frère jumeau d’un lutteur. Les faits ont eu pour cadre Diamaguène, une commune de la banlieue. L’autre affaire similaire concerne un jeune attaqué et grièvement blessé devant chez lui à Ouagou Niayes. Quatre cas d’agressions physiques, dont trois meurtres en 72 heures. Sans compter le fléau des agresseurs en motos, qui dictent actuellement leur loi dans la capitale.

«Une violence continue»

C’est la peur constante et préoccupante chez les Sénégalais. D’autant que ces agressions virent le plus souvent à des bains de sang. Des assassinats qui commencent à prendre de l’ampleur. La psychose s’est même emparée des Dakarois et une panique générale s’est installée dans les quartiers. Pourtant, le phénomène n’est pas nouveau. Le psychologue clinicien, Pr. Serigne Mor Mbaye, considère que c’est la «continuité d’une névrose répétitive devenue de plus en plus choquante. Le pays est en crise. Il y a une violence continue qui s’exprime dans les relations interpersonnelles et collectives. Dans les relations institutionnelles et au niveau de tous les espaces, il y a une tonalité de violence inouïe, qui conduit à la mort et à l’assassinat. Il y a à la fois une crise des valeurs et une crise personnelle.

Au Sénégal, 60 % des jeunes ont moins de 25 ans. Ils sont dans un sentiment de désespérance. Mais nous, on est trop évènementiel. Il y a deux décennies, on avait dit que la société sénégalaise s’enfonce dans une crise profonde
».

«Je ne parle pas dans le vent»

Vingt années se sont donc écoulées depuis que le psychologue-clinicien a eu ces mots prophétiques. Depuis lors, le phénomène a pris des proportions inquiétantes. «Les gens ont une grande fragilité mentale liée à une crise sociale et une crise des valeurs. Un ensemble qui affecte la santé mentale des Sénégalais. Du coup, on a un problème avec la maîtrise et l’estime de soi...». En d’autres termes, le Sénégal, se désole-t-il, n’est plus un pays apaisé où les gens sont apaisés. «Le Sénégal se situe aujourd’hui dans une situation d’incertitude. La majeure partie des Sénégalais se trouve aujourd’hui dans un sentiment de désespérance. C’est un pays de sauve-qui-peut ,où les valeurs se sont effritées et où il y a de moins en moins de contrôle social sur les individus et où l’Etat a failli sur la sécurité des personnes et des biens», regrette Pr. Mbaye.

Il rappelle qu'il y a une trentaine d’années, il avait demandé qu’on investisse dans les polices de sécurité et la médiation afin de mieux gérer certains problèmes. Un plaidoyer qu’il dit maintenir toujours. Il pense que « lorsque dans un pays, le bien commun n’est plus sacré, lorsque les ressources sont dilapidées..., il «nous» faut réinventer un autre système en travaillant sur l’émergence de valeurs, à travers l’éducation de base, apaiser les institutions telles que l’école, le milieu du travail».

«Le pays a besoin d’un ndeup national»

Le psychologue-clinicien ne mâche pas ses mots. Il affirme que la société sénégalaise est devenue désolante et désespérante. Il recommande de «régler la demande sur ces demandes désespérées». Mais sa grande préoccupation du moment, c’est un «ndeup national» pour le pays. «Il faut un ndeup national au Sénégal. Il y a deux décennies, je disais qu’il faut un Ndeup national. Je ne parle pas dans le vent. Je parle de l’expérience de mon métier et de la société telle qu’elle évolue», réaffirme-t-il, tout en proposant de «revisiter les institutions devenues de plus en plus pathogènes».

Ndèye Fatou Kébé