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Présidentielle en Tanzanie: Les tensions persistent, la population reste confinée

Rédigé par leral.net le Vendredi 31 Octobre 2025 à 11:25 | | 0 commentaire(s)|

Au lendemain d'élections présidentielle et parlementaires ponctuées de manifestations et de violence, la situation était toujours tendue ce jeudi 30 octobre en Tanzanie, où les heurts se sont poursuivis dans la capitale économique, Dar es Salaam.


Présidentielle en Tanzanie: Les tensions persistent, la population reste confinée
Au lendemain d'une journée électorale marquée par des manifestations et des violences, les heurts se sont poursuivis ce jeudi, en Tanzanie. À Dar es Salaam, la capitale économique, des détonations ont encore retenti jusque dans la soirée dans certains quartiers. Des témoins racontent avoir vu la police agresser des manifestants à coups de matraque, en leur demandant de se rouler par terre dans la boue, pour les humilier. En raison du couvre-feu décrété mercredi soir et toujours en vigueur, les écoles et commerces étaient fermés, et toute personne qui souhaitait sortir, était incitée par les forces de l'ordre à rentrer chez elle.

Dans de telles conditions, difficile de se faire une image claire de la situation. D'autant que les connexions internet et 4G qui avaient été rétablies pendant quelques heures dans la journée, ont de nouveau été coupées, rapporte notre correspondante sur place, Élodie Goulesque. Mais les rares informations qui parviennent à filtrer semblent indiquer que la révolte populaire a gagné de nombreuses villes : Arusha, Kigoma, Mwanza, Songwe...

À Arusha, la situation était aussi particulièrement tendue. Une habitante rapporte avoir entendu des coups de feu jusqu'en début de soirée et s'inquiète du prolongement de ce confinement. « Ici, on vit au jour le jour, surtout les taxis-motos. Ça ne pourra pas continuer longtemps ! », prévient-elle

« La pire situation que j'ai jamais vue »

Les quelques témoins joignables rapportent un large déploiement des forces de sécurité. Boniface Mwabukusi, président de la Tanganyika Law Society (TLS) et défenseur des droits de l'homme dans la région de Mbeya, dans le sud-ouest du pays, décrit un « chaos ». « Des gens se sont fait tirer dessus à balles réelles par la police. Elle tire sur des gens sans défense, qui sont assis devant leur maison ou qui circulent dans les rues. Des gens ont été arrêtés, frappés, et même tués », rapporte-t-il au micro de Liza Fabbian, du service Afrique de RFI. « J'ai vécu et observé de nombreuses élections, peut-être quatre ou cinq, et c'est de loin, la pire situation que j'ai jamais vue. »

Selon un bilan non officiel, plus d'une centaine de personnes auraient été tuées en deux jours et de nombreuses autres blessées. Aucun appel au calme n'a encore été lancé par le gouvernement, qui s'est contenté de renouveler son message pour encourager le télétravail.

Dans une déclaration à la télévision d'État, le chef des Armées Jacob Mkunda a qualifié de « criminels » les manifestants s'étant violemment opposés au régime mercredi. « Je demande aux criminels de s'arrêter immédiatement, sans quoi les forces de défense prendront des actions légales contre eux », a-t-il averti. De quoi clarifier la position de l'armée, alors que des images montrant des militaires totalement passifs près de manifestants, avaient fait dire mercredi au parti d'opposition Chadema, que l'armée protégeait les manifestations.

Une révolte attendue

Pour Boniface Mwabukusi, de la Tanganyika Law Society, ce mouvement de colère n'a rien d'une surprise. « Il y a beaucoup de motifs d'insatisfaction : l'absence d'accès à l'emploi, les kidnappings, les disparitions forcées... Tout cela sur fond d'impunité, avec une police qui n'a de compte à rendre à personne. Automatiquement, ça fédère les gens. Les jeunes se sentent négligés. Ils ont l'impression que leur pays est en train d'être vendu à quelques individus. C'est cela qu'ils dénoncent dans leurs slogans », explique-t-il.

« C'est une nouvelle génération. Il ne faut pas s'attendre à ce que cette jeunesse continue de s'en remettre à Dieu. Mais tout ça aurait pu être évité, si seulement ceux qui sont au pouvoir, avaient pu être pro-actifs et accepter un débat constructif, déplore encore le défenseur des droits de l'homme. Mais il n'y a plus d'oxygène. Ils ont coupé Twitter, ils ont coupé Facebook... C'est pour ça que les gens sont sortis dans la rue. »

« La frustration est énorme, appuie Joseph Oleshangay, membre du Centre tanzanien pour les droits de l’homme, joint par notre correspondante à Nairobi, Gaëlle Laleix. Non seulement tous les vrais opposants ont été empêchés de se présenter ou ont été emprisonnés, mais aujourd’hui, n’importe quel citoyen qui s’exprime, finit derrière les barreaux. » D’après les organisations de défenses des droits de l’homme, 55 disparitions forcées ont été enregistrées ces trois dernières semaines. La répression du pouvoir a même frappé son propre camp. Le 6 octobre, Humphrey Polepole, ancien ambassadeur à Cuba, était enlevé à Dar es Salam. Ce cadre du parti présidentiel s’était exprimé contre la trajectoire autoritaire de la présidente.

Les premiers résultats des élections présidentielle et législatives ont été annoncés à la radio. Sans surprise, ceux-ci font état d'une forte participation et d'une victoire écrasante pour la présidente sortante Samia Suluhu Hassan. Dans certaines circonscriptions, la cheffe de l'État a recueilli 100 000 voix, contre 69 pour l'opposition. Des chiffres qui ne laissent aucun doute sur le résultat attendu.





RFI