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Procès Khalifa Sall : la mairie de Dakar et l’État du Sénégal, deux béliers dans le même enclos

Depuis le début du procès du député et maire de Dakar Khalifa Sall, poursuivi notamment pour "détournement" et "association de malfaiteurs", l'État et la Ville de Dakar se battent dans l'enclos des parties civiles. Retour sur deux stratégies diamétralement opposées qui ont rythmé les audiences, à quelques heures du réquisitoire.


Rédigé par leral.net le Samedi 17 Février 2018 à 17:16 | | 0 commentaire(s)|

Deux béliers ne peuvent partager le même enclos. Ce proverbe sénégalais résume amplement le rapport qu’ont entretenu l’État du Sénégal et la Ville de Dakar, les deux parties civiles dans le procès de Khalifa Ababacar Sall et ses co-prévenus. Dans cette affaire – dite de la caisse d’avance -, les avocats de ces deux parties, « qui plaident côte à côte » selon la norme, ont passé beaucoup de temps à se tirer dessus. Le but de la manœuvre, de part et d’autre : s’arroger seul le droit de réclamer justice au nom d’un préjudice pour les faits de « détournement », « association de malfaiteurs », « blanchiment » et « faux et usage de faux ».

L’État, la Ville et la bataille des nullités

Cela a commencé par la longue bataille sur les exceptions de nullité, qui ont occupé plusieurs jours au début des audiences. Chaque camp a demandé au tribunal de rejeter la constitution de partie civile de l’autre partie. « L’État est notre adversaire dans cette affaire ! Disons-le clairement. Nous n’allons pas leur faciliter la vie dans ce tribunal », avait ainsi  lancé Me Ousseynou Gaye, avocat de la Ville de Dakar.

 

Ce Jeudi 15 février, dans leur plaidoirie, les avocats de l'Etat étaient aussi revenus sur la constitution de cet adversaire du même camp. Me Baboucar Cissé avait ainsi rappelé qu’en mars 2017, la Ville de Dakar avait voté une résolution solennelle pour apporter leur soutien au maire de Dakar et à ses co-prévenus, affirmer qu’il n’y avait eu « aucun détournement » et assurant de son intention de « refuser de se constituer partie civile ».

Ce vendredi matin, ce sont les avocats de la Ville qui se sont présentés au prétoire. Comme attendu, ils ont plaidé qu’il n’y avait eu « aucun préjudice subi » et n’ont demandé aucune réparation, même pas le franc symbolique. Par contre, ils se sont évertués à démontrer que « l’État du Sénégal est un usurpateur dans ce procès ». Pour Mes Ibrahima Diao, Jean Sylva et Ousseynou Gaye, « l’argent de la caisse d’avance appartient exclusivement à la Ville de Dakar ».

Ils se sont appuyés sur les déclarations à la barre des deux receveurs-percepteurs municipaux, Mamadou Oumar Bocoum et Ibrahima Touré, également jugés dans l’affaire. Ceux-ci ont été clairs : les impôts locaux sont collectés par l’État pour le compte des collectivités locaux. Les recettes municipales ne peuvent à aucun moment appartenir à l’État, puisque la loi dit clairement qu’elles appartiennent aux villes. « L’État ne fait que collecter, prendre sa part et reverser le reste au propriétaire qu’est la Ville. Mais l’Agent judiciaire de l’État nous dit:« Non ! Ma part est à moi et la part que la loi vous donne, est à moi ! », a raillé Me Gaye.

La thèse du « procès politique »

Les avocats de la Ville ont aussi plaidé le « procès politique ». Pour eux, c’est l’État qui a politisé le procès en utilisant ses services pour mener « une véritable escroquerie processuelle ». « Si l’État s’était tenu à carreau, personne ne parlerait de procès politique, mais de procès de droit commun », a poursuivi Me Gaye.

Pour les conseils de la Ville, le rôle joué par l’État a même entraîné le non-respect d’un règlement de l’UEMOA, sur la présence de l’avocat auprès de son client à toutes les étapes de la procédure. L’AJE et ses avocats « étaient là pour dire des choses qui n’ont rien à voir avec ce procès », a accusé Me Diao.

L’État est « un boxeur à terre, en train d’être compté, qui tente de lever le doigt pour dire qu’il peut encore se battre », a raillé de son côté Me Ousseynou Gaye dans une plaidoirie vivement critiquée par le juge Malick Lamotte, qui lui a reproché des propos « agressifs, d’une violence inouïe dans un prétoire ». Une remontrance qui a soulevé l’ire de tous les avocats, critiquant ce qu’ils ont qualifié d’atteinte à leur liberté de plaidoirie.

Après les avocats des parties civiles, qui ont désormais terminé leurs plaidoiries, le procureur de la République doit prendre la parole ce vendredi à partir de 15h, heure de Dakar (15h GMT). Lundi, les plaidoiries des avocats de la défense démarreront, pour se terminer mercredi.





Jeune Afrique


Alain Lolade