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Relation Mamadou Dia-Léopold Sédar Senghor, retour sur les événements de décembre 1962

La crise politique de décembre 1962 a opposé le président du Conseil, Mamadou Dia, ainsi que quatre ministres de son gouvernement, au président de la République, Léopold Sédar Senghor. Elle marque la fin du régime parlementaire bicéphale (de type quatrième République et instauré depuis la création de la Fédération du Mali) et le début d'un régime présidentiel dans lequel l'UPS (le parti politique de Léopold Sédar Senghor) deviendra parti unique jusqu'en 1976.


Rédigé par leral.net le Mercredi 25 Janvier 2017 à 20:47 | | 0 commentaire(s)|

Mamadou-Dia-Léopold-S.-Senghor
Mamadou-Dia-Léopold-S.-Senghor
Le 17 décembre 1962, se déclenchèrent les douloureux évènements qui ont abouti à la rupture brutale entre Léopold Sédar Senghor, Président de la République et Mamadou Dia, Président du conseil. Le premier, en l’occurrence Senghor, accusa le second de tentative de coup d’Etat et fit voter, par des députés acquis à sa cause (Magatte Lô, Théophile James, Ousmane Ngom, Moustapha Cissé, etc.), une motion de censure qui destitua Mamadou Dia. Ainsi est parti le feuilleton d’un long procès politico-judiciaire qui secoua profondément, et cela jusqu’à nos jours encore, la trajectoire de la jeune République du Sénégal indépendante.

Alors que le Président du Conseil, Mamadou Dia, incarne le sommet de l’État dans un régime parlementaire bicéphale de type quatrième République (la politique économique et intérieure pour lui, la politique extérieure pour Senghor), ses relations avec le Président de la République s’enveniment peu à peu.

Un différend les oppose concernant la politique économique à suivre et le sort à réserver aux députés « affairistes » ayant commis de nombreux abus. Ces députés s’étaient octroyés des augmentations de salaire, avaient pris des crédits dans des banques (qu’ils ne remboursaient pas) et des actions dans des sociétés anonymes, directement ou par l’intermédiaire de leurs femmes ou de leurs enfants. Tout ceci était contraire à la ligne politique du parti. Mamadou Dia leur demande à plusieurs reprises de rembourser leurs crédits et de rendre leurs actions, mais en vain.

De plus, dans un discours sur « les politiques de développement et les diverses voies africaines du socialisme », le 8 décembre 1962 à Dakar, Mamadou Dia prône le « rejet révolutionnaire des anciennes structures » et une « mutation totale qui substitue à la société coloniale et à l’économie de traite, une société libre et une économie de développement ». Il milite pour une rupture plus nette avec la France et prépare une sortie planifiée de l'économie arachidière. Cette volonté, exprimée déjà en 1961 dans un ouvrage, heurte les intérêts économiques français et inquiète les puissants marabouts qui interviennent dans le marché de l’arachide.
Ce différend devait être réglé, d’un commun accord entre les deux hommes, devant le Conseil national du parti (UPS) le 20 décembre 1962. Mamadou Dia affirma à l'époque : « Si je suis désavoué devant le parti le 20 décembre, je renoncerais à toutes mes fonctions ».

Il est important de rappeler qu’à cette époque, il existait la « primauté du parti dominant sur l’État » (c'est le parti qui choisissait les futurs députés). Cette primauté du parti n'était pas inscrite dans la Constitution mais, comme l'a rappelé Me Abdoulaye Wade lors du procès qui suivit, « il y a dans une Constitution des principes écrits et d’autres non écrits ». Le Gouvernement et l'Assemblée étaient tenus de se soumettre, pour toutes les décisions politiques, à l’arbitrage du Parti. En refusant de s’y soumettre, les députés violaient la « règle du jeu ».

Le Président Senghor, sachant qu’il serait mis en minorité devant le parti le 20 décembre, va encourager ses amis députés à déposer et à voter une motion de censure au niveau de l’Assemblée nationale pour destituer le Président du Conseil avant cette date.
Le 14 décembre 1962, Senghor réquisitionne l’armée en la personne du Capitaine Faustin Pereira, le chef des paras commandos de Rufisque, en lui demandant de se tenir prêt à marcher sur Dakar (curieusement, bien avant les événements du 17 décembre). Seul Mamadou Dia, en tant que Chef du Gouvernement et ministre de la Défense, était habilité à réquisitionner l’armée (art. 24 de la Constitution).

Une autre procédure illégale fut la nomination du Colonel Jean Alfred Diallo par Senghor à la place du général Amadou Fall, en tant que Chef d’État-major des Forces Armées. Théoriquement, cela ne pouvait se faire qu’en Conseil des ministres, sur proposition du Chef du Gouvernement (qui était également ministre de la Défense).

Khary DIENE avec le net