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Sénégal-Gambie : Yahya Jammeh ressuscite le spectre d’un « complot sénégalais » sur le pétrole gambien

Depuis son exil en Guinée équatoriale, l’ancien président gambien Yahya Jammeh a relancé une vieille rhétorique teintée de nationalisme : l’accusation d’un prétendu « complot sénégalais » visant à s’emparer des réserves pétrolières offshore de la Gambie. Dans une récente sortie largement commentée par le quotidien "EnQuête", Jammeh étend ses accusations bien au-delà du seul gouvernement gambien, en pointant du doigt d’anciennes et actuelles figures politiques sénégalaises, d’Abdoulaye Wade à Ousmane Sonko et en évoquant l’existence d’un « pacte régional », qui dépouillerait son pays de ses richesses naturelles.


Rédigé par leral.net le Mercredi 4 Juin 2025 à 17:24 | | 0 commentaire(s)|

Selon Jammeh, l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade aurait un jour plaisanté à propos de la construction d’un oléoduc, destiné à capter le pétrole gambien, plaisanterie qu’il présente aujourd’hui comme la révélation d’un plan secret mis à exécution. Il ne fournit toutefois aucun élément tangible à l’appui de ses propos. L’ancien autocrate critique aussi vertement le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, qu’il accuse d’un « silence complice », face à cette prétendue entreprise de prédation. Dans un discours relayé par "EnQuête", Jammeh soutient que ce mutisme équivaut à un accord tacite avec un projet visant à spolier la Gambie de ses ressources énergétiques.

Un discours conspirationniste dans un contexte régional sensible

Les déclarations de Yahya Jammeh s’inscrivent dans un contexte régional complexe, où les relations entre la Gambie et le Sénégal sont à la fois étroites et fragiles. Liés par l’histoire, la culture et la géographie, les deux pays entretiennent une coopération fluctuante, souvent assombrie par des soupçons de domination.

Durant son règne, Jammeh avait régulièrement cultivé la méfiance envers Dakar, pour renforcer un nationalisme interne. Il poursuit aujourd’hui dans la même veine, en s’en prenant à l’ancien président Macky Sall, qu’il accuse d’avoir signé un accord tacite avec Adama Barrow, pour s'accaparer du pétrole gambien, en échange d'un soutien politique.

Ces propos interviennent à un moment où les autorités sénégalaises affichent une volonté de renforcer les partenariats économiques dans la sous-région, y compris avec la Gambie. Le Président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko défendent une ligne politique axée sur la rupture et la souveraineté, rendant les accusations de Jammeh encore plus décalées.

Un message politique plus qu’un dossier fondé

Derrière l’hostilité affichée, Jammeh poursuit un objectif politique. En accusant nommément le président gambien Adama Barrow et son ancien vice-président Ousainou Darboe, de « complicité », dans ce qu’il présente comme un vol de ressources, il tente de s’imposer dans le débat national depuis l’étranger. Son discours prend des allures de dénonciation généralisée : il va jusqu’à accuser l’opposant Halifa Sallah, de penchants pro-sénégalais, en raison de prétendues origines familiales.

Dans un contexte où la Gambie peine encore à développer son potentiel pétrolier, ces déclarations incendiaires paraissent surtout destinées à attiser la colère populaire et la division interne. En appelant à la mobilisation contre le gouvernement en place, Yahya Jammeh cherche avant tout à peser sur la scène politique gambienne, malgré son exil.

Des allégations sans preuves, mais un symptôme régional

Les accusations de Yahya Jammeh, dénuées de preuves, s’appuient sur des anecdotes douteuses et des interprétations de propos anciens. Elles mettent toutefois en lumière la persistance des suspicions transfrontalières en Afrique de l’Ouest. La rhétorique du complot autour des ressources naturelles, notamment pétrolières, reste un levier puissant pour manipuler l’opinion, dans un contexte d’instabilité économique.

Si les autorités sénégalaises n’ont pas réagi officiellement à ces propos, elles devront néanmoins rester vigilantes. Car au-delà de leur caractère fantaisiste, ces discours peuvent fragiliser les efforts de coopération régionale. Et raviver, à tout moment, les tensions latentes entre États voisins.