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Sénégal : La Société civile exige une réforme de l'article 255 du Code pénal

Rédigé par leral.net le Mardi 27 Mai 2025 à 23:32 | | 0 commentaire(s)|

Sénégal : La société civile exige une réforme de l'article 255 du Code pénal
Dans un communiqué conjoint, plusieurs mouvements et organisations de la société civile sénégalaise ont exprimé leur "vive préoccupation face à l’usage récurrent et préoccupant de l’article 255 du Code de procédure pénale". Un an après l’arrivée au pouvoir du Président Bassirou Diomaye Faye, ces acteurs constatent avec inquiétude, que plusieurs journalistes, activistes, chroniqueurs et citoyens engagés, ont été interpellés ou poursuivis sur la base de cette disposition juridique.

Les organisations sont revenues sur les cas récents. Abdou Nguer, chroniqueur et commentateur politique sur SenTV, a été le dernier à en faire les frais. Le 20 mai, il a été placé sous mandat de dépôt par le juge d’instruction du 3e cabinet du tribunal de Dakar, inculpé pour diffusion de fausses nouvelles, offense au Chef de l’État et apologie de crime ou délit. Il avait déjà été placé sous mandat de dépôt le 17 avril pour des faits de "diffusion de fausses nouvelles".

Par ailleurs, suite à une auto-saisine du procureur pour avoir été accusés d'avoir injurié l'ancien président Macky Sall, les militants de Pastef, Assane Gueye dit Azoura Fall et Ousseynou Kairé, ont été jugés en flagrant délit le 21 mai et risquent six mois de prison, dont trois ferme. Pour rappel, Azoura Fall avait bénéficié d'une liberté provisoire avant d'être convoqué à nouveau. L’activiste Assane Diouf a quant à lui été placé sous mandat de dépôt le 3 mars pour diffusion de fausses nouvelles et offense à une autorité assimilée au président de la République. Le 10 avril, le journaliste Simon Faye, rédacteur en chef de SenTV et de Zik Fm, a été convoqué et placé en garde à vue pour diffusion de fausses nouvelles avant d’être libéré sous contrôle judiciaire.

Un article jugé ambigu et disproportionné
Les organisations précisent que "l’article 255 du Code pénal, qui menace gravement la liberté d’expression et la liberté de presse surtout dans l’espace numérique, stipule : 'La publication, la diffusion, la divulgation ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers, sera punie d'un emprisonnement d'un à trois ans et d'une amende de 100 000 à 1 500 000 francs (...)'." Elles estiment que cet article, rédigé en des termes ambigus dans un cadre législatif post-colonial, ouvre la voie à des interprétations subjectives.

Le recours systématique à la sanction la plus sévère, sans prise en compte des circonstances spécifiques de l'infraction, "soulève de sérieuses préoccupations quant au respect du principe de proportionnalité des peines dans un État de droit". Les Nations Unies (ONU) ont d'ailleurs mis en garde contre les réponses étatiques excessives, appelant les États à s’abstenir de mesures disproportionnées telles que les coupures d’Internet ou l’adoption de lois imprécises et trop larges, utilisées pour criminaliser, bloquer, censurer ou restreindre les discours en ligne.

Appels à des réformes et au respect des engagements
Pour concrétiser certaines des conclusions des assises nationales de la Justice du Sénégal tenues en juin 2024, les mouvements et organisations de la société civile appellent l'État du Sénégal à :

Réformer l'article 255 du Code pénal qui criminalise la publication de fausses nouvelles et l’article 80 pour les aligner avec les normes internationales.
Réexaminer toutes les mesures punitives, y compris les restrictions pénales à la diffamation, l’injure, l’offense ou à la publication de fausses informations, et s'assurer qu'elles sont nécessaires, proportionnées, justifiables et compatibles avec les normes internationales en matière de droits de l'homme.
Privilégier des peines alternatives à l’emprisonnement, dans le respect du principe de proportionnalité, telles que des peines avec sursis, des travaux d’intérêt général (TIG), des amendes proportionnées aux capacités financières de la personne condamnée, ou un programme sur l’usage responsable de l’information.
Respecter les engagements internationaux en matière de droits humains, notamment ceux découlant de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auxquels le Sénégal est partie.
Instaurer un juge des détentions et de la liberté pour statuer sur les mises en détention.
Une image démocratique à préserver
En conclusion, les organisations estiment que "dans une période où le Sénégal est perçu comme un modèle de démocratie stable en Afrique, ces convocations et arrestations tous azimuts, peuvent ternir l’image d’un pays respectueux des droits humains". Elles rappellent que "la démocratie ne se résume pas aux élections, elle est une culture. Elle repose aussi sur un espace civique ouvert et pluraliste où les citoyens peuvent s’exprimer sans crainte de représailles systématiques".

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Source : https://www.dakaractu.com/Senegal-La-societe-civil...