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Serigne Mboup sur l’achat des véhicules des députés : «On ne peut pas bâtir un pays en affaiblissant ses propres champions ! »

Alors que l’attribution d’un marché public à l’Assemblée nationale continue de faire des vagues, Serigne Mboup, président du Groupe CCBM, sort de son silence.il dénonce l’écartement des entreprises sénégalaises au profit de multinationales et appelle à une véritable réforme des critères d’attribution des marchés publics. Source L'As


Rédigé par leral.net le Samedi 14 Juin 2025 à 11:06 | | 0 commentaire(s)|

Quelques jours après la Tabaski, une autre chaleur enveloppe le débat public : celle provoquée par la gestion d’un marché de véhicules destinés à l’Assemblée nationale. Serigne Mboup, figure du patronat national et président du Groupe CCBM, a pris la parole dans un communiqué dense, tranchant et ferme, pour «clarifier une position et alerter sur une dérive».

Dès les premières lignes, l’homme d’affaires campe le décor : «Je tiens à préciser avec clarté que CCBM n’a pas soumissionné à ce marché.» Une décision mûrie, qu’il explique par plusieurs considérations : ses responsabilités actuelles, son respect des institutions, mais aussi, et surtout, sa volonté d’éviter les confusions dans un contexte tendu. «Nous avons fait ce choix par principe. Mais cela ne signifie pas que nous restons indifférents face aux dérives.»

Ce qui suscite son indignation, ce sont surtout les propos du Président de l’Assemblée nationale sur la supposée «crédibilité» de certaines marques étrangères. Une formulation qui, selon lui, traduit un mépris à peine voilé à l’égard des opérateurs nationaux.

«Depuis quand nos entreprises ne sont-elles plus crédibles ? Depuis quand faut-il être une multinationale étrangère pour être considérée sérieusement par les autorités de notre propre pays ?» interroge-t-il avec gravité.

Le Groupe CCBM, rappelle-t-il, n’est pas une structure opportuniste née d’hier. Présent dans l’économie sénégalaise depuis les années 1960, le groupe s’est structuré officiellement en 1992. Il s’est imposé dans le secteur automobile dès 2005, avec une unité de montage industriel visitée en son temps par… l’actuel président de l’Assemblée nationale, lorsqu’il occupait le portefeuille des Transports. «Il sait ce que nous avons construit. Il sait aussi les obstacles que nous avons surmontés sans jamais réclamer un quelconque privilège.»

Et pourtant, depuis 2019, aucun marché public n’a été remporté par CCBM, malgré sa position parmi les quatre premiers concessionnaires du pays. Pis encore, il affirme que son groupe fait encore les frais d’arriérés de paiement estimés à près de 500 millions FCFA, notamment sur des contrats d’entretien avec des institutions de l’État.

«Nous avons assumé nos responsabilités, livré le travail, sans bruit. Mais aujourd’hui, c’est nous qui sommes pointés du doigt. C’est un renversement des rôles qui n’honore personne.» Il revient également sur un précédent emblématique : le marché remporté en 2007 par CCBM pour l’Assemblée nationale, avec une offre de 18 millions FCFA, bien en deçà des 35 millions proposés par d’autres soumissionnaires.

«Ce marché, nous l’avons gagné au mérite. Et pourtant, il avait déjà suscité des polémiques. Aujourd’hui encore, il sert d’argument pour nous marginaliser. C’est comme si, quoi qu’on fasse, la victoire du privé national est suspecte», ditil dans un communiqué.

Face à cette situation, Serigne Mboup affirme que CCBM se tourne désormais résolument vers le privé et vers le développement régional, notamment dans l’espace CEDEAO. «C’est là que nous sentons que notre savoir-faire est respecté. Là où on juge la performance, pas l’origine du passeport.» Mais le ton se fait plus solennel quand il aborde la question de fond : «Ce débat dépasse le cas CCBM. Il pose la question de la place qu’on veut donner à notre secteur privé. La commande publique représente un levier de souveraineté économique. Si nous en faisons une chasse gardée pour quelques marques étrangères, alors nous avons renoncé à construire notre propre modèle de développement.»

Il conclut en lançant un appel à la responsabilité collective : «Nous ne demandons ni faveur ni privilège. Mais nous avons le droit d’exiger du respect. Le respect du travail bien fait, du mérite, de l’engagement. Le respect de nos entreprises. Car sans un secteur privé national fort, le Sénégal restera dépendant et vulnérable.»