Leral.net - S'informer en temps réel

Surcharge, pénurie et prisons saturées : Le cri d’alarme des magistrats

Rédigé par leral.net le Dimanche 16 Novembre 2025 à 21:04 | | 0 commentaire(s)|

Invité dimanche de l’émission "Point de Vue" sur la RTS, le président de l’Union des magistrats du Sénégal (UMS), Cheikh Bâ, a dressé un diagnostic sans complaisance du fonctionnement de la justice. Entre manque criant de personnel, cabinets d’instruction saturés et prisons surpeuplées, son intervention a esquissé le portrait d’un appareil judiciaire placé sous tension […]

Invité dimanche de l’émission Point de Vue sur la RTS, le président de l’Union des magistrats du Sénégal (UMS), Cheikh Bâ, a dressé un diagnostic sans complaisance du fonctionnement de la justice. Entre manque criant de personnel, cabinets d’instruction saturés et prisons surpeuplées, son intervention a esquissé le portrait d’un appareil judiciaire placé sous tension permanente.

Dès l’entame, le magistrat a tenu à rappeler la solidité de l’institution judiciaire sénégalaise, qu’il présente comme l’une « des plus robustes du continent », portée par une tradition qui, selon lui, la place « sur le toit du monde ». Il insiste sur la compétence et l’intégrité des professionnels du droit, regrettant que l’opinion publique ne voie souvent que les volets les plus médiatisés de la justice pénale, au détriment de l’ensemble de sa mission. À ses yeux, quelques affaires politiques, amplifiées par les réseaux sociaux, finissent par déformer la perception du travail quotidien mené dans les tribunaux.

Mais Cheikh Bâ n’a pas éludé les difficultés internes. Le cœur de sa prise de parole s’est concentré sur un constat chiffré : avec 546 magistrats pour une population de 18 millions d’habitants, dont seulement 425 affectés aux juridictions, le Sénégal fait face à une équation structurelle difficilement tenable. Certains exemples sont édifiants : à Kaolack, un juge d’instruction traite à lui seul, près de 750 dossiers ; à Ziguinchor, un autre en gère 250. À Dakar, les chiffres prennent une dimension vertigineuse : plusieurs cabinets dépassent les 400 à 600 dossiers actifs. Le cinquième cabinet compte 641 affaires en cours, le quatrième 602. Une situation qui rend illusoire, le principe de célérité et nourrit les frustrations des justiciables.

À ce déficit de magistrats s’ajoute celui des greffiers. Alors qu’un fonctionnement optimal exigerait deux greffiers par magistrat, le pays n’en compte que 552 au total — dont certains en détachement —, un déséquilibre qui contribue, selon Cheikh Ba, à l’engorgement progressif de la chaîne judiciaire. « La justice n’est pas lente, elle est submergée », résume-t-il, appelant à une prise de conscience des contraintes matérielles et humaines pesant sur les tribunaux.

Interrogé sur la sensibilité des mandats de dépôt, le président de l’UMS a rejeté toute idée de systématisme. Les décisions, affirme-t-il, sont prises au cas par cas, selon la gravité des faits et les exigences de maintien de l’ordre public. Libérer un individu violent ou récidiviste, n’est pas un acte neutre, rappelle-t-il, tout en soulignant que les juges d’instruction conservent une totale indépendance et peuvent clôturer un dossier en un mois, lorsque les conditions le permettent.

La situation carcérale, enfin, constitue un autre foyer de tension. Le Sénégal n’a construit aucune grande prison depuis l’indépendance, alors même que les établissements actuels accueillent trois fois plus de détenus que leur capacité théorique. Au 10 novembre 2025, on dénombrait 15 654 personnes incarcérées, dont 7 077 en détention préventive. Une bombe à retardement pour l’administration pénitentiaire, que Cheikh Ba juge néanmoins « résiliente », même si elle ne peut éviter totalement quelques incidents isolés.

Son intervention sonne comme un appel à un sursaut institutionnel : doter la justice de moyens humains et matériels à la hauteur de ses missions, faute de quoi la surcharge chronique risque de fragiliser durablement l’un des piliers de l’État de droit sénégalais.



Source : https://xalimasn.com/2025/11/16/surcharge-penurie-...