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Tourisme : Quelle responsabilité pour le Gouvernement du Sénégal

Je change de style, et d’approches, dans ma façon de contribuer à la sensibilisation des décideurs politiques, des personnalités du secteur privé, et des observateurs du monde du tourisme. J’avais l’habitude, de partager des réflexions pointues à tous les niveaux des segments du tourisme, pour sonner l’alerte, aviser et proposer des pistes qui peuvent améliorer la gouvernance touristique dans son ensemble.


Rédigé par leral.net le Vendredi 14 Août 2015 à 10:04 | | 0 commentaire(s)|

Comparaison n’est pas raison, mais le bon sens en est une !

Aujourd’hui, force est de constater, que nous avons tous échoué. Non pas que certains ont baissé les bras, ou faute de n’avoir pas essayé, mais plutôt le sentiment de n’avoir jamais été écouté, d’avoir perdu du temps. Cependant, les principes du Yield management très ancré dans le système hôtelier touristique, devait nous inspirer à plus d’audace, et d’organisation, à mieux gérer le secteur du tourisme, qui reste malgré ses performances ailleurs dans le monde économique, un château de sable qu’un vent violent pourrait effacer ; puisqu’il est très vulnérable à l’insécurité, aux pandémies internationales et aux calamités climatiques. Cependant, il est et il restera toujours ce secteur économique dont la capacité de résilience, n’est égale à aucune autre activité économique.

L’analyse de la comparaison entre la France et le Sénégal, porte plus sur l’orientation politique, les idées, la volonté, les décisions et les solutions, que sur le potentiel et les atouts touristiques de la France comparée à ceux du Sénégal.
L’objectif est de revisiter la politique touristique de la France, pour en tirer des enseignements et nous rappeler des bonnes pratiques et des orientations pour corriger et améliorer notre gouvernance touristique. Je pars de quatre points essentiels à savoir :

1 - L'accueil, toujours l’accueil

Cette faiblesse est une des premières ! Ou s’ajoutent d'autres, telles que l’insalubrité, l’occupation anarchique, manque de voie piétonne, d’éclairage, un état des lieux physique et matériel, l’évaluation sans complaisance de l’outil d’exploitation et de gestion etc. Même si la France est mal placée par rapport à ses concurrents en termes de rapport qualité-prix et certains de ses équipements nécessitent une remise à niveau, elle ne traine pas les mêmes tares que le Sénégal qui en plus doit renouveler ses équipements hôteliers dans la petite coté et ailleurs.

Donc, la comparaison c'est principalement dans le cas de l'hôtellerie, des résidences de tourisme et des stations touristiques, ou le Gouvernement Français fait des efforts pour améliorer son accueil en prestation de services. Même si des efforts sont nécessaires et souvent engagés dans certains secteurs, la situation de la France n'est toutefois pas catastrophique, car en mai dernier, le World Economic Forum de Davos classait ainsi la France au second rang - derrière l'Espagne - de son "indice mondial 2015 de compétitivité des voyages et du tourisme". Alors que le Sénégal n’était même pas classé, nous étions absents par faut de performances minimales.

Que pensons-nous de nos touristes étrangers, qui nous viennent de ces pays, dont le niveau de qualité a tout point de vue est supérieure a ce que nous offrons à leurs ressortissants, habitués à biens meilleurs offres et à des prix souvent moins élevés que ceux de chez nous. De là nous devons mener une réflexion sérieuse, pour nous rapprocher des standards. Les services touristiques ont un prix et la mondialisation en a fait une transparence et une guerre qui rivalisent avec les comparateurs de prix et d’offres sur le net.

Plus inquiétant ; La qualité de l'accueil - telle qu'elle ressort notamment des nombreux indices et enquêtes internationales sur le sujet - laisse encore à désirer. Ils pointent d'ailleurs les faiblesses en la matière. Parmi les nombreux points à améliorer, notamment la sécurité des visiteurs, la diversification de l'offre d'hébergement, l'amélioration des "lieux d'entrée" des touristes internationaux (frontières, aéroports), mais aussi ce vaste chantier, la nécessité de "faire évoluer le regard de la population sénégalaise", autrement dit l'attitude et le comportement des Sénégalais vis-à-vis des touristes.

2 - Le Marketing et la professionnalisation des acteurs sont à revoir

Un rapport de la banque mondiale soulignait déjà en 2008 les carences du marketing touristique et de la professionnalisation du secteur et des acteurs. L’hôtellerie informelle, les campements et autres édifices non contrôlés et non conformes, entre autres points faibles traditionnels, le manque de diversification et de lisibilité de l'offre touristique, les moyens limités du fonds de promotion, logé à l’Agence Sénégalaise de promotion touristique (ASPT), et de la dotation de l’Etat pour promouvoir la destination. La dispersion des priorités et des messages dans la communication, le faible niveau et des moyens des travailleurs du tourisme - la moitié des salariés n'ont pas le bac, une maîtrise très aléatoire des langues étrangères par les professionnels et les autres secteurs concernés (les taxis, par exemple certains restaurants et les boutiques de souvenirs et d’objets d’arts)...

On pourrait ajouter le désintérêt de l’Etat dans la formation professionnelle de la filière tourisme et l’absence de contrôle et d’uniformisation (syllabus) des cours dans les grandes écoles ainsi que le suivi des étudiants et, par voie de conséquence, le manque de cadres supérieurs et dirigeants de haut rang.

3 - Priorité politique du PSE ou situation d'urgence face à la réalité : quelle attitude adopter ?

Ce tableau sombre de notre tourisme pourrait sembler paradoxal, si le secteur du tourisme avait bénéficie, à l’exemple de la France, pour la première fois depuis très longtemps, a décidé d'un portage politique de très haut niveau, dans sa dimension internationale, en choisissant une grande personnalité, en la personne de Laurent Fabius, le numéro deux du gouvernement derrière le Premier Ministre Manuel Valls.

Cet acte démontre à suffisance tous les vœux, le sérieux et la priorité de la France en matière de tourisme. Et rapidement le ministre, avec sa diplomatie économique s'est vite saisi des dossiers du tourisme en parfaite complicité avec le secteur privé et les associations, et a fait du développement du tourisme international une réalité politique et économique. Leur tourisme étant lui même qualifié de "trésor national" avec un objectif affiché de 100 millions d'arrivées, au même moment, le Sénégal traîne encore sans vision claire, ni détermination dans sa politique touristique, autour d’objectif jamais atteint et souvent controverse par une polémique de ses chiffres entre sept cent mille et neuf cent mille.

Si malgré tous les efforts français avec le statut diplomatique de la France, il existe des inquiétudes sur le tourisme français, dénoncés par les acteurs qui crient leurs colères, alors, je me pose des questions sur le tourisme Sénégalais, en comparaison à la France et eu égard que ce pays est notre premier marché émetteur de touristes, dont nous devons suivre l’exemple. C’est dire que la tâche est énorme et le chemin très étroit du fait de manque de volonté politique de l’état du Sénégal dont les responsables sont plongés dans un sommeil profond du fait d’une incompréhension totale du secteur du tourisme.

Et récemment, le Premier Ministre Sénégalais a conduit une forte délégation en France à la rencontre de son homologue Français, pour relancer certains secteurs stratégiques en s’appuyant sur le concours de la France ; et le secteur du tourisme a été absent comme d’habitude lorsqu’il est question de décision majeure pour relancer notre machine économique. Alors nous acteurs du tourisme, sommes en droit de nous poser des questions et de vouloir comprendre le pourquoi.

A l’exemple de la France, les décisions n'ont pas manqué entre juin 2014 et juin 2015. Où il faut noter : La création du Fonds d'investissement tourisme (FIT) géré par la Caisse des Dépôts, avec des mesures de simplification législatives, en aménagement et la mise en place de cinq "pôles d'excellence". La possibilité élargie d'ouverture des magasins le dimanche dans les zones touristiques, la création du site portail "Le bon guide", la délivrance des visas en 48 heures dans plusieurs pays émetteurs des touristes, la signature de plusieurs conventions, les campagnes de communication sur la qualité de l'accueil et même le projet d'un "forfait taxi" entre Roissy et Paris...

Autant de décisions et d’engagements qui prouvent, si besoin en est, de prendre l’exemple de la France ; qui tous les jours, confirme sa volonté de faire du tourisme un des principaux leviers de développement de son économie. Ce qui est tout le contraire du gouvernement Sénégalais, qui en quatre années n’affiche que des ambitions généreuses dans son volet tourisme du Plan Sénégal Emergent. Ces ambitions ne sont pas d’un rêve impossible, mais simplement difficile à réaliser dans les conditions et contexte actuels. Cela n’aurait pas dû être le cas si nous tenons compte de la géopolitique et la désaffection massive qui touche la plupart des pays arabes au profit d’autres destinations. La destination Sénégal aurait dû gagner des parts de marchés non négligeables.

En Tunisie, les hôtels sont vides, ou presque, malgré des tarifs au plancher. Les grands ressorts posés en bord de mer Rouge (Égypte), subissent le même abandon. Les Français ont déserté (- 60 %) ces deux destinations dont ils étaient pourtant parmi les premiers visiteurs. Ce potentiel de touristes français aurait pu être capté par le Sénégal, si le travail nécessaire avait été fait. C'est évident, le tourisme sénégalais souffre et perd de la valeur.

4 - Un chapelet d'obstacles non négligeables

Il reste que le discours et l’activisme politique soient le terrain favoris pour certains. Mais, au regard des enjeux économiques, il se heurte à au moins trois obstacles. Tout d'abord, la faiblesse des budgets pour ne prendre qu'un exemple, l'apport financier de l'Etat aux contrats de destination est dérisoire, l’OMT fixe ce montant à un pour cent et l’Etat du Sénégal n’a jamais respecté cet engagement, l’absence totale d’institution spécialisée prenant en charge les questions de financement du secteur, de sa mutation, d’un centre de formation, de stage pratique, et de mise à niveau pour tous les corps de métiers du tourisme.

Ensuite, la dichotomie qui se creuse entre tourisme international (qui a du mal à décoller pour se relever de ses cendres), et un tourisme national qui n'est porté par aucune volonté politique, voir des stratégies gagnantes en partenariat avec les grandes entreprises nationales et privés, qui pourraient se révéler productive à terme avec les bonus séjours et vacances, à l’intérieur du pays, tant les deux dimensions sont étroitement imbriquées sur le terrain.
Enfin, la gouvernance locale du tourisme laisse sérieusement à désirer, la loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République je veux citer l’Acte 3 de la décentralisation n'a rien tranché en la matière, même si les intercommunalités sont sans doute appelées à jouer un rôle croissant avec le transfert de compétences dans les collectivités au profil du tourisme

A ce jour, on notera qu’en 2017 à l'actif du bilan du Chef de l’Etat s’il en existe un pour le tourisme, c’est d’abord la prise de conscience des acteurs, l’alerte générale sur l'urgence à redresser le secteur. Il reste maintenant à savoir d’ici à cette date, si les réponses politiques et la mobilisation de l'ensemble des acteurs, collectivités comprises seront réellement à la hauteur des enjeux de la bataille pour un tourisme prospère.

Mouhamed Faouzou DEME