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Traque des biens mal acquis : Briser la logique de l’enrichissement personnel

Depuis deux semaines, Karim Wade est soumis à une enquête judiciaire sur l’origine de ses biens estimés à 8 milliards de Fcfa acquis après 2000. Plusieurs autres personnalités sont aussi dans le collimateur de la Cour de répression de l’enrichissement illicite. De l’issue du processus de recouvrement des biens mal acquis et de la répression de ces actes de prévarication dépendra en grande partie la rupture annoncée avec les logiques rentières qui fabriquent des riches sur le dos des Sénégalais.


Rédigé par leral.net le Dimanche 30 Décembre 2012 à 02:25 | | 3 commentaire(s)|

Traque des biens mal acquis  : Briser la logique de l’enrichissement personnel
L’heure des comptes a-t-il sonné pour Karim Wade ? La protection du père n’opère plus. Des heures et des heures de questions-réponses devant les enquêteurs de la police. Après avoir été adulé, choyé et chanté, le voilà qui découvre, à ses dépens, jusqu’où peuvent mener les vicissitudes de l’histoire. Banquier de son état Karim Wade a été présenté aux Sénégalais par son père, Abdoulaye Wade comme le plus intelligent, le plus brillant du pays. Il est peut être le plus riche sinon l’un des plus riches. Lui-même évalue sa fortune selon le journal L’As à environ 8 milliards avant l’alternance. Une belle somme pour un banquier anonyme. Traduisant les actes en paroles, son père le place sous son aile protectrice et lui confie des responsabilités jamais vues dans l’histoire du Sénégalais au point d’être surnommé « le ministre des cieux et de la terre ». A lui seul, il gérait au moins 20% du budget du Sénégal. Dans les câbles diplomatiques publiées par Wikileaks, l’ambassadrice américaine écrivait : « Karim est aujourd’hui surnommé Monsieur 15 %’ alors qu’au début de 2007, on l’appelait Monsieur 10 % ».

Ses camarades politiques, notamment Ousmane Ngom et Oumar Sarr menacent de faire dans le déballage et dénoncent une justice arbitraire et sélective qui font d’eux des « boucs émissaires ». Les commentaires du procureur selon lesquels il cherche des millions et non des milliards donne des arguments légitimes à ceux qui dénoncent la sélectivité des dossiers judiciaires ouverts. L’entretien du procureur spécial avec le Khalife général des mourides sur ces mêmes dossiers met davantage en jeu sa crédibilité. Un communiqué du Parti démocratique sénégalais (Pds) « dénonce avec force de tels actes, préfigurant une dictature rampante et une volonté manifeste de contrôler le pouvoir judiciaire pour en faire le bras armé de règlement de compte politique » même s’ils sont d’accord sur l’impératif et le principe de recouvrer des biens acquis illicitement.

Sans doute, pour les citoyens, l’enjeu réside dans la prise en charge de cet impératif et d’opérer une rupture significative qui met fin à l’impunité. La perversion du système ne peut être combattu sans un système judiciaire qui, par son efficacité, multiplie les risques pour les potentiels délinquants. Or, jusqu’ici, les faibles risques de poursuites liées à ces actes de prévarication ont considérablement aggravé le phénomène. Les cris d’orfraie lancés par les anciens caciques du régime participent de cette même logique d’affaiblissement de la Justice.

L’impunité garantie aux apparatchiks du régime sortant crevait les yeux. Les innombrables rapports des corps de contrôle de l’Etat rangés dans les territoires en sont la preuve éclatante. l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) est emblématique de cette impunité. D’année en année elle a mis avec régularité sur la place publique les mêmes pratiques corruptives des ministères et autres services de l’Etat en violation des procédures d’appels d’offres. La passation de marchés de gré à gré et les surfacturation devenues monnaie courante sont revenues constamment dans les rapports et épinglent parfois paradoxalement les mêmes personnes pour les mêmes faits sans qu’il y ait suite judiciaire à ces audits.

Malgré ces rapports qui mettent en évidence cette perversion du système, la main lourde de la justice est restée pratiquement invisible hormis quelques rares cas. Là encore il suffit de déposer la caution pour bénéficier d’une liberté provisoire ; ce qui est systématiquement synonyme de liberté définitive. Difficile voire impossible, en effet, de se rappeler une liberté provisoire accordée aux personnalités publiques qui a abouti à une condamnation assortie d’une peine de prison. Le dépôt d’une caution équivalant à la moitié des sommes réclamées a souvent racheté la liberté temporairement perdue des auteurs notoires de prévarication.

Résultat : une bonne partie des hommes politiques sont des crésus à milliards qui caracolent en tête des plus grandes fortunes et sont de loin plus riches que les capitaines d’industrie. On prend ainsi dans la poche des pauvres pour se remplir les poches. Comment en serait-il autrement si autant d’énergies sont dirigées vers l’enrichissement facile ? Cet étalage de richesses contraste singulièrement avec cette pauvreté élevée qui stagne et augmente par intermittence. Selon les statistiques officielles, plus de la moitié des Sénégalais vivent en dessous du seuil de pauvreté. La stratégie nationale de développement économique et social (Sndes) publié le mois dernier le relève : « Malgré la mise en œuvre de projets publics visant à faciliter l’accès à un logement et un cadre de vie sains, une alimentation suffisante, à l’eau potable, la santé, l’éducation et aux marchés, l’incidence de la pauvreté est passé de 50,8% en 2005 à 50,7% en 2010 ». Idem pour la période 2001/2011. Selon la même étude : « au niveau national, l’incidence de la pauvreté des individus a légèrement reculé entre 2001 et 2011, passant de 50,8% à 50,7%. Autrement dit, au bout d’une décennie, l’incidence de la pauvreté n’a baissé que de 0,01 %. En milieu rural, elle a même progressé en milieu rural passant de 61,9% en en 2005 à 63,2% en 2009 ». Ainsi, à défaut de réduire la pauvreté, les régimes se succèdent et fabriquent une caste de nouveaux riches qui triomphent de leur pauvreté en prenant des libertés avec les ressources publiques.

Comme le souligne une étude de l’Usaid intitulée évaluation de la corruption au Sénégal (2007), « la corruption apparaît comme un comportement rationnel et calculé. Elle est profitable et répond à un besoin irrésistible d’obtenir des revenus pour financer le niveau de vie auquel une personne aspire et les réseaux de clients indispensables ». Elle fait remarquer aussi que « la corruption se traduit non seulement par l’enrichissement personnel et l’enrichissement de la famille, des partisans et de la clientèle, mais aussi traduit la possibilité d’obtenir les ressources qui permettront de gagner et de garder le pouvoir ». C’est dire qu’au-delà de la répression, le système partisan porte en lui-même les germes de la corruption.

D’où la pertinence de l’application stricte de l’esprit de la déclaration de patrimoine pour mieux établir le niveau de progression du patrimoine à l’entrée et à la sortie. Le ministre de la justice, Aminata Touré propose même qu’elle soit élargit à tous les hauts fonctionnaires qui manipulent ou sont susceptibles de s’enrichir indument en raison de leur proximité avec le pouvoir. « Il faudrait qu’on dresse la liste des hauts fonctionnaires et hauts cadres qui devraient faire leur déclaration à l’entrée et à la sortie », dit-elle.

La traque des biens mal acquis demeure une exigence populaire très forte après une longue attente de voir les scandales financiers du régime sortant réprimés. Un éventuel échec dans la récupération de ces biens et dans la répression pénale des responsables comporte des risques de sanctions politiques certains pour le régime. Un tel échec indique surtout que l’enrichissement des tenants actuels du pouvoir ne sera qu’une question de temps.

Aliou NIANE lagazette.sn

( Les News )


1.Posté par ONG MAISONS DOUCES France - Sénégal le 30/12/2012 09:29 | Alerter
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Excellent article ! .. Objectif, pertinent . Et bien écrit ( non négligeable .. ) Merci à son auteur .

Anouchka K / Pdte ONG MAISONS DOUCES France Sénégal

2.Posté par xxxx le 30/12/2012 12:21 | Alerter
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la fortune de karim wade ce n'est pas 8 milliards. N'importe quoi ! 8 milliards ca doit etre les interets mensuels sur ses placements !

3.Posté par FocusActu le 31/12/2012 18:04 | Alerter
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