Après bientôt un an de pouvoir, le président Macky Sall patauge encore entre tâtonnement et atermoiement

Cela dit, il faut avoir le courage de dénoncer le surplace qui caractérise le pouvoir de M. Macky Sall depuis bientôt un an. Rien ne bouge dans ce pays. A part l’avion présidentiel qui transbahute le chef de l’Etat et sa suite de partisans et d’alliés chaque semaine d’un pays à l’autre, tout est à l’arrêt ! Le patron de ce canard, récemment, dans un éditorial très amical qui jure avec ses foudres jupitériennes, avait déjà eu l’occasion d’attirer l’attention de l’actuel président de la République sur l’immobilisme dans lequel baigne le Sénégal depuis son intronisation. Depuis lors, les choses semblent tomber de Charybe en Scylla. Certes, il est prématuré d’exiger un grand bilan d’un régime qui doit durer cinq ans (ou sept s’il n’y a pas des rétractations dues à des manœuvres politiciennes).

Seulement voilà, en un an de pouvoir, les germes des semis du nouveau pouvoir devaient commencer à percer le sol. Hélas, aujourd’hui, on a comme l’impression qu’aucun espoir n’avait été placé en l’homme-candidat Macky Sall tant l’attente assez longue d’un mieux-être commence à lasser les « goorgoorlus ». Lesquels commencent sérieusement à désespérer du nouveau régime. L’horizon des Sénégalais s’obscurcit de jour en jour. Aucun signe d’embellie ne point à l’horizon. Le pays fonctionne au jour le jour. Pis, alors que le pouvoir de M. Sall vient juste de s’installer, on a l’impression de vivre les heures les plus sombres du régime wadien.

La traque des criminels économiques fonctionne au ralenti, les délestages plombent l’activité économique, l’insécurité perturbe la quiétude des honnêtes citoyens, la pénurie de gaz traumatise les ménages. Si l’Etat est arrivé à rationner le gaz aux consommateurs, c’est parce que le stock de sécurité qui garantit – comme le stipule le décret n° 98-337 du 21 avril 1998 fixant la composition et les règles de fonctionnement du comité national des hydrocarbures – la satisfaction des besoins du marché national pour une période de trente-cinq jours en matière de combustibles n’est plus assuré.

Et comme si tous ces mots qui plombent le quotidien des Sénégalais ne suffisaient pas, la bataille des élections locales de mars 2014 commence déjà à faire rage avec les déclarations clivantes des boutefeux de l’APR, le parti présidentiel, qui veulent conquérir vaille que vaille les grandes villes du Sénégal aux mains de certains de leurs alliés de Bennoo Bokk Yaakaaar. Même le président de la République semble reléguer les préoccupations des Sénégalais au second plan, lui qui menace de limoger les directeurs de sociétés nationales qui commettraient le « crime » de perdre chez eux lors de ce scrutin. Or, les « goorgoorlus » auraient mieux apprécié le coup de gueule du président s’il avait sommé son auditoire composé de directeurs généraux de sociétés et autres responsables ministériels de se donner corps et âme pour satisfaire les besoins des Sénégalais qui l’ont élu et lui ont donné une majorité à l’Assemblée nationale. Et ce plutôt que d’exiger des résultats aux locales.

Après une année de pouvoir, le président Macky Sall est confronté à la dure réalité d’un monde en vitesse accélérée. Dans moins de quatre semaines, il bouclera ses 12 premiers mois de gouvernance laborieuse. Comme un coup d’épée dans l’eau, rien de concret n’a été encore fait. Un an fait de tâtonnements et d’atermoiements. Les promesses d’emplois tardent à se concrétiser. Les 5500 emplois de la fonction publique risquent de créer des situations de révoltes sans précédent. La prise d’assaut effrayante du building administratif, récemment, par une armée de demandeurs d’emplois doit attirer l’attention du président de la République sur la lourdeur et la responsabilité de son engagement à créer, d’ici à 2017, 300 mille emplois grâce à la mise en place d’un Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip) pour un programme massif d'appui au montage et au financement de projets ainsi que d'accompagnement des PME-PMI.

Grâce aussi à la création d'un Fonds souverain des investissements stratégiques (Fonsis) qui renforcerait le capital des entreprises privées et publiques nationales à fort potentiel de développement. Si le mandat présidentiel est réduit à cinq ans, cela voudra dire que lesdits emplois devront être créés sur quatre petites années seulement. On n’a pas besoin d’être savant ou devin pour dire qu’il sera très difficile, voire impossible, de matérialiser un tel engagement. L’opérationnalité du Fongip reste problématique si l’on sait que des structures telles que le Fonds national de promotion de la jeunesse (Fnpj) et l’Agence pour l’emploi des jeunes des banlieues (Ajeb), ayant la même vocation de créer des emplois, ont failli à leur mission. Des usines comme la Socas, qui ont besoin du Fonsis, licencient à tour de bras pour ne pas mettre la clé sous le paillasson, les industries de la parfumerie sont menacées de fermeture à cause d’une fiscalité insoutenable mais le Fongip, qui doit intervenir pour aider au redressement de ces entreprises en difficulté, n’est toujours pas opérationnel.

Pour le reste quand, dans la mouvance présidentielle, on parle des premières « réalisations » du nouveau pouvoir qui ne seraient pas rendues visibles au point que le président de la République, atrabilaire, n’a pas hésité à chapitrer ses « spin doctors » qui communiqueraient mal, les « goorgoorlus » souffreteux, eux, se demandent s’il n’existe pas deux Sénégal. Dans le premier, le président et sa cour nageraient dans un optimisme fantasmagorique tandis que dans le second, les « goorgoorlus », c’est à dire l’écrasante majorité des Sénégalais, tenaillés par les difficultés quotidiennes, seraient frappés de cécité.

Car, en vérité, aujourd’hui, les seules mesures salutaires du pouvoir actuel sont relatives aux allègements de l’impôt sur les salaires. Encore que ces allègements sont loin de régler les problèmes des Sénégalais car ne concernant qu’une infime partie d’entre eux. Pour le reste, toute autre réalisation qu’on voudrait vendre aux Sénégalais, par le biais d’une communication enjolivée ou cosmétique, ne serait que le reflet trompeur d’une fantasmagorie qu’on prendrait pour une réalité. Autrement dit, des ballons qu’on voudrait faire prendre aux Sénégalais pour des lanternes !

Serigne Saliou Guèye
« Le Témoin » N° 1116 –Hebdomadaire Sénégalais (Mars 2013)