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« Ayons le courage de dialoguer sur l’essentiel ! » Par Pape Alé Niang


Rédigé par leral.net le Mercredi 14 Mai 2025 à 11:32 | | 0 commentaire(s)|

Le Sénégal est connu comme étant un pays démocratique, ayant une longue tradition de stabilité politique dans le fonctionnement de ses institutions.

Cette appréciation découle du simple fait que, malgré certaines tensions ou crises profondes qui ont ébranlé d'autres pays, le nôtre a toujours su avoir les ressorts nécessaires pour tenir des élections et choisir librement ses dirigeants. Et cela, nous le devons au génie et à la maturité du peuple sénégalais qui a, chevillé au corps, les élections. Un moment de respiration démocratique et unique choix de transition démocratique.

Pour reprendre les propos de Maître Mame Adama Guèye, qui avait l’habitude de dire : « Le Sénégal a tous les attributs d’une République et d’un État, mais fonctionne comme une monarchie républicaine, car les pouvoirs de l’Exécutif sont exorbitants, au point d’étouffer tous les autres pouvoirs Législatif comme Judiciaire ». Est-ce totalement faux ?

Ce mode de fonctionnement est tellement ancré dans nos mœurs politiques, au point que les propos de Son Excellence le président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, sur son désir d'avoir « des directeurs généraux forts, des ministres forts, un super Premier Ministre très fort », ont pu choquer. Certains ne se privent même pas de dire qu’au vu du fonctionnement actuel du régime , le président de la République a décidé de s’effacer au profit d’un Premier Ministre qui décide de tout. Ce qui est loin de l’exacte vérité. En réalité, ils nourrissent le secret espoir d’une séparation à la tronçonneuse entre les deux autorités.

Bref, à vrai dire, le Sénégal, passé à la loupe de manière sincère et honnête, sans esprit partisan, fait face à des défis politiques importants et récurrents, notamment en ce qui concerne les questions électorales et la marche des institutions.

Mais précisons d’emblée que le pays est très loin d’être en crise. Le pouvoir exécutif fait son travail, il en est de même pour le pouvoir législatif, ainsi que le pouvoir judiciaire. La preuve la plus vivante en est la dernière décision du Conseil constitutionnel, sur la loi interprétative de la loi d’amnistie .

Cependant, toute gouvernance est perfectible. Le Sénégal a besoin d’une gouvernance efficace. Et pour y parvenir, notre pays doit stabiliser des consensus forts et partagés sur certaines questions politiques et électorales.

C’est tout le sens de l’invite du président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye.

La question de la modernisation du système électoral. Au Sénégal, force est de constater que les questions électorales ont toujours provoqué des tensions et autres accusations malsaines entre les acteurs politiques, qui, malheureusement, ont provoqué des manifestation violentes, avec des pertes en vie humaine . Notre passé récent en témoigne éloquemment . Toutes les questions qui encadrent le processus électoral, font l’objet de suspicions et de manipulations, permettant à un régime en place, s’il le désire, d’éliminer tout potentiel candidat par des manœuvres puériles.

Pour renforcer la transparence, l’intégrité et la crédibilité du processus électoral, il est essentiel d’établir un consensus politique solide entre les acteurs concernés. Sur ce point précis, un engagement commun des partis politiques, des autorités électorales, de la société civile et des parties prenantes, est indispensable pour régler définitivement ces questions. Et cela ne peut être que le résultat d’un dialogue inclusif, honnête et sincère. Lequel dialogue permettra de définir les normes électorales, de faire le toilettage du code électoral, d’établir des règles de jeu claires et précises et de convenir d’un mécanisme de règlement des contentieux électoraux.

Sur la définition du statut de l’opposition et du chef de l’opposition. Cette question n’est pas nouvelle dans le débat politique. Tous les régimes précédents ont soulevé le débat, mais sans une réelle sincérité. Le Sénégal mérite un bond qualitatif sur ce plan, surtout après trois alternances. Il urge de pacifier l’espace politique. Les discours violents et haineux n’ont aucun effet. Le peuple sénégalais choisit librement ses dirigeants et, est capable, en toute lucidité, d’abréger le règne de n’importe quel régime, au prix de tous les sacrifices. L’histoire récente l’a démontré. Par conséquent, définir le statut de l’opposition et désigner son chef, contribuera non seulement au rayonnement démocratique mais également diplomatique de notre pays, mais conférera également à l’opposition, ses droits, comme dans tous les pays modernes.

L’instauration de l’inscription automatique sur les listes électorales dès la majorité, accompagnée de la délivrance d’une carte d’identité biométrique CEDEAO, constitue une vieille revendication. Le Sénégal doit cesser de s’inscrire dans les logiques de révisions électorales permanentes qui, souvent, charrient des polémiques, des accusations et des tensions. Accepter ce point facilitera le travail à la Direction de l’Automatisation du Fichier (DAF) et la Direction Générale des élections (DGE) et permettra également à chaque Sénégalais, une fois majeur, qui le désire, de pouvoir exercer librement son devoir de citoyen et participer au jeu démocratique.

Revoir le mécanisme du parrainage ne doit même pas faire l’objet d’un débat, car, dans un passé récent, tous les acteurs politiques l’avaient vigoureusement dénoncé, excepté le parti qui était au pouvoir. Mieux, la Cour de justice de la CEDEAO avait condamné le Sénégal sur saisine de Maître Abdoulaye Tine. Et l’État, à l’époque, avait refusé de respecter et d’appliquer la décision de justice. Par conséquent, j’estime que tous les acteurs politiques, de manière honnête, sincère et objective, doivent pouvoir trancher cette question du parrainage, qui n’est pas en soi mauvaise.

Le point qui porte sur l’évaluation des autorités électorales et des médias, est inéluctable .Quel bilan devons-nous tirer du fonctionnement de la Commission électorale nationale autonome (CENA) dans le processus électoral depuis sa création ? Qu’on le veuille ou non, qu’on le reconnaisse ou pas, la CENA n’a jamais dans les faits véritablement résolu une crise dans notre processus électoral. Devons-nous aller vers une structure plus indépendante et plus autonome qui se chargera de tout le processus électoral ? Le débat doit être posé et réglé sérieusement et définitivement.

Concernant les médias, il est urgent de mettre en place un encadrement, sur la base de textes très clairs, sur leur mode de gestion de la période électorale qui reste sensible. Le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) joue un rôle essentiel, mais cela demeure plus rigoureux pour les médias de service public. Ses recommandations ne sont pas souvent respectées par certains médias privés. Cette question doit être résolue au nom de l’équité en période électorale.

Que dire de la place de la justice dans le processus électoral ? Toute l’opinion s’accorde au moins sur une chose : ces dernières années, la justice a servi, de manière outrancière et scandaleuse, de bras armé au régime précédent, pour éliminer des adversaires politiques. La Justice s’est immiscée de façon éhontée dans le jeu politique, mettant à rude épreuve, l’esprit démocratique. Toute la classe politique a vécu le traumatisme de l’immixtion de cette justice. Des interventions intempestives de certains juges prêts à exécuter des commandes politiques, faussant ainsi le jeu électoral. Censée être le régulateur du jeu démocratique, la justice a souvent obscurci le jeu politique. Il est donc juste de clarifier sa place dans les processus électoraux, afin d’éviter toute instrumentalisation pour des règlements de comptes politiques.

Parler de la réorganisation du paysage politique, à travers un encadrement des partis, est d’une nécessité absolue. Comment un pays de dix-huit millions d’habitants peut-il avoir plus de trois cent cinquante partis politiques ? Et la majorité de ces partis, non seulement ne respectent pas les textes édictés par le Ministère de l’Intérieur pour exister légalement après leur reconnaissance, mais pis encore, n’existent que de nom. Combien sont-ils à avoir le courage de se présenter sous leur propre bannière aux échéances électorales ? Tout naturellement, ils s’empêtrent dans des coalitions, sans aucune réelle représentativité. Ils n’existent très souvent qu’à travers les médias et autres plateformes.

Il est nécessaire d’aborder la réorganisation du paysage politique, car ce n’est pas par cette voie ténébreuse d’une foultitude de partis politiques, que nous pourrons traiter sereinement et toute objectivité la question du financement des partis politiques.

Un autre consensus partagé entre tous les acteurs politiques, est la nécessité d’un toilettage du code électoral. D’ailleurs, plusieurs versions de ce code circulent. Ces dernières années, le code électoral, qui doit organiser tout le processus électoral, a été transformé en cahier de brouillon, permettant aux tenants du pouvoir de l’époque, suivant leur volonté de nuire à un adversaire politique, d’ajouter ou de retirer un article par le vote, à l’Assemblée nationale, d’une majorité acquise à leur cause.

Tous ces points énumérés doivent faire l’objet d’une réflexion sérieuse, participative et constructive, afin de donner à notre démocratie des lettres de noblesse.

Un consensus politique fort sur toutes ces questions, est essentiel, pour permettre à notre pays, le Sénégal, d’avoir une démocratie majeure.

Une ère nouvelle doit s’ouvrir par un dialogue ouvert et inclusif, l’établissement d’un mécanisme pour un règlement pacifique de nos contentieux politiques, afin d’obtenir une gouvernance stable et une confiance renforcée envers nos institutions.

Ayons la grandeur d’éviter des débats picrocholins. On ne peut pas avoir une vision manichéenne du dialogue politique. Les défis du Sénégal ne doivent plus être démocratiques, mais plutôt économiques.
C’est là que le peuple sénégalais qui, advienne que pourra, aura toujours le dernier mot, dans le secret des isoloirs, nous attend !
P.A.N

Mame Fatou Kébé