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Bienvenue à Koungheul Monsieur le Président de la République - Par Pr Demba Sow

Les éleveurs de la région de Kaffrine, en particulier ceux du département de Koungheul, capitale du Bambouck, sont particulièrement heureux de vous recevoir à l’occasion de la célébration de la 3ème Journée Nationale de l’Elevage (JNE). C’est lors de votre tournée économique dans la région de Kaffrine que nous, éleveurs de cette nouvelle et vaste région, vous aviez demandé de nous accorder le privilège d’organiser la 3ème JNE. Merci Monsieur le Président pour la réponse positive et d’avoir choisi Koungheul, un vaste département d’élevage, pour abriter la célébration de la 3ème JNE. Comme d’habitude, les éleveurs du Sénégal, en particulier ceux de la région de Kaffrine vont vous réserver un accueil triomphal et mémorable le 26 novembre 2015.


Rédigé par leral.net le Lundi 23 Novembre 2015 à 10:26 | | 0 commentaire(s)|

La célébration de la JNE est une opportunité qui nous est donné pour vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour le sous-secteur mais également l’occasion pour nous de porter à votre connaissance, en termes clairs, les contraintes qui pèsent sur l’élevage et vous faire des propositions de nature à booster cette activité essentielle pour notre pays.

Le Sénégal est un pays sahélien dont le climat est favorable à l’élevage. Selon les zones et les acteurs, on note 3 types d’élevage : élevage pastoral, élevage agro-pastoral et élevage intensif.

L’élevage est pratiqué dans les 14 régions du Sénégal et occupe plus de 350 000 familles. Toutes les ethnies de notre pays s’adonnent à cette activité aussi bien en ville qu’en milieu rural.

Jadis délaissé par le colonisateur au profit de l’économie de traite, le sous-secteur de l’élevage traine depuis les indépendances un déficit d’investissements structurants qui est la cause de son retard comparé aux autres sous-secteurs du monde rural. Le sous-secteur a très peu bénéficié des avancées de la science sur le plan génétique, alimentation et valorisation des produits. L’état des abattoirs à travers le pays, l’inexistence d’infrastructures de conservation des produits laitiers et de terres de pâturage dédiées exclusivement à l’élevage montrent à suffisance le grand retard de ce sous-secteur pourtant vital.

L’insémination artificielle qui est le meilleur moyen d’améliorer nos espèces est pratiquée au Sénégal de façon informelle et sans coordination scientifique. Le volet alimentation du bétail qui est un facteur déterminant d’amélioration des rendements n’a pas fait l’objet d’études approfondies aboutissant à des recommandations pratiques.

Les éleveurs des 14 régions du Sénégal vous remercient Monsieur le Président de la République pour tout ce que vous avez fait pour notre sous-secteur depuis votre arrivée à la tête de notre pays.

- Vous avez décrété la journée du 26 novembre, Journée Nationale de l’élevage. Cette décision comble les éleveurs et montre votre engagement à trouver les bonnes solutions à ce sous-secteur, jadis considéré injustement comme non prioritaire.

- Vous avez décidé de réhabiliter et de sécuriser le Ranch de Dolly. Les éleveurs étaient inquiets avant votre décision car des projets de partition de cet espace vital pour l’élevage se préparaient. C’est la détermination des éleveurs pour préserver leur espace vital qui avait bloqué ce projet.

- Vous avez soutenu les éleveurs pour les aliments du bétail plus que tout autre chef d’Etat du Sénégal. Les éleveurs vous sont reconnaissants ;

- Votre décision d’alourdir les peines infligées aux voleurs de bétail ont fortement fait baisser les vols d’animaux à travers le Sénégal. Les éleveurs des 14 régions du pays vous sont encore reconnaissants ;

- Votre décision d’augmenter le nombre de forages pastoraux comble de satisfaction les éleveurs du Sénégal. Dans ce domaine, le déficit est tellement important qu’il reste encore beaucoup de choses à faire ;

- Vous avez débloqué des sommes importantes pour le financement de l’éleveur. C’est un appui qui est de nature à booster le sous-secteur et à le moderniser.

Les éleveurs du Sénégal sont satisfaits de vos 3 années de pouvoir Monsieur le Président de la République. Ils comptent sur vous pour la poursuite de la politique de promotion de l’élevage afin de le rendre plus performant au bénéfice des Sénégalais et du Sénégal.

Vous avez beaucoup fait pour le sous-secteur de l’élevage Monsieur le Président de la République mais le retard de la filière en matière d’investissements structurants est si important que plusieurs années sont nécessaires pour que l’élevage soit performant et rentable pour assurer l’autosuffisance en plusieurs produits notamment en lait et viande. Plusieurs réformes sont nécessaires pour doter le Sénégal d’un sous-secteur d’élevage capable de nourrir les éleveurs et les Sénégalais en créant en même temps beaucoup d’emplois pour notre jeunesse.

En ce 26 novembre 2015, les éleveurs du Sénégal vous félicitent chaleureusement Monsieur le Président de la République pour la politique de promotion de l’élevage que vous menez et mettre en exergue un certain nombre de contraintes qui continuent à plomber l’élevage pastoral et agro-pastoral.

Forages pastoraux

Au moment de votre visite dans notre région en avril 2015, des bovins et ovins mourraient de soif dans les parties Est et Nord de la région de Kaffrine. C’est une situation dramatique que nous vivons chaque année. Nous sollicitons la poursuite de votre politique d’implantation de forages dédiés à l’élevage partout où c’est nécessaire au Sénégal.

Harmonisation des prix de l’eau

Nous constatons dans le pays que certains responsables de forages appliquent aux éleveurs des tarifs discriminatoires. Par exemple dans certaines localités les villageois paient 150 FCFA et l’éleveur transhumant 250 FCFA pour le mètre cube d’eau. Nous souhaitons que de tels faits injustes soient arrêtés en vertus de l’égalité des sénégalais face à l’eau, une denrée vitale.

Aires de pâturage et accès au foncier

Les aires de pâturage du bétail rétrécissent d’année en année. Nous sommes inquiets Monsieur le Président de la République pour notre avenir d’éleveurs. Nous souhaitons, dans le cadre de la réforme foncière, que des espaces sécurisés soient attribués à l’élevage. Une loi sur le pastoralisme est une urgence nationale pour les pasteurs.

Forêts classées

Les forêts classées sont entrain de rétrécir comme peau de chagrin dans nos différentes régions. C’est une situation catastrophique pour l’environnement, la biodiversité et mais aussi pour l’élevage. L’Etat doit prendre des mesures énergiques pour mettre un terme à l’incursion des cultivateurs dans ces forêts et à récupérer les terres déjà spoliées. Nous souhaitons que le service des Eaux et Forêts soit instruit plus clairement pour faire respecter l’usage des forêts classées. Il y a lieu d’organiser un Conseil Présidentiel sur les Forêts Classées pour réactualiser les tracés, recenser le nombre de ces forêts et redéfinir plus clairement leur vocation.

Feux de brousse

Les feux de brousses ravages des centaines de milliers d’hectares par an (450 000 à 650 000 hectares) en transformant plusieurs milliers de tonnes de biomasse végétale en cendres. Ce sont des milliers de tonnes équivalent lait et viande qui sont alors emportés par les flammes des feux de brousses qui constituent ainsi un obstacle à l’émergence et contribue fortement à l’augmentation de la pauvreté. Sans les feux de brousse, il y aurait presque suffisamment d’aliment pour le bétail pendant la saison sèche.

Les éleveurs encouragent l’Etat à poursuivre sa politique de prévention et de lutte contre les feux de brousse fondée sur la sensibilité des populations, la création de comité villageois de veille, d’alerte et d’action contre les feux de brousse et d’ouverture de pare feux. Pour éteindre les feux déclarés, les villageois et les Eaux et Forêts manquement cruellement de matériel et de moyens d’action.

Accès aux marigots

Dans certaines localités, les marigots ne sont plus accessibles au bétail. Nous souhaitons qu’il soit interdit aux agriculteurs de fermer l’accès aux marigots pendant l’hivernage. Beaucoup de conflits entre cultivateurs et éleveurs sont liés à l’inaccessibilité de ces abreuvoirs au bétail.

Scolarisation des enfants de transhumants

Les enfants des transhumants ne sont pas dans leur majorité scolarisés. Nous sollicitons l’Etat pour trouver une solution à la scolarisation de ces enfants qui ont eux aussi droit à une éducation. Il s’agit de plusieurs milliers d’enfants qui sont en dehors du système éducatif classique et des daara.

Transformation du lait

Pendant la saison des pluies, la production laitière est très importante dans les 14 régions du Sénégal. Dans certaines localités, le lait est déversé dans la nature ou donné comme aliment du bétail aux bovins ou ovins. Quel gâchis insupportable. Nous sollicitons des unités de transformations de ce lait pour nourrir les sénégalais et baisser les importations de lait et de produits laitiers. Quantitativement, la production laitière nationale est en mesure de permettre de réduire significativement l’importation de lait en poudre qui fait perdre à l’Etat plusieurs milliards de devises. Quelques unités de séchage du lait frais permettraient de mettre sur le marché plusieurs tonnes de lait en poudre pendant la saison des pluies.

Aliments de soudure

Les éleveurs apprécient l’appui de l’Etat pour l’alimentation du bétail pendant la période de soudure. Nous souhaitons que cet appui soit maintenu, intensifié avec des commissions de distribution plus efficaces, plus transparentes. Nous souhaitons aussi que l’Etat veille sur la qualité des aliments car nous avons constaté que souvent ces aliments sont de mauvaise qualité hygiénique et nutritionnelle..

Cultures et réserves fourragères

La culture et la réserve fourragère sont une nécessité. Les éleveurs souhaitent être formés et encadrés pour se lancer dans la culture et la constitution de réserve fourragère avec plus de chance de réussir dans cette activité innovante.

Accès au foncier

La loi sur le domaine national a écarté les éleveurs de la possibilité d’avoir des terres destinées exclusivement aux pâturages au profit du bétail. Les terres de pâturage étant considérées par les collectivités locales et les agriculteurs comme des terres non valorisées, se rétrécissent d’année en année au profit de l’agriculture.

Il est temps de corriger cette injustice qui a trop porté préjudice à l’élevage pourtant aussi important pour la nation que l’agriculture et la pêche.

Les terres n’étant pas extensibles, il est souhaitable, dans le cadre de la réforme foncière, qu’on trouve un dispositif plus juste de partage des terres entre agriculteurs et éleveurs.

Mises en fourrière abusives

Les éleveurs sont victimes d’abus de mise en fourrière de leurs animaux avec des amendes disproportionnées et injustifiés. Les éleveurs demandent une réglementation de la mise en fourrière des animaux avec des textes et des procédures qui respectent les intérêts des uns et des autres.

Animaux perdus, confiés aux maires

La vente des animaux perdus et récupérés par les maires se fait dans des conditions non transparentes. Nous souhaitons des textes et des procédures qui respectent l’intérêt des éleveurs.

Organisation de la transhumance

La transhumance a pris des proportions inhabituelles depuis quelques années. Pour anticiper les problèmes entre transhumants et agriculteurs, nous souhaitons une organisation de la transhumance en fixant la période officielle de démarrage des mouvements en fonction des travaux champêtres et la disponibilité de l’eau dans la zone des transhumants.

De façon globale, la transhumance pose beaucoup de problèmes : surpâturage, dégradation des ressources, conflits entre transhumants et populations sédentaires, etc. La transhumance est sur le point de devenir un obstacle au développement de l’élevage et source de tension entre sénégalais. Il est temps d’organiser une réflexion approfondie sur le phénomène de la transhumance du bétail avec la participation de l’ensemble des acteurs concernés.

Parcours du bétail

Les parcours du bétail vers les terres de pâturages se rétrécissent ou disparaissent d’année en année. Les éleveurs demandent le respect de ce droit fondamental du pastoralisme.

Vaccination et soins du bétail

Les éleveurs constatent tout en le déplorant que l’Etat s’est désengagé dans sa mission de protection du bétail. La vaccination et les soins du bétail sont maintenant confiés aux vétérinaires privées et globalement les éleveurs sont insatisfaits. Les vaccinations ne se font plus régulièrement et cela impacte sur la santé du bétail et donc sur le revenu de l’éleveur et c’est l’Etat aussi qui y perd.

Concernant le traitement des animaux malades, les services vétérinaires de l’Etat ne sont plus impliqués et pourtant les taux de mortalité et de maladie du bétail sont encore élevés et la couverture sanitaire insuffisante. Les éleveurs se sont transformés en vétérinaires avec toutes les conséquences sur la qualité sanitaire des produits consommés. Nous souhaitons une concertation éleveurs -État sur la santé du bétail. Ce point est très important pour le sous-secteur et la santé des sénégalais.
Insémination artificielle

La performance de nos espèces pour la production de lait et de viande est très faible. Pour parvenir à la sécurité alimentaire et à la rentabilisation de l’élevage, l’amélioration des espèces élevées est incontournable. L’insémination artificielle est le meilleur moyen d’y arriver. L’ISRA et les services vétérinaires doivent être impliqués dans l’élaboration et la conduite de la politique nationale d’amélioration des espèces élevées.

Telle qu’elle est pratiquée actuellement au Sénégal, l’insémination artificielle n’améliorera pas génétiquement nos espèces. Des journées scientifiques nationales sur le sujet nous semblent nécessaires pour enfin mettre en place une politique d’insémination artificielle pour l’amélioration des espèces élevées dans notre pays.

Financement de l’élevage

Les éleveurs sont demandeurs de financement comme tous les autres corps de métier. Mais ne disposant pas souvent de garanties, sans l’intervention de l’Etat, ils ne pourront pas accéder aux crédits classiques. Nous souhaitons disposer d’une ligne de crédit adaptée à défaut d'une banque dédiée à l’élevage.

Pistes de production

Les pistes de production sont indispensables pour écouler les produits vers les grands marchés (Dakar, Touba). Nous souhaitons la poursuite de la politique de construction de pistes de production dans les 14 régions du pays.

Marchés sous régionaux

Avec l’appui de l’UEMOA, l’Etat est en train de construire des marchés au bétail à travers le pays. Nous souhaitons la poursuite de cette politique de construction de marchés sou-régionaux mais en associant davantage les éleveurs notamment pour le choix des sites.

Autosuffisance en moutons

L’importation de moutons de Tabaski est une grosse perte économique pour notre pays. Le Sénégal, avec une politique incitative pour l’intensification de l’élevage de moutons, pourrait atteindre de l’autosuffisance vers 2020. Nous voulons une politique plus ambitieuse en matière de fourniture de moutons de tabaski au Sénégalais. Importer des milliers de moutons chaque année n’est pas acceptable à long terme pour un pays en quête d’émergence.

Elevage intensif

Des exemples réussis d’élevage intensif sont nombreux autour des agglomérations. Nous souhaitons que l’Etat encourage ces éleveurs d'un type nouveau par un accompagnement adéquat : financement, foncier, allègement des taxes et impôt, matériel d'élevage, médicament, encadrement technique et gestion.

Délit de faciès

Les éleveurs de la communauté Peulh sont régulièrement victimes d’arrestation fondée sur leur seule appartenance à une communauté ethnique. Les gendarmes arrêtent les gens sur la base de leurs traits ethniques et/ou de leur habillement typés sans poser aucune question. Arrivé à la gendarmerie, les victimes de ce délit de faciès sont humiliées et rackettées avant de retrouver la liberté. Cette pratique est dangereuse, irrespectueuse de la loi. Nous souhaitons qu’il soit mis un terme à ces arrestations arbitraires d’un autre âge.

Le secteur de l’élevage est un levier important pour l’émergence du Sénégal. A cette fin, le sous-secteur a besoin de réformes refondatrices axées sur :

- Une politique volontariste d’améliorations des espèces par l’insémination artificielle avec la création d’un Institut
National de recherche sur l’Insémination Artificielle (INRIA). Cet institut permettrait d’avoir des spécialistes capables de prendre en charge la politique nationale d’amélioration des espèces ;

- Une création de structure en charge de l’élevage pastoral, de l’élevage intensif, de la santé et de l’alimentation du bétail.

- Une création de structure pour la valorisation des productions animales : lait, viande, peaux, miel, etc.
Les éleveurs du Sénégal, tous types d’élevages confondus, sont prêts à prendre part à toutes réflexions consacrées à la promotion de l’élevage.

Pr Demba Sow
Ingénieur en Technologies Agricole et alimentaire
Ecole Supérieure Polytechnique de l’UCAD