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Conservation des aliments par l’usage de la chaleur - Par Pr. Demba Sow


Rédigé par leral.net le Mardi 7 Avril 2015 à 09:49 | | 0 commentaire(s)|

Conservation des aliments par l’usage de la chaleur - Par Pr. Demba Sow
I Introduction

Les maladies d’origine alimentaire sont préoccupantes tant dans les pays développés que dans les pays en voie de développement. Cela confirme que ne pas manger entraîne la mort mais manger c’est aussi prendre le risque de mourir.

Les maladies d’origine alimentaire causent beaucoup de souffrances et de désagréments dans les familles et constituent de réels obstacles au développement des nations. Si les pays développés n’ont pas encore totalement maitrisés ces maladies, on peut penser que les pays sous développés ont encore du chemin à faire dans ce domaine.

Dans les pays en développement, les maladies diarrhéiques d’origine alimentaire ou hydrique tuent annuellement 2,2 millions de personnes, pour la plupart des enfants.

Les maladies d’origine alimentaire sont causées par des dangers de nature différente, présents dans l’aliment ingéré par le consommateur. Le Codex alimentarius a défini le danger présent dans l’aliment pouvant être cause d’intoxication alimentaire comme suit : «agent biologique, chimique ou physique présent dans un aliment pouvant avoir un effet adverse pour la santé ».

Heureusement, la plupart des cas de maladie d’origine alimentaire peuvent être prévenus en suivant des techniques de traitement sanitaire des aliments et en respectant certaines règles simples de comportement et de consommation.
Pour les dangers d’origine biologique, il existe un certain nombre de traitements et de moyens de stabilisation des aliments qui permettent de mettre à la disposition du consommateur des denrées salubres et sures.

Pour cette contribution, nous allons axer notre réflexion sur la destruction thermique des agents biologiques présents dans les aliments. C’est un moyen de traitement efficace, fiable et très répandu dans le monde. Elle a été découverte par un confiseur, Nicolas APPERT, en 1785. Initialement la destruction thermique des microorganismes consistait à immerger des produits emballés dans des bocaux ou boîtes métalliques dans de l’eau bouillante pendant une durée suffisamment longue pour détruire les microorganismes et les enzymes, causes d’intoxication et d’altération des aliments.

La découverte de Nicolas Appert, rapidement exploitée en Angleterre et en France, provoqua une révolution dans les habitudes alimentaires et permis de mettre fin à la famine en Europe et de développer l’agriculture, l’élevage et la pêche. C’est pourquoi, en 1822, Nicolas APPERT reçut, des autorités françaises, le titre de bienfaiteur de l’humanité. C’est en 1860 que Louis Pasteur montra que le procédé APPERT tirait son efficacité de sa capacité à détruire les micro-organismes que les scientifiques ne connaissaient pas du temps de Appert. La méthode est connue actuellement sous l’appellation APPERISATION en hommage à cet homme génial qui a fini sa vie dans le dénuement total.

La découverte de Nicolas Appert a donné naissance à deux techniques très utilisées dans les procédés de conservation des aliments. Il s’agit de la pasteurisation et de la stérilisation.

II Pasteurisation

La pasteurisation est une technique de traitement des aliments pour prolonger leur durée de conservation de quelques jours à quelques semaines. L’appellation Pasteurisation est un hommage à Louis Pasteur, père de la microbiologie et fondateur de l’Institut Pasteur de Paris, sous l’initiative de Emile Roux, son successeur à la tête de l’Institut.

La pasteurisation vise à détruire toutes les bactéries pathogènes sous formes végétatives et la plupart des bactéries non pathogènes et non sporulées. Ce traitement thermique se fait dans la zone de température comprise entre 63°C et 100°C.

La pasteurisation vise dans la conduite de l’opération la destruction de la bactérie pathogène la plus thermorésistante. Il a été prouvé que la bactérie de la tuberculose (Mycobacterium tuberculosis) était la bactérie pathogène sous forme végétative qui résiste plus à la haute température que les autres pathogènes de la même forme. A 60°C et pendant 30 minutes, le bacille de Koch est détruit et donc les autres pathogènes aussi à fortiori. C’est pourquoi on réalise la pasteurisation avec les barèmes suivants :
60°C à 65°C pendant 30 min
70°C à 75°C pendant 15 s

Pour protéger le consommateur des intoxications, il est recommandé de maintenir les aliments consommés chauds à une température toujours supérieure à 65°C. Les restaurateurs sont tenus de respecter cette recommandation. Les aliments consommés chauds ne doivent pas être conservés dans la zone de température comprise entre 8°C et 65°C.

C’est une zone interdite pour la conservation des aliments. C’est pour limiter le temps de séjour des aliments dans cette bande de température que l’on recommande la conservation par le froid le plus précocement possible et le refroidissement des produits pasteurisés immédiatement après le traitement et cela rapidement.

Un produit pasteurisé n’est pas un produit stérile. Il peut contenir des spores bactériennes pathogènes ou non et des bactéries sous forme végétative non pathogènes. C’est pourquoi les aliments pasteurisés se conservent obligatoirement à basse température (0°C à 5°C) pour une durée comprise entre 1 et 3 semaines maximum.

Les produits pasteurisés sont des denrées de très bonnes qualités organoleptiques et nutritionnelles. Ce sont des produits à « Date Limite de Consommation ». Lorsque la DLC est dépassée, le produit n’est plus consommable, il est potentiellement toxique et il doit être retiré du circuit commercial et détruit.

Le respect strict de la chaîne du froid pendant toute la durée de conservation des produits pasteurisés fait que ces produits coûtent cher.

Dans un pays chaud comme le Sénégal, se lancer dans la production de produits pasteurisés est périlleux car le froid coûte cher surtout s’il est produit à basse température et dans un environnement chaud. Les entreprises sénégalaises qui se sont lancés dans la production de produits pasteurisés ont pratiquement tous mis la clef sous le paillasson.

Les progrès enregistrés dans la technique de stérilisation des aliments ont permis d’avoir des aliments de qualité quasi identiques à ceux des produits pasteurisés. C’est pour cette raison que la pasteurisation a perdu du terrain face à la stérilisation qui est aujourd’hui la technique la plus utilisée dans la conservation des aliments.

III Stérilisation

La stérilisation est une opération qui vise la destruction de tous les microorganismes présents dans les aliments qu’ils soient sporulés ou sous forme végétative. Les produits stérilisés se conservent à la température ambiante sur une longue période qui se compte en mois ou en années. Ce sont des produits à « Date Limite d’Utilisation Optimum ». La DLUO est une date indicative et non impérative. Lorsque la DLUO est dépassée, le produit n’est plus commercialisable mais il est consommable. Les produits à DLUO dépassés ne sont pas toxiques mais leurs qualités organoleptiques et nutritionnelles ne sont plus garanties par le fabriquant car elles baissent en fonction du temps après la date limite.

La stérilisation des aliments vise la destruction de la spore bactérienne pathogène la plus thermorésistante que l’on peut trouver dans un aliment. La spore de Clostridium botulinum est considérée comme étant la spore à détruire pour obtenir un aliment stérilisé. Les différents barèmes de destruction de C. botulinum montre que la température est toujours supérieure à 100°C. Plusieurs techniques de stérilisation sont utilisées par l’Industrie alimentaire.

Appertisation

La technique consiste à traiter les produits emballés dans des bocaux en verre ou dans des boîtes métalliques en fer blanc et à les traiter dans un appareil spécial appelé autoclave. Les températures de traitement en autoclave sont toujours supérieures à 100°C avec des pressions supérieures à la pression atmosphérique. Les produits traités dans ces appareils sont connus sous le nom de conserves. La méthode est utilisée pour plusieurs types de produits : fruits et légumes, poissons, viande, plats cuisinés, crèmes dessert, produits de salaison,….

Upérisation

La méthode consiste à porter le produit non emballé à une très haute température en un temps très court (135°C à 150°C pendant 2 à 3s). Le produit ainsi traité et refroidi est emballé dans une chambre aseptique à fonctionnement automatique. Les produits obtenus sont appelés produits UHT (Ultra Haute Température). Les emballages utilisés sont en carton et se présentent sous forme de briques. Les produits traités par cette méthode sont essentiellement le lait et les jus de fruits.

Les produits UHT sont de très bonne qualité et ils sont assimilés à des produits pasteurisés.

D’autres méthodes sont utilisées pour la stérilisation des produits emballés (stérilisateurs hydrostatiques) et des produits non emballés (stérilisateurs en plaques) dans les industries alimentaires.

Le traitement thermique des aliments dépend de leur pH. Pour les produits dont le pH est supérieur à 4,5, leur stérilisation nécessite des températures supérieures à 100°C alors que pour les denrées dont le pH est inférieur à 4,5°C, une simple pasteurisation permet de les stériliser. En effet, à pH inférieur à 4,5°C, les bactéries pathogènes et la plupart des bactéries de dégradation ne peuvent pas se développer. C’est pour cette raison de pH que le lait caillé acide n’est jamais cause de toxi infection alimentaire.

Il est toujours bon pour la santé du consommateur de connaître la température d’entreposage ou de traitement des aliments pour apprécier leur danger potentiel à la consommation :
Température inférieure à -18C : produits surgelés sans danger ;
Température comprise entre 0° et -18°C : Produits congelés, peu dangereux ;
Température comprise entre 0°C et 8°C : produits réfrigérés, peu dangereux ;
Température comprise entre 8°C et 65C : produits très dangereux ;
Température comprise entre 65°C et 100°C : produits pasteurisés, peu dangereux ;
Température supérieure à 100°C : produits stérilisés, sans danger.

La sécurité sanitaire des aliments consommés dans les familles ou mis dans le circuit du commerce international doit constituer une priorité de la santé publique pour les états. Des dispositions de contrôle fiable et d’évaluation de la sécurité sanitaire des aliments fondés sur des éléments scientifiques constituent un préalable à la protection des populations contre les maladies d’origine alimentaire. L’efficacité de telles dispositions supposent une responsabilisation des industriels et une sensibilisation des consommateurs pour le respect d’un certain nombre de règles de comportement et de consommation.

Professeur Demba Sow
Ancien Député
Professeur de Génie des Procédés Alimentaires
Ecole Supérieure Polytechnique de l’UCAD