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DIPLOMATIE : Robert Bourgi a organisé la fuite dans la presse sur la mort d’Omar Bongo selon Wikileaks

Rédigé par leral.net le Lundi 6 Décembre 2010 à 22:47 | | 0 commentaire(s)|

Qu’est-ce que la «France-Afrique »? Les diplomates américains s’interrogent sur cette curiosité française. Ils en connaissent parfaitement l’histoire, mais ils cherchent à en comprendre la survivance. L’idée de réseaux parallèles et opaques destines à agir en dehors des canaux officiels ne leur est évidemment pas étrangère. «La nature imprévisible et parfois violente des événements en Afrique peut parfois tenter, voire obliger, les Français à agir de façon moins vertueuse qu’ils ne le voudraient», constate poliment un télégramme de novembre 2009 obtenu par WikiLeaks et révèle par Le Monde. Comme « tous les gouvernements du monde le savent, le moyen le plus efficace (…) pour défendre l’intérêt national n’est pas nécessairement le moyen le plus joli».


DIPLOMATIE : Robert Bourgi a organisé la fuite dans la presse sur la mort d’Omar Bongo selon Wikileaks
Les africanistes de l’ambassade des Etats-Unis à Paris ont aujourd’hui sous les yeux une figure bien vivante de la «Francafrique» en la personne de Robert Bourgi, conseiller occulte de Nicolas Sarkozy. Les Américains constatent en 2009 qu’il intervient, côté français, dans des négociations internationales consécutives à deux coups d’Etat, à Madagascar et en Mauritanie. Ils mesurent en même temps l’hostilité que lui vouent les diplomates «officiels » de l’Elysée, et ils cherchent à comprendre qui est Robert Bourgi. C’est «un mercenaire seulement préoccupé par son bien-être», «un opportuniste», «un lobbyiste indépendant qui tente d’améliorer sa valeur commerciale en grossissant le rôle qu’il prétend jouer au moyen de fuites organisées dans les journaux économiques», leur explique Remi Marechaux, alors l’un des trois conseillers Afrique de Nicolas Sarkozy. «Le premier objectif de Bourgi est de faire sa propre promotion en vue de son enrichissement personnel [et il] ne représente pas le gouvernement français », renchérit Romain Serman, lui aussi en poste à l’Elysee.



M.Marechaux admet cependant que M.Bourgi «fournit de précieux conseils au gouvernement français sur le Sénégal, le Gabon et le Congo-Brazzaville». Pour les diplomates américains, le tableau est clair. Robert Bourgi est «la quintessence de l’acteur de la Françafrique impliqué dans des intrigues n’importe où en Afrique», dont les interventions exaspèrent leurs collègues de l’Elysée, qui les leur rapportent.



Romain Serman révèle ainsi aux Américains que Robert Bourgi «était la source de la fuite dans la presse annonçant la mort de Bongo [ex-président du Gabon] avant que les Gabonais n’aient pris les dispositions pour l’annoncer eux-mêmes. Une fuite qui a mis en colère la famille de Bongo». Romain Serman precise que « Sarkozy était d’autant plus mécontent de cette fuite qu’elle a été attribuée au gouvernement français».


«L’épisode Bongo»

Craignant de s’être aliènè la famille Bongo et ses clients gabonais, Robert Bourgi a recherchè de nouveaux marches, explique encore M. Serman. D’ou, d’après le diplomate, la réapparition de l’homme d’affaires à Madagascar et en Mauritanie.



Dans le dossier malgache, M.Bourgi œuvre directement aux côtés du secrétaire général de l’Elysée, Claude Gueant, en 2009-2010. Ensemble, ils «ont apparemment supplanté les conseillers de l’Elysée Bruno Joubert et Rémi Maréchaux, et peut-être même le conseiller diplomatique Jean-David Levitte», estime un télégramme de juin 2009. S’agissant de la Mauritanie, l’homme d’affaires a organisé en 2009 une rencontre à l’Elysée entre le général putschiste Aziz et Claude Gueant à propos de la question du terrorisme au Sahel. Une rencontre prétendument « privée» que Robert Bourgi s’est employé à rendre publique «pour montrer qu’il restait influent après l’épisode Bongo», indique un télégramme de juin 2009. Le général Aziz, dont le putsch d’aout 2008 avait été condamné par la France, a été élu président peu de temps après cette rencontre, avec la bénédiction de Paris. Et il arrive ainsi aux diplomates américains de rire sous cape. Ecoutant l’une de ces diatribes anti-

Bourgi à la veille d’un voyage de Nicolas Sarkozy au Gabon en février 2010, ils notent : «Nous nous sommes retenus de faire remarquer que, à en croire la presse, Bourgi serait présent dans l’avion de Sarkozy.» Quant aux diplomates hostiles au conseiller de l’ombre, ils ne sont plus en poste à l’Elysée.

Philippe Bernard