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Dimanche 21 Septembre 2025

EXCLUSIVITÉ Leral.net – Cryptomonnaies : nouvelle frontière à haut risque pour le blanchiment d’argent


La CENTIF consacre une section de son rapport 2024 aux actifs virtuels, soulignant leur potentiel dangereux dans les mains de criminels financiers. Bien que les crypto-monnaies (Bitcoin, Ethereum, etc.) n’aient pas cours légal au Sénégal ni dans l’UEMOA, des individus s’y engouffrent en l’absence de cadre réglementaire, ce qui ouvre la voie à des activités illégales.



Un cas illustratif implique deux entrepreneurs sénégalais (surnommés X et Y dans le rapport) qui ont créé des sociétés menant des activités liées à la cryptomonnaie. L’une opérait aussi bien au Sénégal qu’à l’étranger, proposant l’achat/vente de monnaies virtuelles, le transfert de crypto-actifs et du conseil en investissement crypto. L’autre allait encore plus loin en permettant l’échange direct entre bitcoins et francs CFA – concrètement, elle offrait à ses clients la possibilité de vendre des bitcoins et de retirer l’équivalent en FCFA sur un compte bancaire local.

Ces deux sociétés ont ouvert des comptes dans une banque de la place. Très vite, les relevés bancaires ont montré des mouvements inhabituels : des dépôts en espèces jusqu’à 50 millions FCFA d’un coup sur les comptes, et des virements entrants en provenance de plateformes d’échange de crypto-actifs, pouvant aller jusqu’à 70,3 millions FCFA par opération. En un temps réduit, les montants accumulés ont été significatifs.

Officiellement, X et Y affichaient l’ambition de construire un “écosystème” d’actifs virtuels au Sénégal. Mais la CENTIF rappelle fermement que la cryptomonnaie n’a pas de statut légal dans notre juridiction : la BCEAO ne la reconnaît pas comme une monnaie, et toute activité de prestataire de services d’actifs virtuels est interdite sans agrément. En exerçant de telles activités, ces opérateurs ont agi en total illégalité.

Au-delà de l’aspect réglementaire, la CENTIF a décelé à travers ces opérations des indices de blanchiment de capitaux. De gros dépôts en cash sur les comptes suivis de conversion en bitcoins (puis potentiellement renvoyés à l’étranger via la blockchain), ou inversement des crypto-monnaies vendues contre du cash local, sont des schémas connus pour camoufler l’origine de fonds illicites. À l’issue des investigations, la CENTIF a transmis le dossier de X et Y à l’autorité judiciaire pour suite à donner.

Le rapport met en garde : les actifs virtuels offrent de nombreux avantages (rapidité, faible coût, accès alternatif pour les non-bancarisés), mais ils constituent aussi un refuge pour les criminels s’ils ne sont pas régulés. Cyberdélinquants, escrocs et blanchisseurs peuvent en faire un terrain de jeu, profitant de l’anonymat relatif et de l’absence d’autorité centrale. Le Sénégal, à l’instar d’autres pays, est confronté à ce défi : il faudra établir un cadre juridique clair pour intégrer les crypto-monnaies dans la lutte anti-blanchiment, et éviter que ces “monnaies de l’ombre” ne deviennent la nouvelle planque de l’argent sale.

EXCLUSIVITÉ Leral.net

Ousseynou Wade






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