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Dimanche 21 Septembre 2025

EXCLUSIVITÉ Leral.net – Le secteur extractif, pilier économique du Sénégal…: un terrain fertile pour le blanchiment


Le secteur extractif (mines, ressources naturelles) est un pilier économique du Sénégal… et un terrain fertile pour le blanchiment lorsqu’il y règne l’opacité. La CENTIF, dans son rapport 2024, met en garde : les ressources minières génèrent de gros flux financiers qui peuvent être détournés par la fraude fiscale ou la corruption, deux infractions sous-jacentes très fréquentes dans ce secteur.



Un cas concret révélé par la CENTIF concerne deux associés, surnommés ZEN et YEK, qui ont monté une société de prospection et d’exploitation minière (société ZEN). En novembre 2023, cette entreprise ouvre un compte bancaire. Fin décembre, plusieurs millions d’euros y sont virés depuis l’étranger, apparemment un investissement massif ou le paiement d’une transaction minière. Jusque-là, on se dit qu’un investisseur étranger croit au potentiel minier sénégalais.

Cependant, dès janvier 2024, la banque signale des mouvements suspects sur ce compte. En effet, la société ZEN ne garde pas ces fonds pour son activité déclarée : elle effectue des virements importants vers d’autres entreprises… qui appartiennent également à ZEN (la personne). Autrement dit, l’argent circule entre différentes entités toutes liées au même bénéficiaire, ce qui intrigue les analystes. En parallèle, YEK (l’associé) ouvre un compte personnel début janvier. Ce compte reçoit aussitôt un gros virement de la société ZEN, puis multiplie les transactions sortantes vers d’autres bénéficiaires, dont YEK lui-même, une autre personne physique et une société tierce. On a là un éparpillement de fonds sur plusieurs comptes.

Ces opérations ont immédiatement fait tiquer la CENTIF. D’une part, elle a émis une opposition (suspension) sur certains paiements le temps d’enquêter, afin d’éviter que l’argent ne disparaisse. D’autre part, elle a analysé en détail les flux : il est apparu qu’il y avait des tentatives de fragmentation des montants (smurfing) à travers divers comptes, ce qui complique la traçabilité. De plus, les liens entre toutes ces parties (société ZEN, comptes de ZEN, comptes de YEK, autres sociétés liées) renforcent la suspicion d’un plan orchestré pour faire sortir l’argent du circuit initial.

Au terme des investigations, la CENTIF a mis en évidence des indices graves de blanchiment de capitaux dans cette affaire. Concrètement, de gros transferts de fonds ont été jugés injustifiés par rapport à l’activité minière annoncée, et certaines pratiques observées s’apparentent clairement à de la corruption (par exemple, l’argent qui revient dans les poches des dirigeants, potentiellement comme des pots-de-vin ou détournements). Ces éléments ont conduit la CENTIF à transmettre un rapport au Procureur, afin que la justice prenne le relais.

Ce cas illustre les risques spécifiques du secteur extractif : l’arrivée de fonds internationaux, le recours à des sociétés écrans, la porosité entre comptes professionnels et personnels des opérateurs… Autant de failles que les blanchisseurs peuvent exploiter, d’autant plus que les mines brassent d’énormes capitaux. La CENTIF appelle donc à la transparence dans ce secteur : adhésion aux normes de l’ITIE (Initiative pour la transparence dans les industries extractives), surveillance des investissements entrants, vérification des bénéficiaires effectifs des sociétés minières. C’est crucial pour que les richesses du sous-sol profitent à l’économie nationale et ne servent pas à couvrir des pratiques illicites.

EXCLUSIVITÉ Leral.net
Ousseynou Wade






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