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Ecovision : Qui parle de dévaluation ?

L’information économique a quelquefois du mal à passer. La baisse d’un demi point des taux directeurs de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest, effective depuis hier, a été interprétée dans certains milieux comme l’amorce d’une nouvelle dévaluation du franc Cfa. En réaction, ces jours derniers, les cambistes de la rue ont substantiellement relevé le « cours » du dollar et les euros étaient difficilement trouvables.


Rédigé par leral.net le Mardi 16 Juin 2009 à 14:05 | | 0 commentaire(s)|

Ecovision : Qui parle de dévaluation ?
Ces attitudes sont bien évidemment aux antipodes de la réalité. Il est vrai que dans la Zone franc, comme dans le reste du monde, la conjoncture est des plus détestables, en raison de la crise financière et de la récession incidente qui étouffe la planète. Mais, bien que rudement affectée, l’économie de la région se maintient globalement sur le cap de la croissance, même si c’est à un taux plus bas qu’antérieurement projeté. On le situait à 4,7% en 2009. Selon les estimations de la Bceao, il ne devrait pas dépasser 3,5% à la fin de l’année.

C’est tout de même un niveau acceptable, le signe d’une vitalité relative, à la différence de ce qui se passe dans nombre de pays plus rudement affectés par la crise et où les taux de croissance sont négatifs. Dans l’Union économique et monétaire, on peut considérer que les fondamentaux économiques restent solide, et qu’il n’y a point lieu d’envisager une nouvelle dévaluation du franc Cfa.

A quoi servirait-elle d’ailleurs ? La dépréciation de la monnaie unique de l’Union renchérirait ses importations au moment où les cours du pétrole sont en train de reprendre du poil de la bête. Elle ne stimulerait aucunement ses exportations, dans la mesure où la diminution des revenus qu’elles induisent découle moins de leur manque de compétitivité sur les marchés extérieurs que du tassement de la demande dans les pays développés importateurs du fait de la récession mondiale. Et c’est sans doute pourquoi l’ajustement monétaire n’est, dans aucun des pays en prisons à la crise actuelle, mis en avant comme thérapie de sortie de crise. L’on privilégie plutôt l’assainissement des systèmes financiers gangrenés par les actifs pourris et la spéculation abusive, le renflouement des banques, la relance du crédit et des investissements pour la remise à flot de l’économie réelle, des activités et de la consommation.

L’Union économique et monétaire ouest-africaine s’inscrit dans cette dynamique générale. Son système financier n’a, certes, pas trop souffert de la crise en étant en marge des turbulences mondiales, mais également et surtout parce qu’il est resté à cheval sur les règles de rigueur et de prudence qui le gouvernent depuis son assainissement en profondeur, il y a une vingtaine d’années. Par contre, les dégâts collatéraux de la crise financière et de la récession sont notables sur l’économie de la sous-région dont les perspectives de croissance se sont dégradées, comme en attestent les projections de la Banque centrale. La réduction de ses taux directeurs, à l’instar de presque toutes les banques centrales du monde, fait partie des instruments censés contribuer à la relance des investissements, de la production et de la consommation.

Les taux directeurs (taux d’escompte et taux de pension) se rapportent à l’intérêt que les banques, qui se refinancent à court terme auprès de la Banque centrale, doivent payer pour leurs emprunts. Elle les utilise pour réguler le financement de l’économie, en les haussant pour limiter l’expansion du crédit par son renchérissement, ou les baissant, comme dans la situation actuelle, pour rendre le loyer de l’argent moins cher. La réduction des taux directeurs de la Banque centrale s’articule à la baisse des coefficients des réserves obligatoires applicables aux banques du Bénin, du Mali, du Niger et du Sénégal et participe également de l’impératif de développer la capacité de distribution de crédit des banques primaires et de les pousser à contribuer davantage au financement des ménages et des entreprises, à la stimulation de la croissance.

Seulement, les banques ne vont pas nécessairement réagir au quart de tour à la baisse des taux directeurs de la Banque centrale. Cela peut mettre du temps. Et le problème est de savoir dans quelle mesure elles vont répercuter toutes ces facilités à leurs clients, en termes de taux d’intérêt et de volumes de crédit. Elles font depuis quelques années de notables efforts pour relever le taux de bancarisation de l’Union et répondre aux sollicitations des agents économiques. Mais les crédits accordés, dans la majeure partie des cas sur des ressources courtes pas toujours adaptées aux besoins de financement des entreprises qui se situent sur le moyen et long termes. Ensuite, une trop porte expansion du crédit, qui risque de l’être à la consommation principalement, pourrait être source de tensions inflationnistes. Sauf que, dans nos économies, les réactions ne s’enchaînent pas automatiquement...


PAR Amadou FALL
Source Le Soleil

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