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Jeudi 28 Octobre 2021

[Enquête] Droit à un avocat à l’étape de l’interpellation: Ces écueils dans l’application d’une mesure salutaire




[Enquête] Droit à un avocat à l’étape de l’interpellation: Ces écueils dans l’application d’une mesure salutaire

Soucieux de renforcer les droits de la défense, le législateur sénégalais a introduit dans le dispositif du Code de procédure pénale le règlement n°5/Cm/Uemoa instituant le droit à un conseil dès l’interpellation. Depuis son entrée en vigueur, en 2016, la mesure a connu des succès, même si sa mise en œuvre est parfois confrontée à quelques écueils.

Des procédures judiciaires ont été annulées à cause de l’absence de notification au suspect de son droit d’être assisté par un avocat lors de sa garde à vue. L’avènement du règlement n° 5/Cm/Uemoa du 25 septembre 2014, relatif à l’harmonisation de la profession d’avocat dans l’espace Uemoa, vise à éviter des « errements » dans une procédure judiciaire. Auparavant, la défense ne pouvait assister son client à l’enquête que lorsque sa garde à vue avait été renouvelée. À l’issue des premières 48 heures de garde à vue, rappelle Me Ibrahima Mbengue, avocat à la Cour, le suspect pouvait s’entretenir avec son conseil pendant une trentaine de minutes. Depuis 2016, avec l’entrée en vigueur de la loi la n°2016-30 du 8 novembre 2016 portant modification du Code de procédure pénale, les données ont changé. L’article 55 (nouveau) prévoit, en son alinéa 9, que « l’Officier de police judiciaire informe la personne interpellée de son droit de constituer un conseil parmi les avocats inscrits au tableau ou admis en stage ».

C’est pourquoi, quand cette disposition n’est pas respectée, les avocats ne ratent aucune occasion pour exploiter cela et soulever des exceptions pour faire annuler la procédure. Lors du procès de Khalifa Ababacar Sall dans l’affaire de la caisse d’avance de la Ville de Dakar, ses avocats avaient soulevé la nullité de la procédure sur la base du non-respect des droits de la défense. Me Elhadji Diouf, de la défense, avait voulu assister l’ex-premier magistrat de Dakar, mais on lui avait opposé un refus catégorique. Dans son arrêt rendu le 30 août 2018, la Cour d’appel de Dakar a annulé les procès-verbaux d’enquête préliminaire de la Police tout en rejetant la demande de nullité de la procédure, confirmant ainsi les peines en partie et tout le jugement rendu en première instance contre Khalifa Ababacar Sall et compagnie.

Pour Me Ousseynou Gaye, le juge devrait allait au bout de sa logique consistant à annuler toute la procédure. Cet avocat de l’ancien Maire de Dakar s’était violemment pris à ses collègues de la partie civile qui plaidaient contre le règlement 5 de l’Uemoa. Tout a commencé, d’après lui, avec le juge Malick Lamotte, Président du Tribunal de grande instance de Thiès. Celui-ci avait annulé bon nombre de procédures judiciaires.

Garantir les droits de la défense

Il en est de même de l’affaire du défunt chanteur Thione Seck, lead vocal du Ram Daan, sur l’affaire des faux-billets. Constatant que la procédure n’a pas respecté ce dispositif d’ordre public, le juge du Tribunal correctionnel de Dakar avait déclaré « nulle et de nullité absolue » la procédure intentée contre le chanteur et Ablaye Djité, ainsi que les actes subséquents. Le Tribunal estime que dans le procès-verbal (Pv) d’enquête préliminaire, il n’est pas mentionné l’obligation faite aux enquêteurs de notifier aux mis en cause leur droit de se faire assister d’un avocat. « C’est une formalité substantielle », a rappelé le juge dans ses motivations.

En brandissant le règlement n° 5 de l’Uemoa, il renvoie le ministère public à mieux se pouvoir. Le lead vocal du Ram Daan, arrêté le 27 mai 2015, a été renvoyé des fins de la poursuite le jeudi 23 mai 2019. Me Baba Diop a fait annuler une procédure contre son client lors de la session de la Chambre criminelle tenue en mi-mai 2021. Il avait soulevé une exception relative au non-respect du règlement 5 de l’Uemoa sur la garde à vue. Par conséquent, le juge a, sans état d’âme, annulé toute la procédure. Courant mai 2021, son collègue Amadou Diallo a vainement tenté, devant le Tribunal des flagrants délits de Dakar, de faire annuler une procédure contre son client. Il accuse les agents enquêteurs de n’avoir pas notifié à celui-ci son droit de constituer un conseil. Mais, l’exception a été rejetée.

 

Souleymane Diam SY

Une victoire des avocats, mais encore des efforts à faire

Entrée en vigueur depuis 2016, le règlement n° 5/Cm/Uemoa instituant le droit à un conseil dès l’interpellation est très bien apprécié des praticiens du droit, notamment les avocats au barreau de Dakar. Ces derniers estiment qu’il s’agit « d’une victoire au profit des justiciables ».

Si le règlement n° 5/Cm/Uemoa instituant le droit à un conseil dès l’interpellation est entré en vigueur depuis 2016, il faut reconnaître que son application connaît parfois des difficultés. Me Baba Diop l’explique par le fait qu’au début de sa mise en œuvre, « les agents enquêteurs et Officiers de police judiciaire n’y étaient pas habitués ». « Aussi, certains enquêteurs pensaient que la présence des avocats gênerait leurs enquêtes », affirme l’avocat. À l’en croire, il a fallu que le Ministre de l’Intérieur prenne un arrêté pour rappeler aux agents le respect strict de cette disposition de l’Uemoa.  « C’est à partir de ce moment qu’ils ont commencé à coopérer », se félicite le conseil. Les agents enquêteurs ont bien compris la portée de ce dispositif, estime Me Ibrahima Mbengue, même si, regrette-t-il, « certains ne le respectent pas parfois ». « Ils doivent tous comprendre que la loi reste la loi. Ils ont l’obligation d’appliquer cette directive de l’Uemoa parce que c’est au nom de la loi qu’on règlemente les mesures de garde à vue », indique-t-il.

Sa conviction est que cette mesure constitue une « avancée majeure » dans le dispositif juridique de notre pays, car, confie-t-il, il s’agit « d’un respect des droits de l’Homme, des droits de la défense ». Me Ousseynou Gaye, avocat à la Cour, abonde dans le même sens, soutenant que le droit à un conseil à l’interpellation d’un suspect est « un acquis, une victoire des avocats au profit des justiciables ».  D’après Me Baba Diop, « on devait aller au-delà parce que la présence de l’avocat à l’enquête préliminaire rend beaucoup plus crédible le procès-verbal ». D’ailleurs, l’enquête préliminaire ne sert qu’à titre de renseignement, selon le Code de procédure pénale, rappelle l’avocat. La présence de l’avocat, dit-il, peut « éviter certaines dérives au cours de l’enquête, notamment des cas de torture et des exactions commises contre les gardés à vue qu’on force à reconnaître les faits ». C’est tant mieux pour la justice, car le juge pourra mieux apprécier les faits. Me Amadou Diallo apprécie la « franche collaboration » entre les Officiers de police judiciaire et les avocats. À l’image de ses confrères, il précise que ce règlement permet « d’éviter certaines contraintes ou violences policières » lors de la garde à vue. Me Diallo rappelle que, très souvent, lorsque quelqu’un est convoqué par les officiers enquêteurs, il ignore le motif. Ainsi, il ne pourra pas préparer sa défense. Au-delà de l’assistance par un avocat, le respect des délais de la garde à vue n’est pas effectif, à la décharge des enquêteurs qui sont confrontés à des problèmes logistiques.

Tata SANÉ

L’embûche des honoraires à payer

 

L’application du règlement n° 5 de l’Uemoa est désormais automatique chez les Officiers de police judiciaire (Opj). La principale difficulté à laquelle ils sont confrontés réside dans ce qu’ils considèrent comme un « deux poids deux mesures », selon que le gardé à vue a les moyens de payer les honoraires des avocats ou non.

 

Le règlement n° 5 de l’Uemoa est une disposition communautaire transposée dans le droit positif sénégalais avec l’article 55 du Code de procédure pénale (Cpp). La philosophie qui le sous-tend est de mettre fin aux abus lors de la garde à vue, plusieurs cas de tortures et de sévices ayant été dénoncés à cette étape de la procédure. Le décor campé, un Commissaire divisionnaire précise que le droit de constituer un conseil doit être notifié à la personne concernée dès son interpellation, avant qu’elle ne dise un mot sur ce qui lui est reproché. Si le suspect fait savoir qu’il n’a pas besoin d’avocat, l’enquêteur le note dans le procès-verbal et commence l’audition. S’il veut un conseil, l’Officier de police judiciaire (Opj), qui est le gendarme ou le policier chargé de l’enquête, doit lui faciliter le respect de ce droit constitutionnel et l’aider à prendre contact avec son avocat. Au cas où ce dernier se trouve à Kaolack, par exemple, alors que son client a été arrêté à Dakar, l’enquêteur est tenu de lui donner un délai raisonnable, s’il le souhaite, pour permettre à son conseil de le rejoindre. « Ce n’est pas une faveur, c’est un droit. Les droits de la défense étant sacrés, l’Opj qui ne respecte pas cette disposition peut se retrouver devant la chambre d’accusation et risque un blâme ou une suspension de sa qualité d’Opj », précise le Commissaire divisionnaire. Cependant, précise notre interlocuteur, l’avocat n’intervient pas dans l’audition, il ne fait qu’assister son client.

Commandant de brigade avec une vingtaine d’années d’expérience dans la Gendarmerie, notre second interlocuteur dit d’entrée que ses procédures n’ont jamais été frappées de nullité pour non-respect du règlement n° 5 de l’Uemoa. Dès le début de la mise en vigueur de ce règlement, une circulaire du Garde des Sceaux a été envoyée à tous les Tribunaux, Brigades de gendarmerie, Commissariats et Postes de police. Alors que désormais l’avocat peut être présent dès la première minute de garde à vue, notre source signale qu’auparavant, c’était seulement en matière de prolongation de garde à vue que c’était prévu. L’Opj faisait une demande de prolongation auprès du Procureur. Si elle est accordée, l’enquêteur permettait à l’avocat de s’entretenir pendant trente minutes avec son client dans l’enceinte de la Brigade de gendarmerie ou du Commissariat.

Le problème dans l’application du règlement n° 5, selon l’Opj, est qu’en général, « les avocats n’assistent pas un suspect s’il ne dispose pas de moyens financiers ». Pour que les droits de la défense soient respectés, l’État a mis en place un fond qui permet à un justiciable sénégalais qui n’a pas les moyens de se faire assister par un conseil, d’en avoir un s’il le désire. Dans ce cas, les honoraires de l’avocat seront aux charges du contribuable. Une autre difficulté liée à l’application dudit règlement est que si une personne est, par exemple, interpellée à Fongolembi et que son conseil se trouve à Dakar, l’avocat ne se donnera pas la peine de faire le déplacement, « à moins qu’il s’agisse d’une affaire de gros sous ou d’un richissime client », se désole  le Commandant de brigade.

Hadja Diaw GAYE

 

Étendre l’assistance judiciaire à la garde à vue

La mise en œuvre du règlement n° 5 reste assujettie aux « moyens financiers » des justiciables, constate Me Amadou Diallo, avocat à la Cour. Malheureusement, certains justiciables n’ont pas de moyens pour constituer un avocat, même si les agents enquêteurs leur notifient ce droit. C’est pour cette raison que Me Diallo préconise l’extension du budget de l’assistance judiciaire à la garde à vue. Cela encouragerait les avocats à s’installer dans les régions, pense-t-il. S. Diam SY

 

Une disposition souvent méconnue à Dakar…

Le règlement n°5 de l’Uemoa instituant la possibilité pour le justiciable de commettre un avocat dès la garde à vue est méconnu du grand public. Si beaucoup d’usagers de la justice ignorent son existence, d’autres émettent des réserves sur sa mise en œuvre.

À la question de savoir si elle connaissait le règlement n° 5 de l’Uemoa, Amy Bâ répond par la négative. Lorsque l’explication lui est faite, la réponse de l’étudiante en Sciences politiques est sans appel. « Cela existe-t-il réellement au Sénégal ? Pour moi, c’est uniquement dans les films », rétorque la jeune fille trouvée près de l’entrée de la cave du Palais de justice Lat Dior. Tamsir Dramé est convaincu que seuls les intellectuels sont au courant de cette disposition légale. « Si ce règlement existe, ceux qui ont fait les bancs le connaissent », tranche l’homme assis sur un morceau de brique. Pis, il considère que cette loi est appliquée aux riches uniquement. Un avis que partage un vieux debout derrière un groupe de jeunes qui dissertent sur les méthodes d’infiltration des policiers. Et c’est l’air stupéfait qu’ils ont répondu à la question. « Nous ignorons son existence et nous ne pouvons pas certifier si ce droit lui (leur proche déféré) a été notifié, car les policiers ne nous avaient même pas donné l’occasion de nous approcher de lui », ont répondu en chœur les jeunes. Le vieux qui attendait la libération de son fils fraîchement relaxé après jugement de renchérir : « Je doute fort qu’on lui ait proposé un avocat, car c’est ici au Tribunal que nous lui avons trouvé un conseil ». Sachet contenant un sandwich, de l’eau et de la boisson à la main, Awa Diop qui s’est débarrassée de sa perruque accrochée au dossier de sa chaise n’est pas mieux informée que nos autres interlocuteurs. La jeune fille aux cheveux coupés ignore tout de l’assistance de l’avocat pendant l’interpellation. « J’ignore ce dont vous me parlez », rétorque-t-elle, l’air absent. Tout le contraire de Moustapha Cissé, arrêté il y a quelques mois dans une affaire l’opposant à l’entreprise où il travaillait. Toutefois, le banquier, se fondant sur son propre cas, est préoccupé par la manière dont la loi est appliquée. « Avant mon interpellation, j’étais au courant du règlement. Mais, ce qui m’a étonné, c’est au moment de mon placement en garde à vue que le policier m’a notifié le droit de me faire assister par un avocat alors qu’il m’avait auditionné pendant deux jours », confie-t-il. Il reste persuadé que la notification ne lui aurait pas été faite n’eût été son statut. Ce que confirment des avocats. Ils confient que même s’il y a des avancées par rapport à l’application, la manière pose parfois problème puisque la loi précise que cette disposition doit intervenir dès l’interpellation et non après audition.

Fatou SY

 

À Bignona, l’avocat, un luxe

L’avocat constitue un luxe dans les départements voire dans certaines régions du pays. Bignona n’échappe pas à cette réalité.

En plus de l’absence d’avocat permanent dans le département de Bignona, les populations ignorent le règlement n° 5 de l’Uemoa. À l’intérieur de la Brigade de gendarmerie, certains sont assis à même le sol faute de siège. Ici, jeunes garçons et filles attendent chacun son tour pour être entendu par le chef de brigade.  Normalement, les après-midis, il y a moins d’affluence dans les locaux de cette institution, la seule en charge de la Police dans cette commune.

Mais, depuis la découverte d’un corps, lundi 24 mai, à l’hôtel de Badiouré, village situé dans la commune de Bignona, les hommes en bleu œuvrent sans relâche pour déceler les mobiles de cette mort que d’aucuns estiment « suspecte ». Dans la capitale du « Fogny », les pandores ne sont pas les seuls dans la quête de la vérité. Des élèves de l’établissement où étudiait la victime ont exprimé leur volonté de voir l’enquête aboutir à l’arrestation des auteurs. Idem pour les parents des personnes « suspectées ».

« Nous sommes pressés que la vérité éclate, car je n’ai pas bien dormi à cause de cette affaire », se plaint Maboury Seck, boucher à l’abattoir de Bignona. Son frère, âgé de 19 ans, est parmi les individus convoqués dans cette affaire. Suffisant pour lui poser la question de savoir si le mis en cause a commis un conseil. « Je ne saurais répondre par l’affirmative. Ce dont je suis sûr, c’est que la famille ne dispose pas d’assez de moyens financiers pour commettre un avocat », confie M. Seck qui dit ignorer le règlement n° 5 de l’Uemoa.

« L’État ne peut affecter d’office un avocat à l’individu en conflit avec la loi que dans le cadre d’un crime », explique une autorité judiciaire qui réclame l’anonymat. Pour les gardés en vue pour des délits, la plupart du temps, « ils déclinent, faute de moyens pour payer les services d’un conseil ». Loin d’être le cas de Moussa et Thierno Bâ, détenteurs d’un service de transfert d’argent. En 2019, Thierno, le jeune frère, a été arrêté suite à une plainte d’une cliente. Cette dernière a été arnaquée juste après l’envoi de 60 000 FCfa à partir de la boutique des frères Bâ. « Elle nous a accusés d’avoir abusé de sa confiance », se souvient Moussa, or « c’est elle qui a transmis son code d’envoi à un inconnu et ce dernier a retiré son argent ».

Entendu par la Gendarmerie, Thierno a été déféré. Le jour du procès, il dit se croire dans une autre affaire. « Ce que j’ai dit et ce qui m’a été lu par le gendarme ne colle même pas avec ce que me disait le juge ; le procès-verbal a été modifié du début à la fin », renseigne-t-il. Le procès-verbal de la Gendarmerie étant la base de la poursuite, Thierno Bâ n’avait pas d’avocat lors de son audition. « Le chef de la brigade qui m’entendait ne m’a pas demandé si j’avais besoin d’un avocat et moi, j’ignorais qu’il me fallait un conseil à cette phase de la procédure », souligne-t-il. Si Thierno a réussi à s’en sortir avec une relaxe, c’est grâce au reçu d’envoi qui avait été brandi le jour de son procès. Une pièce à conviction qui a prouvé son innocence. Aujourd’hui, nombreux sont ceux du département de Bignona qui répondent aux questions des enquêteurs sans avocat. Un vice de procédure dans le cadre de la violation du droit du prévenu que les avocats évitent d’évoquer au cours des procès. « Car il est arrivé plusieurs fois que la personne soit libérée suite à l’évocation du règlement n° 5 de l’Uemoa relatif à l’harmonisation de la profession d’avocat et que le Procureur demande à ce qu’elle soit arrêtée juste à sa sortie de prison. Et dans ce cas, la procédure reprend à nouveau », raconte l’autorité de la justice. « Vous imaginez si ce dernier a passé cinq ans derrière les barreaux », demande-t-il.

Jonas Souloubany BASSЀNE (Correspondant)

 

À Diourbel, le mur des réalités locales

Le Commandant de corps urbain du Commissariat de police de Diourbel assure que le règlement n° 5 est bel et bien appliqué dans la région. Une déclaration confirmée par des avocats.

 

Diourbel- L’application du droit à un avocat dès l’interpellation est respectée à Diourbel. Cependant, celui-ci se heurte aux réalités locales. Selon le Commandant de corps urbain du Commissariat de police de Diourbel, le Lieutenant Ousmane Diop, la notification de cette disposition aux personnes interpellées par ses éléments est une obligation auquel il veille. Avant l’interrogatoire, la personne interpellée à 30 minutes pour désigner un avocat qui va l’assister.

Ces propos du Commandant de corps urbain de Diourbel sont confirmés par Mes Assane Dioma Ndiaye et Serigne Diongue, tous détenteurs d’un cabinet d’avocat dans ladite ville. « À Touba et à Diourbel, les Commissaires m’appellent souvent quand ils se retrouvent devant un interpellé qui souhaite mon assistance », témoigne Me Ndiaye, également Président de la Ligue sénégalaise des droits de l’Homme. Il en est de même pour Me Diongue.

Cependant, les deux avocats estiment que l’application de cette loi pose problème non pas parce que les Officiers de police judicaire ne le notifient pas, mais à cause des réalités locales. Dans une localité où il n’y a presque pas d’avocat, son application n’est pas aisée. À cela s’ajoute le fait que la plupart des justiciables n’ont souvent pas les moyens de déplacer un avocat. Mais, dans tous les cas, l’Officier de police judiciaire a l’obligation de notifier le droit à un avocat. D’ailleurs, l’officier est tenu d’appeler l’avocat et de permettre « au mis en cause » de s’entretenir avec lui pendant trente minutes. L’avocat peut donner des consignes à la personne sans être là. De son côté, Me Serigne Diongue argue que la loi porte en elle-même ses limites. Selon lui, au même titre qu’en matière criminelle, l’exigence d’avoir un avocat à ses côtés dès l’interpellation devrait être standardisée par une obligation faite à l’Officier de police judiciaire de trouver et de proposer un avocat. Me Diongue demeure convaincu que la majorité des personnes interpellées ne connaissent ni ne détiennent le numéro d’un avocat. Petit à petit, estime-t-il, ce droit de la défense sera conforté par une meilleure représentation des avocats sur l’ensemble du territoire national. Et des avocats disponibles partout, c’est un combat en cours.

Diène NGOM (Correspondant)

                                                                                                              

Le seul avocat établi à Louga peu sollicité

 

 

Louga- Si le droit de se faire assister par un avocat dès l’interpellation d’un justiciable est appliqué dans toute sa rigueur au Commissariat de Police de Louga, rares sont les personnes interpellées qui jouissent de ce privilège. Le Commissaire Mamadou Lamarana Diallo, du Commissariat central de Louga, révèle que les enquêteurs notifient systématiquement à toutes les personnes interpellées ce droit. Mais souvent, constate-t-il, les suspects évoquent des problèmes de moyens pour les honoraires d’avocat.

Me Sidy Seck est le seul avocat à disposer d’un cabinet à Louga. « Il arrive très rarement que des personnes interpellées sollicitent mon assistance sous le régime de la garde à vue ». « Les rares fois que j’ai eu l’occasion d’être saisi, je suis allé répondre, mais je dois dire que je suis très rarement commis à cette étape des procédures », précise-t-il.

Cette situation s’explique par des difficultés financières mais aussi l’ignorance. « J’ai été interpellé à deux reprises pour des conflits et placé en garde à vue. Effectivement, à chaque fois, l’officier en charge de l’enquête m’a informé de mon droit d’être assisté par un avocat, mais j’ai décliné parce que je n’avais pas les moyens de payer les numéraires », témoigne A. Guèye. « C’était la première fois que j’ai su que cette disposition de la loi existe. Et si je le savais bien avant mon arrestation, j’allais me débrouiller pour me faire assister », ajoute-t-il. M. Diallo, courtier qui a été arrêté en décembre dernier pour un litige foncier, nageait aussi dans l’ignorance.

Khalif Aboubacar WÉLÉ (Correspondant) Le SOLEIL

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