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Envoi de militaires en Arabie Saoudite : Le Sénégal négocie-t-il sa stabilité?

Depuis quelques temps l’envoi de troupes militaires en Arabie Saoudite est agité. Des experts aux simples profanes, chacun y va de son commentaire. Certes, il faut reconnaître que si en matière de diplomatie il n’est pas permis de tout étaler sur la place publique, force est de reconnaître que le point de vue du citoyen peut contribuer à mieux orienter dans le bon sens les décisions de l’État. Cependant le mien a un autre sens, celui de convaincre les citoyens sur le caractère légitime de la décision de l’État du Sénégal à travers son Président Macky Sall, d’envoyer des troupes en Arabie Saoudite.


Rédigé par leral.net le Jeudi 21 Mai 2015 à 12:47 | | 0 commentaire(s)|

Envoi de militaires en Arabie Saoudite : Le Sénégal négocie-t-il sa stabilité?
Le Sénégal a toujours baigné dans le soufisme. Le rite malikite qui en est l’incarnation est quasi-présent dans toutes les confréries religieuses. Le soufisme, à côté des pratiques obligatoires de la religion, autorise d’autres pratiques cultuelles dont la finalité est la quête du rapprochement avec Dieu. Cette symbiose avec le Créateur se manifeste à travers l’allégeance à un guide spirituel appelé « Cheikh », la pratique du zikr, des chants poétiques magnifiant la grandeur du prophète Mouhamed (PSL).

À cela s’ajoute la célébration de la naissance du prophète (PSL), le ziar (visite à un Cheikh et même après sa mort) pour maintenir « un cordon spirituel » gage de l’accession à la source divine.

Pourtant d’autres doctrines ont une autre vision de la pratique islamique et considère le soufisme comme une forme d’associationnisme qui s’éloigne des recommandations de la sunna du prophète Mouhamed (PSL). Le Wahabisme /salafisme né en Arabie Saoudite au 18ème siècle fait partie des doctrines les plus radicales contre la pratique du soufisme.

Selon le journal Al Watane du 17 avril 2017, la Wahabisme est décrit comme « un mouvement politico-religieux qui allie rigorisme, puritanisme, et vise à (ré) instaurer le califat. Le wahhabisme désigne la doctrine du salafisme, une « forme rigoriste de l’islam sunnite, telle qu’enseignée par le théologien Mohamed ibn Abd al-Wahhab (1703-1792) ». Le wahhabisme revendique un Islam authentique, débarrassé de la « gangue idolâtre » et « moderniste », les bidâ.

Cette « hérésie » est faite d’un ensemble de « commandements négatifs », des interdictions qui se basent sur le Coran et la Sunna, interprétés à la lumière de la pratique des « premiers musulmans », et rejetant les avis théologiques ultérieurs entrant en contradiction avec ces sources.

A titre d’indication, la pratique wahhabite de l’islam interdit d’adorer les « intermédiaires » (ange, prophète ou saint) ; d’invoquer dans ses prières d’autres noms que ceux de Allah ; l’interdiction du tabac, de l’alcool, les décorations de mosquées, etc ».

Aujourd’hui le wahabisme, légitimé et propulsé par le régime saoudien, a des origines violentes d’après Irfan Habib de l’Université de New Délhi. Ainsi de plus en plus de thèses soutiennent que l’Arabie saoudite semble être la source de financement du terrorisme dans le monde, dans sa quête de rétablir ce qu’il qualifie d’Islam originel.

D’autres considèrent que les guerres à connotation islamique sont celles du wahhabisme saoudien contre le soufisme et ses pratiques.

Cette thèse semble conserver toute sa vérité lorsque de Tombouctou au Mali à la Lybie et partout dans le monde les salafistes/wahhhabites détruisent les tombeaux des saints hommes de l’Islam, imposent la charia et interdisent toutes pratiques contraires à leur doctrine. Des destructions qui ont également touché des livres et manuscrits que les wahhabites considèrent comme contraire à leur doctrine.

D’après Jean-Yves Moisseron de la revue Maghreb-Machrek, « les oppositions doctrinales entre islam soufi et wahhabisme, ont porté sur des questions décisives : unicité de Dieu, intercession, validité des actes d’adoration ou de dévotion, légitimité des écoles juridiques traditionnelles. Par exemple, tous les musulmans considèrent que Dieu est unique mais si les soufis insistent sur les attributs ou les manifestations de Dieu, les wahhabites interprètent cette unicité dans un sens exclusif et littéraliste ».

Pourtant, ne serait-ce que pour le Tidjanisme que nous pratiquons, Cheikh Ibrahim Niass a toujours défendu auprès des saoudiens les fondements coraniques de cette voie soufi et son ancrage dans la sunna du prophète de l’Islam (PSL).

Le wird qui lui donne tout son sens est composé de la tryptique « Astakhfiroulah », « Laah Ilaaha Ila Laa » et « Salaatoul Fatiha »:

1-Le Istikhfaar ou demande de pardon : « Sache donc qu’en vérité il n’y a de divinité que Dieu et implore pour ton péché, ainsi que pour les croyants et les croyantes. Allah connait vos activités ». (Mouhamad Sourate 47, verset 19)

2-La prière sur le prophète (PSL) : « Oh vous qui croyez, priez sur lui et adressez lui vos salutations » (sourate 33, verset 56)

3-La récitation de l’Unicité de Dieu : « Oh vous qui croyez! Invoquez Allah d’une façon abondante » (Sourate 33, verset 41).

S’il l’Arabie saoudite le comprend ainsi, le wahabisme ne constitue aucunement une menace pour le tidjanisme.
Mais nous constatons aujourd’hui que tout acte contraire à cette forme « d’impérialisme religieuse » du wahhabisme est réprimé avec les manières les plus sanglantes.

Néanmoins pour perpétuer la paix et la stabilité dans notre cher pays, il est tout à fait légitime d’appliquer une diplomatie préventive.C’est ce que l’État du Sénégal semble négocier en proposant une cohabitation pacifique entre wahhabisme et soufisme.

Si le Sénégal décide d’envoyant des troupes au côté de l’Arabie Saoudite, c’est peut-être parcequ’il a pris conscience du caractère séculaire et stable de nos pratiques islamiques dominées par le soufisme et dont les confréries religieuses en sont les incarnations. Avec les moyens de déstabilisation dont dispose l’Arabie saoudite, la meilleure stratégie qui vaille est de faire perdurer la cohabitation pacifique Wahhabisme-soufisme au Sénégal, car notre pays, comme le souligne le professeur Khadim Mbacké « est réputé être un pays de tolérance. Différentes conceptions des pratiques religieuses y ont toujours cohabité sans heurts.

Les liens de parenté qui unissent les croyants ont constitué à travers l'histoire de puissants ressorts qui ont amorti les secousses les plus violentes que nous avons connues, et les tentatives de déstabilisation les plus pernicieuses ».Ce sont ses mêmes liens de parenté fondements de notre nation qui doivent transcender les divergences cultuelles (wahhabisme-soufisme) et laisser chaque citoyen faire son choix en toute démocratie. Ce système semble toujours bien fonctionner à cause de la cohabitation pacifique depuis des années entre soufistes et wahhabites. Mais lorsque le wahabisme s’habille du manteau du terrorisme, la pratique diplomatique doit s’y adapter. C’est que semble bien comprendre le Sénégal.

En envoyant des troupes en Arabie Saoudite, le Sénégal semble négocier une pérennisation de cette coexistence pacifique et mettre à l’abri des menaces terroristes. Le Maroc, un des pays où l’Islam soufi est dominant, semble adopter la même stratégie en envoyant des soldats.

Si rien ne vaut la paix et la stabilité du pays, le président Macky Sall a pris la bonne décision. Une décision bien saluée par les confréries religieuses d’obédience soufi qui y trouvent leur compte.

Par ailleurs ça vaut le coup dans un contexte de Plan Sénégal émergent ou la paix est l’un des baromètres les plus déterminants sur lesquels les bailleurs de fonds comptent pour financer le développement.

Cependant dans ce jeu d’intérêts pour la sécurité de nos États, l’Arabie saoudite n’est pas exempte de tous reproches. Sous la menace d’une autre doctrine, le chiisme, ce pays se cramponne sur une supposée nécessité de protéger les lieux saints de l’Islam y compris le tombeau du prophète.

Aucun croyant ne résisterait à la tentation d’aller protéger la Mecque quitte à y laisser sa vie. D’autres y voient même l’impossibilité d’accomplir l’un des 5 piliers de l’Islam, le Adj lorsque la Mecque serait envahie.

Mais en procédant ainsi, l’Arabie Saoudite exerce une forme de pression morale, d’agression de la conscience des musulmans pour les engager dans une guerre qui n’est pas la leur. Une guerre qui, en réalité concerne la menace de destruction des fondements du wahhabisme et non ceux des symboles sacrés de l’Islam.

Cependant sous un autre angle, par solidarité avec un pays musulman en guerre, la participation sénégalaise peut se justifier. Mais on se demande si l’Arabie saoudite, un des pays musulman les plus riches du monde le mérite. La plupart des pays de la Umma souffre de faim et de soif alors que les investissements saoudiens sont tournés vers l’Occident. La solidarité avec les musulmans du monde en général et africains en particulier, n’est pas très manifeste. Pourtant la richesse de ce pays provient en partie des recettes du pèlerinage, donc l’argent des musulmans. Le caractère universel du prophète Mouhamed (PSL) et le fait qu’il repose à Médine, justifient le fait que l’Arabie saoudite dispose de ses ressources.

Ce même fait doit justifier l’universalité de ses ressources. Chaque année des milliards de dollars sont-ils déversés dans notre patrimoine commun qu’est la Mecque. Ces ressources colossales œuvres des musulmans du monde devraient être un patrimoine de la Umma et gérer comme tel pour aider les pays musulmans du monde à contrer les chantages financières de l’Occident capitaliste. Mais les aides saoudiennes les plus visibles dans les pays de la Umma se résument aux financements de mosquées pour des wahhabites autochtones, aux dons de dattes et de carcasses de moutons.

En plus de sa stabilité et vu le nombre impressionnant de pèlerins tous les ans, le Sénégal devrait revendiquer sa part de ce patrimoine financier.

Alioune Seck, Assistant social
Diplômé d’Études supérieures spécialisées en Santé communautaire
Kaolack/Sénégal
E.mail : seckbaye61@hotmail.fr