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Impôts en hausse, investissements en berne : le « gorgorlu » paie le prix fort de l’attentisme budgétaire

C’est dans une discrétion quasi silencieuse que le gouvernement a publié, en date du 23 juin, le Rapport d’exécution budgétaire du premier trimestre 2025. Longtemps attendu, ce document censé baliser le cap des finances publiques suscite davantage de préoccupations que d’apaisements. Au lieu de rassurer, il met en lumière une stratégie économique brouillonne, marquée par une pression fiscale étouffante et un net essoufflement des investissements.


Rédigé par leral.net le Mardi 24 Juin 2025 à 14:03 | | 0 commentaire(s)|

Une pression fiscale exacerbée sur les ménages

Impôts en hausse, investissements en berne : le « gorgorlu » paie le prix fort de l’attentisme budgétaire
En apparence, les recettes internes résistent. Mais cette performance a un coût : près de 96 % des ressources mobilisées proviennent directement des ménages, à travers les impôts sur le revenu, les taxes sur la consommation, et une fiscalité indirecte dont l’intensité s’est brutalement accrue. Autrement dit, le contribuable sénégalais – le “gorgorlu” – devient le principal levier budgétaire, dans un contexte où la croissance peine à redémarrer.

Ce choix révèle une approche budgétaire de court terme, centrée sur la préservation des équilibres comptables, au détriment d’une vision de relance durable. L’État prélève davantage, mais investit moins. Ce déséquilibre, loin d’être neutre, risque de freiner la reprise économique, déjà fragilisée par les incertitudes politiques et institutionnelles.

Un effondrement inquiétant des financements extérieurs

Mais l’indicateur le plus préoccupant demeure l’assèchement des appuis extérieurs. Sur un objectif de 245 milliards de FCFA attendus, seuls 8 milliards ont effectivement été mobilisés – soit un taux de réalisation inférieur à 4 %. Un signal fort : les partenaires techniques et financiers suspendent leur confiance, dans l’attente de clarifications sur les orientations macroéconomiques du nouveau régime.

Le rapport tant annoncé sur « les chiffres du Premier ministre » se fait toujours attendre, alimentant le flou et l’inaction. En l’absence de feuille de route lisible, les bailleurs hésitent, les promesses de financement sont gelées, et le Sénégal se retrouve isolé dans sa trajectoire budgétaire.

Des investissements publics en chute libre

Cette désaffection extérieure a un effet immédiat : l’effondrement des dépenses d’investissement. Le taux d’exécution sur le trimestre plafonne à moins de 14 %, alors que près de 90 % de ces dépenses reposent désormais sur les ressources internes. Les projets structurants sont suspendus, les infrastructures attendues retardées, et les secteurs vitaux — agriculture, emploi, éducation, santé — en subissent les contrecoups.

À terme, c’est le développement économique national qui se trouve freiné, avec une jeunesse désœuvrée, un monde rural en attente, et une dynamique entrepreneuriale bridée par l’incertitude.

Une souveraineté budgétaire aux contours incertains

Le gouvernement met désormais en avant le concept de « souveraineté budgétaire », notion noble s’il en est. Mais la souveraineté ne se décrète pas : elle s’édifie, à travers une fiscalité équitable, une gouvernance économique transparente, une capacité à mobiliser les ressources sans épuiser le tissu social.

Dans l’état actuel des choses, le discours souverainiste semble davantage relever de l’incantation que d’une stratégie concertée. Sans cadre économique lisible, sans pacte de confiance avec les partenaires, et sans réformes audacieuses pour élargir l’assiette fiscale sans étouffer les plus vulnérables, la souveraineté budgétaire risque de se transformer en isolement économique.


Cheikh SENE
Économiste
Enseignant-chercheur (UCAD)
Essayiste



Ousseynou Wade