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Ismaïla Madior Fall, ministre-conseiller du Président : «Il n’est pas exclu un retour au quinquennat pour le président de l’Assemblée»

Le référendum sur les réformes institutionnelles, annoncé pour 2016 par le chef de l’Etat serait-il en même temps un sondage pour le candidat Sall pour 2017 ? Ismaïla Madior Fall est d’avis que le peuple va «se prononcer principalement sur ce qui lui est proposé pour approfondir la démocratie et l’Etat de droit et éventuellement très accessoirement sur ce qu’il pense du Président parce qu’il s’agit d’un référendum et non d’un plébiscite». En marge d’une conférence sur le rôle du Parlement dans le jeu des institutions, organisée par la Fondation Friedrich Naumann, le ministre-conseiller du Président a également indiqué que le retour au quinquennat pour le président de l’Assemblée nationale n’est pas à exclure, si c’est le consensus retenu.


Rédigé par leral.net le Vendredi 17 Octobre 2014 à 14:40 | | 0 commentaire(s)|

Ismaïla Madior Fall, ministre-conseiller du Président : «Il n’est pas exclu un retour au quinquennat pour le président de l’Assemblée»
Pourquoi on n’appliquerait pas les conclusions de la Commission nationale de réforme des institutions sur le retour au quinquennat à l’Assemblée nationale ?

Dans l’absolu, il n’est pas exclu un retour au quinquennat. Le tout, c’est de savoir quel est le mandat le plus approprié dans le contexte actuel. Dans les propositions faites par la Commission nationale de réforme des institutions, il y en a qui doivent passer facilement parce qu’elles renforcent la démocratie. Aujourd’hui, si on dit qu’on va réduire le mandat du président de la République de 7 à 5 ans, à mon avis, c’est une innovation intéressante. Lorsqu’on dit qu’on va limiter les mandats à deux et faire en sorte que cette disposition ne puisse plus être révisée, c’est aussi une disposition intéressante et qui va définitivement régler cette question qui a toujours agité le système constitutionnel sénégalais. Lorsqu’on dit, par exemple, qu’on va faire une Cour constitutionnelle et élargir ses attributions ou revoir le mode de nomination de ses membres, cela est bien concevable parce qu’il s’agira d’un renforcement de notre justice constitutionnelle. Un traitement rigoureux des propositions de la Cnri montre qu’il y en a certaines qui vont enrichir le dispositif institutionnel de la démocratie sénégalaise. En revanche, il y a bien des propositions qui, au stade de développement politique et institutionnel actuel du Sénégal, peuvent fragiliser ou diluer l’autorité et faire courir au pays un risque d’instabilité. C’est le cas lorsqu’on anéantit le pouvoir de nomination du président de la République en exigeant que tous les postes de directeur dans l’administration soient pourvus par appel à candidatures. C’est très séduisant, mais impossible et impraticable nulle part. On aurait compris qu’on liste dans une loi quelques emplois, mais généraliser la règle relève de l’utopie. De même, proposer dans le contexte d’un pays dont la construction de l’Etat est encore fragile que le président de la République ne préside plus le Conseil supérieur de la magistrature, ne nomme plus le président de la juridiction constitutionnelle est, tout de même, problématique. Il faut renforcer les institutions pour renforcer le système de l’architecture des contrepouvoirs, mais il faut éviter de fragiliser l’institution présidentielle qui, de par la Constitution et son origine populaire, reste la clef de voûte des institutions.
A côté des propositions de la Cnri à entériner et celles qu’il faut par prudence pour notre expérience démocratique écarter, il y a celles qui méritent d’être discutées et faire l’objet de concertations parce qu’il s’agit de questions nécessitant le consensus avant d’être définitivement consacrées. Chaque disposition doit être soigneusement analysée et évaluée avant d’être introduite dans notre système démocratique qui a su faire face aux démons de l’instabilité qui rôdent sur le continent africain. Par exemple, la question du mandat du président de l’Assemblée nationale doit être discutée et recevoir le traitement le plus approprié qui tienne compte de notre histoire et le consensus doit être privilégié pour qu’on n’ait plus à l’avenir à revenir sur cette question. Un mandat de 5 ans pourquoi pas ?

Est-ce que la question du retour au quinquennat à l’Assemblée nationale pourrait faire partie du texte qui sera soumis au référendum ?

Vous savez, il n’y a pas de choix institutionnel meilleur qu’un autre. Les choix institutionnels sont, par définition, relatifs et contingents selon les contextes socio-culturels. On ne peut jamais dire que telle disposition serait, dans l’absolu, meilleure que telle autre. Il importe, dans les innovations juridiques à apporter à un régime politique, de ne pas être dogmatique et d’être ouvert en analysant les implications et risques pour le système de chaque innovation. La question du mandat du président de l’Assemblée et d’autres comme la limitation de l’âge maximal (70 ans) pour être candidat à la présidentielle font partie des questions qui feront l’objet de discussion et de concertation entre les acteurs politiques et institutionnels. Le président de la République va écouter tout le monde et décider ; et il n’est pas exclu qu’un consensus se dégage en faveur du quinquennat pour le mandat du président de l’Assemblée nationale.

Ce référendum ne serait-il pas un sondage pour le Président Macky Sall en direction de la présidentielle de 2017?

Non à titre principal parce que le référendum va porter sur un ensemble de révisions consolidantes en vue d’approfondir la démocratie et l’Etat de droit. Ce qui est en jeu, c’est d’abord et avant tout l’avenir de la démocratie sénégalaise. En l’occurrence, le Président redonne la parole au peuple afin qu’il se prononce sur son destin, qu’il choisisse librement ce qu’il estime bon pour lui. C’est le lieu de dire que le référendum ne va pas porter sur le mandat comme beaucoup le croient mais sur un ensemble de propositions de réformes constitutionnelles. Comme l’a redit le Président à Jeune Afrique, il s’agira de changer la Constitution pour en améliorer le contenu et non changer de Constitution. Il faut éviter que chaque Président qui arrive vienne avec sa Constitution et les innovations pertinentes proposées peuvent parfaitement intégrer la Constitution en vigueur. Il est donc question d’un référendum et non d’un plébiscite. Autrement dit, en 2016, c’est essentiellement l’avenir de la démocratie sénégalaise qui est l’enjeu et en jeu, celui du Président Macky Sall le sera en 2017.

Cela pourrait, tout de même, constituer un sondage pour lui ?

La proximité des deux évènements le suggère. Mais, il faut les distinguer. Evidemment, cela n’exclut pas la possibilité que certains vont se prononcer exclusivement sur le texte alors que d’autres pourraient se prononcer sur le texte et l’auteur du texte. Il est vrai qu’il n’est pas toujours aisé de distinguer référendum et plébiscite.

Partagez-vous l’avis de Mounirou Sy, un autre constitutionnaliste, qui propose un septennat unique en lieu et place d’un quinquennat renouvelable ?

Attention, il faut d’abord préciser que c’est une idée longtemps théorisée ailleurs et au Sénégal. Récemment, c’est le professeur Sow de l’Ifan qui a écrit un ouvrage où il défend avec véhémence la proposition. Mais, encore une fois, il n’y a pas une disposition constitutionnelle meilleure qu’une autre. La question des dispositions constitutionnelles pertinentes varie selon les Etats. Chaque Etat se dote de la Constitution et des lois que sa société pense meilleures. En règle générale, on ne limite pas les mandats. C’est le cas en Europe par exemple. On peut être Premier ministre pendant 15, 20 ans. Il y a certaines démocraties qui ont fait le choix de limiter les mandats. C’est le cas aux Etats-Unis, en Amérique Latine. C’est le cas de plus en plus dans les pays africains. Les pays dans lesquels il y a un mandat unique ne sont pas nombreux. A ma connaissance d’ailleurs, ce n’est que le Mexique où le Président dispose d’un mandat de 6 ans non renouvelable. On ne peut pas dire que c’est la meilleure option. Je suis simplement en train d’insister sur la relativité des options. Chaque société politique, selon son histoire, ses circonstances, se dote des options constitutionnelles qu’elle considère meilleures. Et à mon avis, entre les deux extrêmes du mandat unique et des mandats illimités, je choisirais le juste milieu à savoir le double quinquennat. Donc, ni mandat unique, ni mandat renouvelable ad infinitum mais deux mandats. Cela me semble être la bonne mesure, le juste milieu qu’il faut garder.

Le Quotidien