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L'ANALYSE DE 1969 QUI ÉCLAIRE GAZA AUJOURD'HUI

Rédigé par leral.net le Lundi 28 Juillet 2025 à 23:40 | | 0 commentaire(s)|

Il y a 55 ans, Me Fadilou Diop prononçait en Mauritanie une conférence remarquable sur le conflit israélo-palestinien. L'ancien bâtonnier de l'Ordre des avocats du Sénégal diagnostiquait la stratégie du fait accompli qui caractérise l'État hébreux

(SenePlus) - Il y a plus d'un demi-siècle, alors que le conflit israélo-palestinien était encore jeune, un juriste africain livrait une analyse implacable qui résonne aujourd'hui avec une troublante actualité. Le 27 mars 1969, à Nouakchott, l'avocat sénégalais Me Fadilou Diop, futur bâtonnier de l'Ordre des avocats du Sénégal, prononçait une conférence remarquable sur "Du conflit israélo-arabe à la lutte de libération palestinienne".

Face au président mauritanien Moctar Ould Daddah et sur invitation du Bureau politique du Parti du Peuple Mauritanien, Me Diop développait une argumentation juridique qui tranchait avec les discours diplomatiques de l'époque. Pour lui, les revendications sionistes ne reposaient sur aucune base légale solide.

"À l'examen, de tels droits apparaissent comme inexistants", affirmait-il en évoquant les prétendus droits historiques des Juifs sur la Palestine. L'avocat sénégalais démontait méthodiquement l'argumentaire sioniste : "Tout d'abord, des Juifs venus d'Europe, actuellement en Palestine, ne peuvent être regardés comme les héritiers des anciens Hébreux. En effet, la preuve est rapportée que nombre de Juifs Européens n'ont été convertis au Judaïsme qu'au Moyen Âge."

Plus radical encore, Me Diop récusait l'existence même d'un peuple juif unifié : "Les Juifs ne forment pas une race homogène. Ils n'ont pas une langue commune car les langues qu'ils emploient sont celles de sociétés où ils vivent. Ils n'ont pas d'histoire commune puisque disséminés pendant Vingt Siècles dans différents États."

L'avocat africain anticipait déjà la stratégie d'expansion territoriale qui caractériserait la politique israélienne. Analysant la guerre des Six Jours de juin 1967, il y voyait une confirmation de "l'opinion des Arabes qui estiment qu'Israël a des visées expansionnistes et crée, pour y parvenir, des occasions de conflits".

Sa lecture géopolitique s'avérait prophétique : "À l'issue de cette guerre-éclair, Israël occupe un territoire trois fois plus grand que le sien et ses dirigeants déclarent qu'il n'est pas question de rendre les territoires arabes occupés."

Me Diop dénonçait déjà ce qui deviendrait la politique du fait accompli : "Telle attitude confirme amplement l'opinion des Arabes qui estiment qu'Israël a des visées expansionnistes et crée, pour y parvenir, des occasions de conflits."

L'avocat sénégalais n'éludait pas les aspects les plus sombres du conflit naissant. Il revenait longuement sur le massacre de Deir Yassin, le 9 avril 1948, qu'il qualifiait de tournant décisif : "Un groupe de commandos appartenant à l'organisation Stern, attaqua ce village arabe et massacra 250 hommes, femmes et enfants."

Une condamnation juridique sans appel

Citant l'historien Arnold Toynbee, Me Diop soulignait l'impact psychologique de cet événement : "Les Juifs sionistes ont saisi la première occasion qui se présentait à eux pour infliger à d'autres êtres humains, qui ne leur avait fait aucun tort, mais qui étaient plus faibles qu'eux, les malheurs et les souffrances qui leur avait été infligés par leurs persécuteurs occidentaux."

"Ce massacre produisit sur les Arabes de Palestine un choc immense et certainement décisif. Il prend une place importante dans le conflit Israélo-Arabe et a été à l'origine de l'exode des réfugiés arabes de Palestine", poursuivait l'orateur.

Pour Me Diop, la création d'Israël constituait juridiquement "une usurpation". Il s'appuyait sur le droit international pour dénoncer la légitimité de cette création : "Telle usurpation n'a jamais été acceptée, ni par le Monde Arabe, ni -fait plus important- par les Palestiniens qui, sur le plan du droit détiennent jusqu'à ce jour la souveraineté sur leur pays."

L'avocat rappelait que les Nations Unies avaient "privé la résolution que nous analysons de toute base légale" en ne respectant pas le droit de la majorité sur le territoire palestinien. "En ne respectant donc pas le droit de la majorité sur le territoire palestinien, les Nations Unies ont privé la résolution que nous analysons de toute base légale", martelait-il.

Loin de se contenter d'une analyse théorique, Me Diop appelait à l'organisation de la résistance palestinienne. Il saluait la création du mouvement de libération : "C'est pourquoi, le Mouvement EL FATAH promet d'œuvrer pour que, une fois restauré, l'État Palestinien contribue activement à l'édification d'une société arabe progressiste et unifiée."

"Puisqu'il est démontré que c'est par la force, donc sans droit, que les sionistes veulent non seulement s'installer en Palestine mais étendre leur conquête dans tout le Moyen-Orient, il importe de savoir si l'organisation de libération de Palestine aura assez de volonté pour supporter le poids d'une longue, peut-être très longue résistance", concluait-il.

Cette conférence de 1969, tenue dans la capitale mauritanienne, témoigne de la lucidité précoce de certains juristes africains sur les enjeux du conflit israélo-palestinien. Près de soixante ans plus tard, alors que Gaza subit de nouveaux bombardements israéliens, les analyses de Me Fadilou Diop conservent une résonance troublante, questionnant la permanence d'un conflit que beaucoup d'observateurs de l'époque pensaient transitoire.

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Farid


Source : https://www.seneplus.com/politique/lanalyse-de-196...