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"L'Afrique sous tutelle armée : quand l'Occident impose sa loi par le feu et le contrat" Blaise Edimo – Enseignant et penseur stratégique

Rédigé par leral.net le Mardi 9 Septembre 2025 à 08:57 | | 0 commentaire(s)|

L'Afrique n'est pas libre. Elle est surveillée, exploitée, neutralisée. Depuis les indépendances, le continent est pris dans un étau géopolitique où la force militaire, l'ingérence politique et le pillage économique se conjuguent pour maintenir un ordre mondial profondément inégal.
L'Occident, en particulier, a perfectionné l'art de la domination sans drapeau : bases militaires, multinationales, assassinats ciblés, contrats léonins. Et lorsque l'Afrique tente de se redresser, elle est (...)

- LIBRE PROPOS /

L'Afrique n'est pas libre. Elle est surveillée, exploitée, neutralisée. Depuis les indépendances, le continent est pris dans un étau géopolitique où la force militaire, l'ingérence politique et le pillage économique se conjuguent pour maintenir un ordre mondial profondément inégal.

L'Occident, en particulier, a perfectionné l'art de la domination sans drapeau : bases militaires, multinationales, assassinats ciblés, contrats léonins. Et lorsque l'Afrique tente de se redresser, elle est frappée, discréditée ou infiltrée.

Les bases militaires occidentales en Afrique ne sont pas des sanctuaires de sécurité. Elles sont des postes avancés de contrôle stratégique. Les États-Unis, via AFRICOM, possèdent plus de 34 avant-postes militaires sur le continent, notamment à Djibouti, au Niger et au Cameroun. La France, quant à elle, maintient plus de 7 500 soldats en Afrique, souvent dans des pays où elle a des intérêts économiques ou politiques directs.

Ces bases ne protègent pas les peuples. Elles protègent les régimes alliés, souvent autoritaires, et les flux de ressources. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont récemment exigé le départ des troupes françaises, dénonçant leur inefficacité et leur rôle dans la perpétuation de l'instabilité.

L'histoire africaine est jalonnée de figures assassinées parce qu'elles refusaient la soumission :

Patrice Lumumba (RDC), tué en 1961 avec la complicité de la Belgique et de la CIA, pour avoir voulu libérer le Congo de l'emprise minière étrangère
Thomas Sankara (Burkina Faso), éliminé en 1987 après avoir dénoncé la dette coloniale et promu l'autosuffisance africaine
Sylvanus Olympio (Togo), assassiné en 1963 pour avoir voulu créer une armée nationale indépendante de la France

Mouammar Kadhafi (Libye), renversé en 2011 par une coalition occidentale, alors qu'il projetait une monnaie africaine adossée à l'or.

Ces meurtres ne sont pas des accidents de l'histoire. Ils sont les symptômes d'un système qui ne tolère pas la souveraineté africaine.

Les multinationales occidentales ne se contentent pas d'extraire des ressources. Elles organisent leur fuite :

Manipulation des prix de transfert : les bénéfices sont déplacés vers des paradis fiscaux, privant les États africains de recettes fiscales.

Contrats inéquitables : les accords d'exploitation minière ou pétrolière garantissent aux entreprises étrangères des marges énormes, souvent au détriment des populations locales
Flux financiers illicites : plus de 50 milliards de dollars quittent l'Afrique chaque année via des mécanismes d'évasion fiscale et de corruption transnationale
Ce pillage est facilité par des élites locales corrompues, mais orchestré par des intérêts étrangers puissants.

L'Occident ne domine pas seulement par les armes et les contrats. Il façonne les récits. Les médias internationaux présentent l'Afrique comme un continent incapable, instable, corrompu. Les penseurs africains sont marginalisés, les modèles de développement sont importés sans égard pour les réalités locales.

La démocratie devient un prétexte à l'ingérence, comme le montre l'« ingérence démocratique » analysée dans plusieurs études critiques. L'Occident impose ses

normes, ses élections, ses ONG, tout en soutenant des régimes qui lui garantissent l'accès aux ressources.

Et si les rôles s'inversaient ?

Face à la montée en puissance de la Chine, de la Russie et de la Corée du Nord, une question se pose : que se passerait-il si ces puissances adoptaient la même logique impériale que l'Occident ? Si elles décidaient de dicter leur loi par la force, de piller les ressources, d'imposer leurs régimes et d'assassiner les opposants ?

L'Occident, longtemps dominateur, pourrait alors goûter à sa propre médecine. Et l'Afrique, longtemps opprimée, deviendrait le témoin d'un renversement historique. Mais ce renversement ne serait pas nécessairement une victoire africaine. Car changer de maître n'est pas retrouver sa liberté.

L'Afrique ne doit pas attendre que les puissants se déchirent pour retrouver sa voix. Elle doit penser sa propre souveraineté, non comme une revanche, mais comme une renaissance. Une souveraineté fondée sur :

- La mémoire collective et la pédagogie politique
La valorisation des langues, des cultures et des savoirs locaux
La mobilisation citoyenne et la réforme institutionnelle
L'art, la poésie et la parole comme outils de résistance

Il est temps de refuser les logiques de domination, qu'elles soient occidentales ou orientales. Il est temps d'inventer un humanisme africain, stratégique, sensible et résilient. Il est temps de dire, haut et fort : l'Afrique n'est pas à vendre. Elle est à penser. À aimer. À libérer.

Blaise EDIMO –
Enseignant et penseur stratégique



Source : https://www.gabonews.com/fr/actus/libre-propos/art...