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L’ÉTAT D’ISRAËL ET LA CAUSE COMMUNE DE DIEU AU MOYEN-ORIENT

Rédigé par leral.net le Jeudi 19 Juin 2025 à 00:32 | | 0 commentaire(s)|

EXCLUSIF SENEPLUS - L'attaque iranienne détourne l'attention de la levée de boucliers des extrémistes du gouvernement décidés de se séparer de Netanyahou. L'héritage d'Abraham peut-il encore apaiser ses descendants ?

L’ultra-orthodoxie des partis religieux israéliens, capables de faire et de défaire les majorités radicales à la Knesset - le parlement israélien -, et opposés à tout programme de décolonisation et de désengagement militaire en Palestine, pousse paradoxalement lesdits partis à menacer le premier ministre va-t-en-guerre Benjamin Netanyahou d’une censure pouvant le renverser. Raison invoquée : la sécularisation des cohortes d’étudiants des établissements religieux en cas d’enrôlement dans l’armée d’un État  abonné à la guerre.

Il ne fait aucun doute que la dissolution de la Knesset voulue par les alliés radicaux de la coalition au pouvoir et la tenue d'élections législatives anticipées entrent en ligne de compte dans l’agression de la République islamique d’Iran par l’État hébreu. Cette attaque détourne l'attention de l’opinion israélienne de la levée de boucliers des extrémistes du gouvernement décidés de se séparer de M. Netanyahou, sans cesse hanté par une perte imminente du pouvoir, pour le faire sauter.

Le programme nucléaire iranien n’expliquant pas tout - loin s’en faut -, les partis religieux de l’échiquier politique doivent expliquer aux citoyens israéliens en général et à leurs électeurs en particulier le bien-fondé de leur alibi religieux. Ce débat s’impose sérieusement quand on sait que la paix au Moyen-Orient, par le truchement des accords dits d’Abraham, déjà fructueusement expérimentés mais ciblés, peut toujours l’emporter sur le repli identitaire en Israël et les guerres qu’il provoque.

De la circonscription

Formé à la suite des élections législatives du 1er novembre 2022, le 37e gouvernement israélien - le sixième dirigé par l’actuel premier ministre Benjamin Netanyahou -, est un cabinet de coalition composé initialement de six partis de droite et d'extrême droite : Likoud de Netanyahou, Judaïsme unifié de la Torah, Shas, le Parti sioniste religieux, Force juive et Noam. Depuis le 25 mars 2025, seules les cinq premières formations répondent à l’appel. L’accent mis par le Parti sioniste religieux sur une vision nationaliste religieuse et une incitation à l’expansion des colonies sans possibilité de retrait des territoires occupés donne une indication importante sur l’influence de la religion au sein des forces armées israéliennes marquées par une présence croissante de soldats sionistes et radicaux. Mais au sein de la coalition, les partis ultra-orthodoxes Shas et Judaïsme unifié de la Torah menacent, juin courant, de quitter la coalition si le gouvernement n’adopte pas un projet de loi garantissant aux étudiants des écoles religieuses une exemption de longue durée des obligations militaires pouvant s’accompagner d’une sécularisation massive d’éléments ultra-orthodoxes appartenant au groupe des Haredim connu pour l’« observance stricte des lois et traditions juives ». Il n’est alors pas surprenant au moment où la circonscription fait débat à la Knesset que des voix qui font autorité s’élèvent en Israël même pour trouver une autre explication à l’agression massive de l’Iran par Israël au prétexte d’empêcher - les deux expressions sont du premier ministre Netanyahou -, une « shoa nucléaire » qui rappelle tristement la « shoa nazie » ayant entraîné l’extermination de 6 millions de Juifs par l’État nazi de 1933 à 1945.

« Iranophobia »

Il y a 16 ans maintenant, l’historien israélien Haggai Ram publiait l’ouvrage intitulé « Iranophobie » et sous-titré : « La logique d'une obsession israélienne ». Pour l’universitaire Ram, professeur associé au département des études moyen-orientales de l'université Ben-Gourion, l’objectif du texte de 2009 est « de questionner la pathologie de l'obsession israélienne pour la menace iranienne » après la révolution islamique de 1979.

Pour en avoir le cœur net, il faut ajouter à la liste des partis religieux israéliens les plus influents Agoudat Israël, une formation ultra-orthodoxe ashkénaze dont la recette longtemps gagnante est la flexibilité dans les alliances qui font florès. Pour Haggai Ram, le regard inquisiteur d’Israël sur l’Iran post-révolutionnaire coïncide avec la fin de l’hégémonie, sur l’échiquier politique, des Juifs Ashkénazes considérés comme les pionniers d’Israël originaires d’Europe et d’Amérique (35 %) de la population et l'arrivée au pouvoir du Likoud soutenu par les Juifs mizrahim religieux (environ 40 à 45 % de la population totale). La montée en puissance des forces mizrahim en Israël s’accompagne d’un discours intérieur dans lequel l’Iran est considéré comme « le reflet de l'avenir sombre d'Israël ». En campagne en 1992, le parti sioniste de gauche Meretz s’en prend ouvertement  à l’Iran qui n’est plus ce qu’il aurait dû rester, le régime iranien des mollahs pouvant même inspirer une « théocratie juive » en Israël.

De l’avis de Ram, l’intégration au Moyen-Orient tourne alors au cauchemar pour n’être qu’une histoire de persécution et d’hégémonie culturelle n’épargnant nullement, dans le « paradigme sioniste », tout ce qui est considéré comme une présupposée existence juive hors d’Israël et surtout pas en terre musulmane comme l’Iran.

« Cela fait trente ans que l'Iran est dépeint comme une menace existentielle, mais ce n'est absolument pas vrai. L'Iran est assurément un ennemi d'Israël, mais Israël a beaucoup d'ennemis, et l'Iran ne menace pas et n'a jamais menacé l'existence d'Israël. Ce n'est pas l'Allemagne nazie », assure Haggai Ram sur Médiapart (13 juin, 2025). En tout et pour tout, explique-t-il, « Netanyahou a compris qu'une guerre extérieure peut, d'une part, galvaniser votre base et, d'autre part, exploiter la panique et l'épuisement de l'opinion publique israélienne, afin d'accélérer les mesures nécessaires qui lui permettront de se maintenir au pouvoir et de créer un État autoritaire et dictatorial ».

La cause de Dieu

Au début du XXe siècle au Moyen-Orient et ailleurs dans le monde arabe, l’accent mis par de grandes personnalités politiques comme l’Egyptien Gamal Abdel Nasser sur un nationalisme arabe, détaché de la sphère d’influence occidentale, part de l’idée que la langue, la culture et l’histoire communes aux Arabes suffisent à l’union politique ou panarabisme. C’est également en précurseur du panafricanisme avec tant d’autres comme l’auteur de « L’Afrique doit s’unir » (Présence Africaine, 1963), le Ghanéen Kwamé Krumah,  que Nasser publia, en 1954, une « philosophie de la révolution ». Mais même si l’idée d’unité arabe et africaine persiste dans la rhétorique politique profane d’aujourd’hui, le panarabisme et le panafricanisme ont tous les deux perdu de leur superbe. S’agissant du panarabisme, les dynamiques de pouvoir au Moyen-Orient ont fait que la recomposition observée à ses débuts - Israël, la Turquie et l’Iran non arabes coopérant étroitement, sans tabou nucléaire, d’un côté, les autres États-Nations de l’autre -, bascula dans l’innommable qui frappe aujourd’hui Téhéran, affame à mort Gaza et épuise la société israélienne enfantililisée au nom de laquelle Netanyahou ne se fixe pas de limites à ne pas franchir pour la conservation du pouvoir sous le contrôle quasi immuable de l’aile extrémiste politico-religieuse d’une coalition moribonde.

Et si tous - agresseur unique comme agressés au sein de sociétés bariolées -, implorant et comptant sur le Dieu unique du messager en commun, le patriarche Abraham, s’adossaient au moins une fois encore à l’idée qu’il n’y a de cause commune que celle de Dieu d’où nous est parvenue une réalité essentielle en trois temps ? Cette dernière ressemblerait à celle déclinée en trois versets pleines de sagesses tirées du Saint-Coran :

  • Certes, vous avez eu un bel exemple [à suivre] en Abraham et en ceux qui étaient avec lui (60:4)
  • Et tu trouveras certes que les plus disposés à aimer les croyants sont ceux qui disent : «Nous sommes chrétiens.» (5:82)
  • En effet, vous avez dans le Messager d'Allah [Muhammad] un excellent modèle [à suivre] (33:21).

Symbolisant la  paix et la compréhension interreligieuse, le nom d’Abraham avait été cité dans l’effort de normalisation des relations entre Israël et certains pays arabes ayant conduit aux « accords d’Abraham », intervenus en 2020 entre Israël, les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Maroc. Abraham sans les Palestiniens selon une opinion constitutive d’une identité égale à toutes les autres et à laquelle  rallient les Nations Unies. C’est ainsi qu’après qu’un veto américain a empêché le Conseil de sécurité d’exiger un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et permanent à Gaza le 4 juin dernier, une nouvelle résolution, hélas non contraignante, est adoptée par une large majorité de membres (149 voix pour, 12 contre, 19 abstentions) de l’Assemblée générale des Nations Nations Unies le 15 juin 2025. Ladite résolution appelle à la « cessation des hostilités, l’accès humanitaire [et] le respect du droit international » dont dépendent le statut final du conflit israélo-palestinien et la solution à deux États. Il en faut au moins autant pour que la cause de Dieu redevienne alors et pour de bon celle de tous les hommes qui, enfin, « se consultent entre eux à propos de leurs affaires » (42:38).

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