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L'IA PERPÉTUE LE COLONIALISME

Rédigé par leral.net le Lundi 30 Juin 2025 à 01:23 | | 0 commentaire(s)|

Derrière les prouesses de l'intelligence artificielle se cache une réalité plus sombre : l'exploitation des ressources du Sud. Hady Ba appelle à investir dans le génie sénégalais pour le développement d'une technologie locale

Intelligence artificielle : Hady Ba plaide pour une "IA à la sénégalaise""Il ne faut pas avoir peur de l'IA, c'est un outil", martèle d'emblée Hady Ba, chef du département de philosophie à la Fastef et directeur de l'animation culturelle et scientifique de l'Ucad. Pour ce spécialiste, la crainte généralisée autour de l'intelligence artificielle au Sénégal relève d'une "peur irrationnelle" qu'il faut dépasser.

Si le docteur Ba refuse la diabolisation de l'IA, il n'en minimise pas les dangers. "Comme tous les outils, l'intelligence artificielle entre de mauvaises mains est dangereuse", explique-t-il, citant Jean Rostand : "La science a fait de nous des dieux avant que nous ne méritions d'être des hommes."

L'expert pointe du doigt les biais intégrés dans les systèmes actuels : "Nous sommes en train de créer une intelligence artificielle qui va être sexiste, raciste, parce qu'elle est le reflet de la société occidentale actuelle." Il dénonce également un "nouveau colonialisme" avec l'exploitation des ressources en eau au Chili par Google ou les conditions de travail précaires des annotateurs de données au Kenya.

Face à cette hégémonie technologique, Hady Ba plaide pour une alternative locale. "Si nous voulons que nos valeurs, que nos idées soient transmises, il faut que nous développions, que nous utilisions les outils qui existent pour transmettre nos valeurs", insiste-t-il.

Le chercheur rejette l'idée d'une "IA à la sénégalaise" comme concept technique, préférant parler d'une "intelligence artificielle utilisée et développée par des Sénégalais". La nuance est importante : il s'agit de maîtriser l'outil plutôt que de le subir.

"Est-ce qu'il y a une littérature sénégalaise suffisante pour servir à entraîner l'IA ? Est-ce que nous avons des entreprises qui mettent en ligne des outils ?", interroge-t-il, soulignant l'importance de ces éléments dans la construction d'une IA respectueuse des valeurs locales.

Loin du pessimisme ambiant, Hady Ba rappelle les succès des étudiants sénégalais dans les compétitions internationales : "Il y a quelques années, des étudiants de l'ESP sont allés faire un concours international et ils ont été premiers face à Stanford et toutes les grandes universités américaines."

Pour lui, "la matière grise est là, la compétence est là, l'écosystème n'est pas encore là". Il appelle à des investissements massifs dans les universités et la création de synergies entre le monde académique et les entreprises, à l'image du modèle californien.

L'expert pointe également les lacunes du système éducatif face à cette révolution. "Les enseignants doivent s'adapter", affirme-t-il, critiquant une approche qui consiste à interdire plutôt qu'à former à l'usage approprié de ces outils.

Une étude récente du MIT qu'il cite montre que l'utilisation de ChatGPT réduit la créativité et altère la mémoire, soulignant l'importance d'une formation critique à ces technologies.

"C'est une révolution", conclut Hady Ba, comparant l'IA aux grandes innovations historiques comme l'imprimerie de Gutenberg ou la machine à vapeur. "Que nous en ayons peur ou pas, ça va continuer, ça va changer le monde. La question est : qu'est-ce que nous en faisons ?"

Son message est clair : plutôt que de subir cette transformation, le Sénégal doit s'en saisir activement. "Nous sommes un pays pauvre, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas être ambitieux et de ne pas être créatif", lance-t-il en guise d'appel à l'action.

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Farid


Source : https://www.seneplus.com/developpement/lia-perpetu...