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"L'éducation au Gabon face aux ambitions de l'agenda 2063 de l'Union africaine", Eugène-Boris Elibiyo

Rédigé par leral.net le Jeudi 6 Novembre 2025 à 10:29 | | 0 commentaire(s)|

Planificateur des systèmes éducatifs – Représentant pour le Gabon de l'ONG internationale Francophonie sans Frontières
Lorsque nous évoquons l'éducation, nous pensons d'abord à l'enfant qui apprend, à la famille qui espère, à la nation qui bâtit son avenir. Derrière chaque donnée que nous analysons, il y a un visage, un parcours, une promesse. Et c'est cette humanité que nous cherchons à préserver en lisant, au-delà des chiffres, le sens profond du développement éducatif de notre pays. (...)

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Planificateur des systèmes éducatifs – Représentant pour le Gabon de l'ONG internationale Francophonie sans Frontières

Lorsque nous évoquons l'éducation, nous pensons d'abord à l'enfant qui apprend, à la famille qui espère, à la nation qui bâtit son avenir. Derrière chaque donnée que nous analysons, il y a un visage, un parcours, une promesse. Et c'est cette humanité que nous cherchons à préserver en lisant, au-delà des chiffres, le sens profond du développement éducatif de notre pays. Car l'éducation, avant d'être un indicateur, demeure une aventure humaine : celle d'une société qui croit encore à la puissance du savoir et à la promesse de l'avenir.

Les chiffres, pourtant, racontent déjà une histoire d'efforts constants. En 2023, selon l'UNESCO et la Banque mondiale, le taux brut de scolarisation au primaire atteignait 108 % au Gabon, contre 103 % en moyenne dans la sous-région. Cela signifie qu'aujourd'hui, presque tous les enfants — y compris ceux qui ont redoublé ou commencé tard — ont accès à l'école.

Mieux encore, 82 % d'entre eux terminent le cycle primaire, quand la moyenne régionale se situe autour de 67 %. Au secondaire, 65 % des adolescents sont scolarisés, un taux supérieur aux 58 % observés dans la sous-région. Ces avancées témoignent d'un accès plus large, mais elles nous rappellent aussi qu'un système éducatif ne se mesure pas seulement à la porte d'entrée : il se juge à la qualité de l'apprentissage.

C'est là que le défi demeure. Les résultats du Programme d'analyse des systèmes éducatifs de la CONFEMEN (PASEC) révèlent que seuls 55 % des élèves gabonais atteignent les compétences minimales attendues en lecture et en mathématiques. Autrement dit, un enfant sur deux quitte le primaire sans maîtriser pleinement les fondements du savoir. Ce constat interpelle : il nous invite à dépasser la logique du nombre pour embrasser celle du sens, à comprendre que l'école n'accomplit sa mission que lorsqu'elle transforme réellement les esprits.

Pourtant, tout n'est pas sombre. Le Gabon a su créer un environnement d'encadrement favorable à la réussite. Le ratio élèves-enseignant est de 32 pour 1, bien meilleur que la moyenne régionale de 44 pour 1. Ce rapport, plus équilibré, permet une attention accrue portée à chaque élève.

Mais pour que cette proximité soit pleinement bénéfique, il faut qu'elle s'appuie sur des enseignants bien formés, outillés et motivés. De ce point de vue, les progrès sont notables : 72 % des candidats sont admis dans les Écoles normales d'instituteurs, 85 % d'entre eux achèvent leur formation, et 78 % des enseignants actuellement en poste répondent aux standards nationaux. Ces taux, supérieurs à la moyenne régionale, traduisent la vitalité d'un capital humain solide.

Cependant, à l'heure où le monde se numérise, l'intégration des technologies éducatives reste timide. Seuls 30 % des enseignants utilisent les outils numériques dans leur pratique pédagogique, contre 20 % dans la région. Ce léger avantage statistique ne doit pas masquer le retard global : pour préparer les citoyens de demain, l'école gabonaise devra apprendre à conjuguer craie et écran, tableau noir et plateforme interactive.

La diversification des parcours, quant à elle, s'impose comme une autre clé de la modernisation éducative. L'enseignement technique et professionnel représente aujourd'hui 12 % des effectifs du secondaire, contre 10 % dans la sous-région. Parmi les diplômés, 65 % trouvent un emploi dans les six mois suivant leur formation, contre 52 % en moyenne régionale.

Ces résultats illustrent la pertinence d'une orientation plus pragmatique, mieux arrimée aux besoins du marché du travail. De plus, la participation croissante des jeunes filles à ces filières, désormais 24 % contre 18 % en moyenne régionale, témoigne d'une évolution culturelle encourageante.

Cette dynamique s'explique aussi par une modernisation des programmes et des partenariats. Près de 60 % des curricula de formation technique ont été révisés pour mieux répondre aux réalités professionnelles, et une quarantaine de partenariats ont été signés entre établissements et entreprises locales. L'école se rapproche ainsi du monde productif, et l'apprentissage retrouve sa vocation première : celle d'armer la jeunesse pour la vie réelle.

Mais au-delà des salles de classe et des ateliers, c'est la gouvernance du système éducatif qui s'est renforcée. Depuis 2019, le Gabon publie chaque année ses statistiques éducatives officielles, en conformité avec les standards du Cadre continental de l'Union africaine pour l'éducation (CESA).

Cet engagement en faveur de la transparence et du suivi-évaluation place le pays parmi les rares États africains ayant institutionnalisé une culture de la donnée éducative. Grâce à une collaboration soutenue entre le ministère, l'UNESCO, la CONFEMEN et la Banque mondiale, la planification s'appuie désormais sur des bases factuelles, facilitant la prise de décision et l'évaluation des politiques publiques.

Ces efforts constants produisent des résultats tangibles, même si les défis restent réels. La généralisation du numérique, l'amélioration de la qualité des apprentissages fondamentaux et la consolidation de l'inclusion des filles dans les filières techniques demeurent des priorités. Néanmoins, les fondations sont solides : le Gabon consacre 17 % de son budget national à l'éducation, contre 14 % en moyenne dans la région.

Cet effort budgétaire soutenu, conjugué à une planification rigoureuse et à une stabilité institutionnelle relative, a permis d'assurer un accès quasi universel au primaire, de former un corps enseignant compétent et de poser les jalons d'un enseignement technique ouvert sur l'emploi.

En regard des pays voisins, la progression du Gabon s'inscrit dans une dynamique régionale contrastée : les nations côtières — comme le Cameroun, le Congo ou le Gabon — avancent plus rapidement que les pays enclavés tels que le Tchad ou la République centrafricaine. Ce différentiel s'explique en partie par des facteurs structurels : la stabilité politique, la qualité des infrastructures et la capacité à planifier à long terme.

Mais au fond, l'éducation ne se résume pas à une question de chiffres ni à une compétition entre États. Elle est d'abord un acte de foi. Foi en la jeunesse, foi en l'avenir, foi en la possibilité de transformer le monde par la connaissance. En tant que planificateurs, nous ne gérons pas seulement des données : nous accompagnons des vies, nous dessinons des trajectoires, nous participons à la construction d'une espérance. Chaque école bâtie, chaque enseignant formé, chaque élève soutenu est une victoire contre l'ignorance et l'exclusion.

C'est dans cet esprit que nous inscrivons notre action sous l'horizon de l'Agenda 2063 de l'Union africaine, qui appelle à une Afrique prospère, inclusive et éduquée. Le Gabon, par la constance de ses efforts et la rigueur de sa planification, en incarne déjà la promesse. La route est longue, mais le progrès, même discret, reste la trace visible du courage des nations qui croient en leurs enfants.

Eugène-Boris ELIBIYO



Source : https://www.gabonews.com/fr/actus/libre-propos/art...