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“L’obsolescence du droit au profit de la gestion des intérêts”, Par Pape Ndiogou Mbaye, Avocat au Barreau de Paris


Rédigé par leral.net le Samedi 21 Juin 2025 à 16:23 | | 0 commentaire(s)|

“L’obsolescence du droit au profit de la gestion des intérêts”, Par Pape Ndiogou Mbaye, Avocat au Barreau de Paris
“ Il existe désormais une prégnance d’une disparition des normes juridiques autrefois respectées par tous, au profit d’un bellicisme.

En droit, il a toujours existé de manière incontestable certaines normes intangibles jamais remises en question par exemple des conventions internationales, ou des accords multilatéraux et bilatéraux.

La théorie avait popularisé la hiérarchie des normes, a travers la pyramide de Kelsen, selon laquelle il existe un ordre dans l’ordonnancement juridique, une balise de l’état de droit à savoir : d’abord, la règle de droit est générale, impersonnelle et obligatoire. Ainsi il ne peut y avoir un droit applicable à certains pays et une autre pour d’autres selon leur influence.

Ensuite, il existe des strates définies en 3 blocs : bloc de constitutionnalité, bloc de conventionnalité, bloc de légalité et le bloc réglementaire.

Cet ordonnancement se comprend aisément puisqu’il existe des règles communes a un Etat d’où la constitution et celles négociées avec d’autres Etats à travers des conventions et le reste.

Dans la pratique il est admis par tous les pays qu’une fois une convention signée avec un autre Etat, et une fois le filtre de sa conformité avec la constitution validée ladite convention se place au-dessus de toutes les lois nationales. Tel ne semble plus être le cas, ce qui conduit à une double insécurité juridique : non-respect des conventions, ou leur interprétation de manière tendancieuse.

Pourtant le droit se présentait comme un certain ordre qui pouvait être transgressé à la marge et cette transgression était corrigée par les juridictions supérieures, désormais cette transgression survit aux filtres des juridictions supérieures.

Plusieurs exemples existent.
Sur le plan international, sans entrer dans les détails, tout le monde a pu constater que les décisions de la CPI (Cour Pénale Internationale) ne sont applicables à certains pays, qualifiées de pauvres généralement, ce qui n’a rien à voir avec l’esprit qui préludait à sa création.

Sur le plan des conventions bilatérales également les exemples sont légion : pour prendre le cas de la France, la convention bilatérale signée avec le Sénégal mentionne clairement en son article 13: « Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l’application de la législation respective des deux États sur l’entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l’Accord ». (1) Lorsqu’une convention bilatérale ne fait pas obstacle à l’application d’une loi nationale qui concerne spécifiquement le sujet de l’accord, ce dernier perd de sa substance, donc de sa raison d’être.

Dans la pratique les tribunaux français n’appliquent jamais cette convention pourtant légalement ratifiée.

Toujours en droit français, les lois applicables en droit de la nationalité ne sont également jamais appliquées, mais interprétées selon l’actualité politique, et les tribunaux, de manière systématiquement défavorable aux demandeurs si ceux-ci sont d’origine africaine, pratiques confirmées par la plus haute juridiction française. A titre d’exemple en matière de nationalité il existe une disposition claire de l’article 18 du code civil ainsi libellée « Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français. » Auparavant il fallait justifier de la filiation pour se voir appliquer une telle disposition, désormais c’est plus complexe.

La jurisprudence a interprété cette disposition pourtant limpide au point de la dénaturer car il faut non plus seulement établir la filiation avec au moins un des parents, il faut désormais établir que le parent du parent c’est à dire les grands parents avaient la nationalité et si cette condition est remplie, il faut prouver que les grands-parents avaient réuni l’ensemble des preuves justifiant qu’ils avaient un droit à la nationalité.

Il y a donc une dérive constante et une dénaturation régulière et inquiétante des lois, en somme une certaine obsolescence du droit international tel que compris depuis la Déclaration universelle des droits de l'homme et la foultitude de conventions ratifiées depuis 1948.”

Pape Ndiogou MBAYE, Docteur en droit,
Avocat au Barreau de Paris


Ousseynou Wade