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LA CRISE DES INSTITUTIONS DE DÉVELOPPEMENT ET LA NÉCESSITÉ DE COMPTER SUR NOS PROPRES FORCES

Rédigé par leral.net le Mardi 7 Octobre 2025 à 00:52 | | 0 commentaire(s)|

EXCLUSIF SENEPLUS - La crise profonde et les inégalités insoutenables dans le monde, révèlent peu à peu les secrets, les deals, les pactes et protocoles politiques qui enserrent le continent africain dans l’étau de la misère et des privations

L’étau des institutions de développement

Nous vivons une période de basculement de l’histoire qui voit l’hégémonie du système impérialiste mondial en crise. En effet, la suprématie du dollar dans l’économie et le commerce mondial, la supériorité technologique et militaire et le diktat politique des Etats unis et de leurs alliés européens, sont désormais remis en cause par une montée en puissance des Etats et nations du monde. Les rapports de force de domination de l’Occident déclinent pendant que se renforce l’unité du sud global autour des BRICS. Un tournant critique décisif s’opère en faveur de l’émancipation des Etats et nations jusqu’ici sous domination.

Les différentes institutions régionales et internationales qui font partie de l’architecture du contrôle hégémonique et de la reproduction du système impérialiste, sont-elles mêmes secouées par ces mutations et font de plus en plus l’objet de contestation. Il en est ainsi de l’ONU, de l’OMS, de la Banque mondiale et du FMI, de l’OMC qui ont pris en otage les économies africaines dans le cercle infernal de la dette, de la dépendance monétaire et du commerce inéquitable. Sur notre continent, l’Union Africaine reste dans une totale inefficacité, paralysée par le principe du respect de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Toutes ces institutions de régulation, d’intégration et de financement, continuent, malgré les principes déclarés, de servir la hiérarchie inégalitaire qui régit le monde.

Ce dispositif stratégique de maintien d’une domination institutionnelle sur le monde profite aux oligarchies financières, aux entreprises capitalistes étrangères, aux Etats impérialistes ainsi qu’aux élites politiques et affairistes compradores locales. Il permet à de puissants réseaux internationaux, fondations et institutions privées d’exercer une influence sur les Etats et nations, les institutions régionales et continentales africaines, les diverses ONG locales. C’est ainsi que cette mafia financière internationale a pu détourner de leurs objectifs initiaux de nombreuses institutions et organisations censées pourtant soulager les peuples et nations des injustices, de la pauvreté et de la guerre.

Ainsi, les légitimes et pertinentes initiatives institutionnelles communautaires en Afrique ont été confisquées de manière subtile par le système hégémoniste international. Celui-ci par ses financements, ses appuis budgétaires et techniques, ses pressions diplomatiques et militaires, a influencé la réorientation des programmes initiaux pour la souveraineté dans le sens du modèle capitaliste international hégémoniste. C’est ainsi que le système d’encerclement institutionnel régional et international a permis depuis les indépendances le maintien des différents Etats africains dans un vaste dispositif complexe de dépendance néocoloniale. Celui-ci, pour se maintenir, déploie le même narratif d’œuvrer pour le progrès social, la justice des libertés, la démocratie, la bonne gouvernance, le développement humain. Tous ces concepts sur les objectifs, les programmes et stratégies forment l’idéologie de mystification, l’épais brouillard qui enveloppe le continent africain, celui d’un modèle de développement capitaliste imposé, fortement encadré et ruineux.

On assiste ainsi à une confiscation subtile de la souveraineté politique et géostratégique des pays membres et au maintien intact du « néocolonialisme vivant » sur le continent.  Il se n’agit ni plus, ni moins d’institutions fonctionnant dans la duplicité, car sur le terrain, elles prétendent appuyer et accompagner le développement de l’Afrique alors qu’en vérité, elles opèrent pour le contraire. La preuve en est la faiblesse des résultats obtenus et les succès forts relatifs et souvent éphémères, après des décennies d’intervention sur le terrain. Les programmes et actions n’ont pu en rien changer la structure économique d’exploitation, les fractures sociales, la précarité existentielle des populations et la dégradation de l’environnement. Les financements importants dégagés et les juteux contrats, ont profité aux experts surtout occidentaux, aux entreprises étrangères fournissant les équipements, aux compagnies étrangères de transport aérien délivrant les titres de voyage. Une partie a servi entretenir la corruption dans les administrations d’Etat locales.

Un tel système verrouille les différents Etats membres dans un espace unifié prétendument de développement, mais en réalité sous étroit contrôle politique stratégique des Etats impérialistes et soumis à la dépendance des bailleurs de fonds internationaux et privés étrangers. Les regroupements aux niveaux régional et continental se relèvent pour la plupart être de zones élargies de domination renforcée, ceci en totale contradiction avec les objectifs fixés de souveraineté et de développement solidaire rapide de l’ensemble des pays membres. Dans une publication récente 2025 de ses Chroniques sénégalaises, intitulée De la Banque africaine de développement à une Banque pour les Africains ? Felix Atchade montre que l’institution financière a opéré un glissement contraire à ses objectifs de développement souverain et adopte désormais une orientation technocratique qui rassure les marchés et les partenaires au développement. Selon lui, « le paradigme dominant de la BAD reste à présent celui d’un développement guidé par la rentabilité, la solvabilité et les critères des bailleurs ». Un tel état de fait caractérise la plupart de des institutions sur le continent. Il s’agit d’un dispositif institutionnel supra étatique subtil de maintien du modèle néocolonial de domination de l’Afrique.    

L’intervention tous azimuts sur le terrain des institutions étrangères de financement et d’aide au développement est généralement justifié par un appui indispensable à l’Etat national dit faible en capacités de régler les nombreux problèmes qui le submergent. Mais en réalité, il y a un prix politique à payer pour un tel choix. En effet, l’Etat en signant des conventions et des protocoles d’accords, délègue de fait et de droit une partie de sa souveraineté à ces « opérateurs étrangers de développement ». L’échec de ces institutions en termes de résultats remet en cause le modèle de développement capitaliste assisté ainsi que la légitimité des interventions de ces acteurs sur le terrain.

Ces diverses institutions qui tiennent dans les mailles de leurs filets les différends Etats membres, opèrent ainsi un détournement évident des objectifs de développement inscrits dans leurs chartres. La duplicité évidente sur leur véritable orientation stratégique s’affiche désormais au fur et à mesure que la crise du modèle de développement extraverti s’approfondit et étale ses fractures.

Une « société civile » du système

Les regroupements d’experts nationaux et d’associations diverses intervenant dans divers secteurs et bénéficiant des financements étrangers pour mener leurs activités, ont vite été baptisés « sociétés civiles » locales. Ceci a servi à leur donner la légitimité institutionnelle d’une « force sociale neutre d’interposition » alors qu’en réalité, bon nombre d’entre elles, sont un maillon dans la chaine de dépendance néocoloniale. Le paradigme humaniste, les actions modernistes de développement et les rôles de médiations de toute nature entreprises par ces dites « sociétés civiles » locales ne dépasse pas en général l’horizon idéologique du réformisme libéral et d’une vaine tentative d’atténuer les disparités et les inégalités subies par les sociétés africaines dominées. C’est pourquoi on note à leur niveau une réticence à tout changement révolutionnaire populaire qui serait une rupture avec l’Occident libéral et son modèle de civilisation.

Les dynamiques de rupture

La crise profonde et les inégalités insoutenables dans le monde, révèlent peu à peu les secrets, les deals, les pactes et protocoles politiques et institutionnels qui enserrent le continent africain dans l’étau de la misère et des privations. Les institutions régionales et internationales de gouvernance, piliers du système sont aussi affectées par la crise. Une illustration majeure est la CEDEAO que le Mali, le Burkina Faso le Niger ont quitté, jugeant l’institution régionale africaine avoir trahi sa mission.

Le basculement des rapports de force

Le basculement des rapports de force dans le monde entraine le dévoilement progressif des procédures et mécanismes divers et subtils de reproduction du système international jusqu’ici habilement masqués. Désormais apparait la complexité de l’organisation de la domination impérialiste en un vaste et puissant système d’encerclement institutionnel concentrique. Cependant, les lignes bougent pour desserrer l’étau conceptuel de l’Occident sur nos sociétés et sortir du piège du maillage institutionnel savamment tissé. L’objectif est la reprise de l’initiative historique par la redynamisation ou la création de regroupements institutionnels conformes au projet politique de souveraineté du continent. On assiste au regain du panafricanisme dont il faut jauger les forces et les faiblesses théoriques et organisationnelles et surtout, en développer le puissant potentiel révolutionnaire. La logique des ruptures amorcées sera sans aucun doute, celle de la réunification politique du continent en faveur des peuples africains.

Compter sur nos propres forces 

L’échec de ce modèle de développement et les déchirures dont souffre le continent, ont secrété l’éveil de conscience et la radicalité au sein de la jeunesse et des masses. A notre avis, ce phénomène historique d’une grande profondeur va s’amplifier et renforcer l’idéal panafricain d’un développement endogène coordonné de tout le continent africain.  Le processus ne sera ni simple, ni rapide, mais complexe et difficile. Cependant il est déjà en travail dans les flancs robustes des sociétés et dans l’âme vaillante de la jeunesse africaine. Une longue transition historique s’ouvre avec ses obstacles et lenteurs, ses défis multiples et reculs possibles, car l’ennemi ne démords jamais. Cependant des accélérations salutaires sont fort prévisibles du fait du contexte géopolitique de crise de l’impérialisme, de la défaillance structurelle aggravée des économies et de la perte évidente de légitimité des groupes dirigeants. Le contexte mondial est marqué par de nouvelles alternatives d’émancipation du sud global face au monde hégémonique unipolaire de l’Occident collectif.  Partout se constituent des armatures politiques de résistance populaires auxquelles correspondent de nouvelles légitimités et un nouveau leadership révolutionnaire.

En Afrique, ces processus de transformation sont dus aux facteurs combinés suivants : la croissance démographique rapide de la population, le poids de la jeunesse africaine en éveil de conscience patriotique et la mobilisation des communautés de travail et de culture. L’impact puissant des réseaux sociaux de communication est sans doute l’accélérateur de tous ces développements dont les faits inédits observables à présent : l’ampleur des mobilisations de masse et l’extrême tension collective souverainiste sur le continent.     

Ainsi, s’affirme au sein des élites, de la jeunesse et des masses, une identité qui s’enracine dans les héritages civilisationnels et déconstruit fermement les narratifs racistes et d’aliénation multiforme séculaire. Cette étape historique cruciale est l’amorce d’un renouveau existentiel qui plonge ses racines dans la terre native, les imaginaires, les symboles et pratiques collectives de sens.

En effet commencent à s’effondrer l’image des frontières coloniales et à poindre l’horizon reconstitué des vastes espaces de vie et de solidarité anciennes auxquels d’ailleurs correspondent en chaines continues, d’énormes gisements de ressources minières et stratégiques de toutes sortes. Cette nouvelle réalité qui ouvre à l’Afrique la perspective de l’abondance, de la puissance et du rayonnement, fonde la nécessité de regroupements politiques élargis pour leur exploitation coordonnée et leur partage solidaire. L’esprit de révolte panafricain qui anime la jeunesse du continent est un facteur déterminant dans l’évolution objective en cours. Les tâches politiques décisives sont alors l’organisation des partis politiques révolutionnaires panafricains et la coordination des luttes de la jeunesse et des masses.  Dans cette perspective, les Etats souverainistes doivent nouer des alliances stratégiques indépendantes solides pour renforcer leur sécurité et peser sur la diplomatie internationale.

Pour toutes ces raisons, l’intelligentsia des divers mouvements politiques et culturels qui s’activent sur le continent ne pourra faire l’économie d’élaborer une pensée stratégique libératrice. Elle sera l’œuvre des catégories d’intellectuels, d’artistes engagés et de savants issus de traditions et de cultures plurielles qui ont illuminé le continent. Déjà de nombreuses structures académiques et non académiques, des réseaux et plateformes scientifiques et artistiques nationales et panafricaines, des ONG citoyennes travaillent à articuler nos problématiques et pratiques contemporaines à nos héritages culturels pour que l’Afrique soit souveraine, unie et puissante.  Il s’agit pour cela de gagner en unité et en cohésion et de compter sur nos propres forces.

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Farid


Source : https://www.seneplus.com/developpement/la-crise-de...