Leral.net - S'informer en temps réel

LE VERNIS DU DISCOURS ET LA VACUITÉ DE LA PENSÉE

Rédigé par leral.net le Mercredi 29 Octobre 2025 à 23:56 | | 0 commentaire(s)|

EXCLUSIF SENEPLUS - Ceux qui confondent esprit critique et esprit de contradiction se condamnent à parler pour parler. Le véritable intellectuel ne répète pas ce qu’il est convenable de dire : il interroge, il décape, il éclaire

Une critique philosophique de l’intellectualisme décoratif

Il est des temps où la parole devient un artifice, un miroir dans lequel certains se contemplent avec une solennité creuse, croyant penser parce qu’ils savent parler. Ces nouveaux clercs, scribes du confort intellectuel, confondent la rhétorique avec la pensée, la syntaxe avec la vérité. Ils s’érigent en penseurs dès qu’ils alignent des métaphores, mais fuient l’engagement comme Socrate fuyait la flatterie. Leur posture rappelle celle que Platon dénonçait chez les sophistes : une éloquence sans substance, une parole qui séduit mais ne transforme.

Face à la douleur d’un peuple, ils prônent le "discernement" comme un baume universel, mais sans jamais préciser à quoi il s’applique.

À la justice ?

À la mémoire des victimes ?

À la désignation des bourreaux ?

Leur prudence est une forme de lâcheté raffinée, un refus de la vérité brute au nom d’une bienséance érigée en dogme. Ils incarnent cette "modération" que Rousseau aurait qualifiée d’hypocrisie sociale : une neutralité qui protège l’ordre établi, même au prix de la liberté.

Mais l’histoire nous enseigne que les sociétés ne se transforment pas par la nuance fade, mais par la parole tranchante. C’est par le cri de vérité que les républiques se relèvent, non par le murmure des salons. Frantz Fanon l’avait compris : dans les sociétés postcoloniales, le silence des élites est souvent plus violent que les armes. Et Machiavel, lui, savait que la stabilité ne se gagne pas par la neutralité, mais par le courage de nommer les maux.

Ceux qui confondent esprit critique et esprit de contradiction se condamnent à parler pour parler. Leur posture pseudo-savante cache mal leur paresse intellectuelle. Ils ne cherchent pas à comprendre, mais à conforter leur propre ressentiment.

Le véritable intellectuel ne répète pas ce qu’il est convenable de dire : il interroge, il décape, il éclaire. Il ne se soumet ni à la rumeur ni aux passions. Il pense “à côté”, pour reprendre l’expression de Michel Foucault ; là où la pensée dérange, là où elle éclaire.

Les nouvelles autorités ont apporté une clarté de vision, une rectitude dans l’action et une sincérité rare dans l’engagement. Leur projet n’est pas celui du paraître, mais du faire. Ils travaillent, parfois en silence, à reconstruire la confiance, à remettre l’État au service du peuple et non l’inverse.

Comme l’a bien vu Durkheim, il existe une forme de conformisme logique : celle qui consiste à s’aligner sur les opinions dominantes du moment, par peur de penser autrement. Ces débatteurs du dimanche s’y complaisent. Leur pensée suit la mode, jamais la raison.

Mais concentrons-nous sur les faits, et non sur les ornements.

Le Sénégal, sous Macky Sall, a connu une décennie de répression : détentions arbitraires, morts injustifiées, disparitions inquiétantes, et une justice instrumentalisée par la paranoïa du pouvoir. Le déficit abyssal, la corruption rampante, et la désintégration du service public ne sont pas des abstractions : ce sont les cicatrices d’un régime. Et pourtant, ceux qui devraient porter la mémoire de ces souffrances préfèrent l’élégance du style à la rigueur de la vérité.

Maître Ciré Clédor Ly, en évoquant une "cinquième colonne", ne désigne pas une opposition politique, mais une trahison intellectuelle. Elle se niche dans les rédactions aseptisées, dans les analyses prudentes, dans les esprits trop timorés pour être sincères. Elle est le reflet d’une République sans mémoire, d’une démocratie sans courage.

Ceux qui prônent l’unité sans justice, la réforme sans rupture, la modération sans vérité, sont les véritables instigateurs du désordre. Ils sont les gardiens du statu quo, les moralistes du silence, les complices de l’oubli. Ils croient préserver la République en la neutralisant, mais ils l’étouffent en réalité.

Comme l’a montré Hannah Arendt, le mal peut être banal. Et il se loge souvent dans les routines intellectuelles, dans les discours polis, dans les refus d’accuser. Le Sénégal ne se relèvera pas par des formulations circonspectes, mais par une parole qui tranche, qui accuse, qui libère.

Et si une "cinquième colonne" doit être dénoncée, c’est celle-là : celle des rhéteurs désorientés, des oracles de salon, des penseurs sans mémoire. Car une République qui oublie ses blessures est une République qui renonce à son avenir.

Mais qu'ils se détrompent : l'ère des virtuoses du mensonge est révolue. Le Sénégal ne se relèvera pas avec des formulations circonspectes, mais avec des paroles incisives. Il ne se reconstruira pas sur la crainte d'offenser, mais sur la détermination d'accuser.

Et s'il est nécessaire de dénoncer une "cinquième colonne", c'est bien celle-là : celle des prétendus lucides, des rhéteurs désorientés, des modestes oracles d'une République qu'ils n'ont jamais eu le courage de défendre lorsqu'elle était en souffrance.

Les véritables prouesses politiques ne se mesurent pas aux commentaires des salons, mais aux transformations concrètes dans la vie du pays. C’est cela que les apprentis intellectuels refusent de voir : la naissance d’une gouvernance de conviction, non de convenance.

AbduDialy est Spécialiste en intelligence des affaires

Des Rives du Saint-Laurent, Canada.

Primary Section: 
Secondary Sections: 
Archive setting: 
Unique ID: 
Farid


Source : https://www.seneplus.com/societe/le-vernis-du-disc...