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Gabon I La bataille des dames de Bongoville

Rédigé par leral.net le Mardi 7 Octobre 2025 à 11:24 | | 0 commentaire(s)|

Bongoville, dans la province du Haut-Ogooué, une bataille électorale incarne la fracture politique qui traverse le Gabon depuis la transition.
D'un côté, Bassalila épouse Olende (34%), candidate du Parti Démocratique Gabonais (PDG), petite-fille d'Omar Bongo et cousine germaine de Malika Bongo, elle prône la continuité. De l'autre, Armelle Doumalewa, épouse Yembi Yembi (42%), Sénatrice de la transition et candidate de l'Union des Bâtisseurs (UDB), porte les couleurs du renouveau sous (...)

- POLITIQUE /

Bongoville, dans la province du Haut-Ogooué, une bataille électorale incarne la fracture politique qui traverse le Gabon depuis la transition.

D'un côté, Bassalila épouse Olende (34%), candidate du Parti Démocratique Gabonais (PDG), petite fille d'Omar Bongo et cousine germaine de Malika Bongo, elle prône la continuité. De l'autre, Armelle Doumalewa épouse Yembi Yembi (42%), Sénatrice de la transition et candidate de l'Union des Bâtisseurs (UDB), porte les couleurs du renouveau sous l'égide du Président Brice Clotaire Oligui Nguema. Cette compétition dépasse les simples enjeux locaux : elle matérialise le clivage entre la nostalgie d'un passé révolu et l'aspiration à tourner la page.

Un contexte national de transition politique

Le Gabon connaît une reconfiguration complète de son paysage politique depuis le 30 août 2023, date à laquelle le général Brice Clotaire Oligui Nguema arrive au pouvoir par la volonté populaire après 14 ans de règne d'Ali Bongo.

Porté par une liesse populaire lassée du règne des Bongo au pouvoir pendant près de 56 ans, le général Oligui Nguema a été porté par les Gabonais désireux de changement. Après une période de transition, il a été élu avec près de 95% des voix lors de l'élection présidentielle de 2025, et a depuis fondé son propre parti politique, l'Union des Bâtisseurs (UDB), officiellement établie le 5 juillet 2025.

Face à cette nouvelle force politique, le PDG, ancien parti au pouvoir, traverse une crise existentielle. Récemment encore, le parti a dû faire face à des vagues de démissions collectives, qu'il a rejetées en invoquant des procédures disciplinaires internes, signe des tensions qui traversent l'ancienne formation au pouvoir. Les derniers résultats des élections au niveau national risquent de sonner le glas pour l'ancien parti au pouvoir.

Bongoville, microcosme de la fracture gabonaise. La candidate de l'ancien régime : Bassalila epse Olende

La candidate du PDG à Bongoville, Bassalila ep Olende, incarne la résistance au changement et la nostalgie de l'ère Bongo. Son discours se veut chantre des Ondimba et de la famille Bongo, car elle affirme avec fermeté que tout le monde à Bongoville doit être au PDG, invitant les électeurs à la reconnaissance envers Omar Bongo pour ses actions passées en leur faveur. Situation qui met en mal les dirigeants du parti, ce qui conduit à une véritable déchirure au sein des instances du parti.

Cette position, perçue comme invective et clanique, lui a valu des critiques même au sein de son propre parti et ce malgré le soutien de Pascaline Bongo. Le PDG, qui se veut dans l'ère du temps, aurait préféré une candidature plus proche du peuple et mieux informée des enjeux à venir, comme la décentralisation. Son incapacité à s'exprimer fait d'elle une candidate mal aimée et peu appréciée ce qui a favorisé le manque de soutiens total du PDG.

Par ailleurs, madame Bassalila peut compter sur le soutien de cadres locaux qui, comme elle, n'ont jamais accepté et avalé la pilule du renouveau gabonais :
· Anatole Kabounou, secrétaire général au ministère des Transports
· Serge Ruffin Okana, secrétaire général au ministère de l'Agriculture
John Peter Avouya, ancien Sénateur
· Malika Bongo, fille d'Ali Bongo et membre du bureau politique du PDG à Bongoville

Sa campagne bénéficierait d'un soutien financier colossal provenant directement de ces personnalités et notamment de junior Bongo Ondimba, selon certaines informations, mais ne voit pas la présence des autres membres influents du PDG.

La candidate du renouveau : Armelle Doumalewa épouse ep Yembi Yembi

Face à elle, madame Doumalewa représente l'alternative. Cette enseignante de philosophie, ancienne Vice Présidente de l'ADERE et ancienne activiste devenue Sénatrice de la Transition, a travaillé pour l'épanouissement des populations de Bongoville. Elle incarne un profil plus intellectuel, engagé, proche des populations et en phase avec les aspirations au changement.

Sa campagne a suscité l'adhesion populaire la plaçant en tête de tous les sondages, de son côté elle bénéficie du soutien d'importantes figures locales qui ont choisi de se ranger derrière le Président Oligui Nguema :

· Dieudonné Founga, Chef de Cabinet du Président de la République,
· Hugues Modeste Odjangou, Directeur Général de la Douane
· Martin Boguikouma, Directeur Général de l'OPRAG
· Certains membres du bureau politique du PDG qui ne s'en cachent presque pas.

Ces soutiens illustrent les divisions au sein même de l'ancien régime, où certains cadres ont choisi d'accompagner et de soutenir l'UDB de Brice Clotaire Oligui Nguema dans sa politique d'un Gabon nouveau et digne d'envie.

La bataille des idées : gratitude contre liberté

Le cœur du débat à Bongoville se résume à une opposition fondamentale : le discours de la reconnaissance obligée envers les Bongo, porté par le PDG, s'oppose à la liberté de choisir un avenir différent, défendue par l'UDB.

La candidate du PDG instrumentalise la mémoire d'Omar Bongo en présentant le vote UDB comme une ingratitude des populations envers l'ancien Président Omar. Cette position, qualifiée de calomnieuse par ses détracteurs, représente une attaque directe à la liberté de choix des électeurs de Bongoville qui refusent d'être en marge du changement.

La question qui se pose est : quelle est la valeur d'une personnalité politique quand son seul argument repose sur l'invective , la culpabilisation et la manipulation des électeurs, plutôt que sur un projet concret pour l'avenir et sa capacité à apporter le changement attendu ?

Le symbole d'une nation à la croisée des chemins

La bataille des dames de Bongoville dépasse largement le cadre local. Elle reflète les tensions qui traversent tout le Gabon, entre :
La nostalgie d'un passé où le PDG et la famille Bongo régnaient sans partage
· L'aspiration au changement incarnée par Brice Oligui Nguema et son projet de renouveau

Le fait que des cadres importants de l'ancien régime aient rejoint le camp du Président, y compris au sein de l'appareil d'État, suggère que la transition gabonaise est un phénomène complexe qui ne se résume pas à une simple opposition entre anciens et nouveaux acteurs politiques.

Alors que le Président Oligui Nguema a promis de diversifier l'économie, rendre le gouvernement plus efficace et inciter au retour des Gabonais de la diaspora, l'élection de Bongoville apparaît comme un test crucial pour mesurer l'ancrage populaire de ce projet face aux survivances de l'ancien régime.

Quel que soit le résultat, une chose est certaine : le Gabon de 2025 n'est plus celui d'avant août 2023, et la volonté de tourner la page exprimée par une partie significative de la population de Bongoville résonne comme un avertissement pour ceux qui voudraient maintenir le pays dans les ornières du passé.



Source : https://www.gabonews.com/fr/actus/politique/articl...