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La compétitivité des Petites et Moyennes Entreprises : Un levier pour la souveraineté économique


Rédigé par leral.net le Vendredi 27 Juin 2025 à 16:40 | | 0 commentaire(s)|

Ce 27 juin, la communauté internationale célèbre la Journée mondiale des micros, petites et moyennes entreprises. Les Petites et Moyennes Entreprises apparaissent au niveau mondial, comme un vecteur essentiel de développement économique et social et joue un rôle vital dans la croissance inclusive et le développement durable, En Afrique, elles sont considérées comme des sources essentielles d’emplois, de revenus, de croissance locale, d’inclusion sociale et de réduction de la pauvreté.

Les PME forment le socle de l’économie sénégalaise, représentant près de la totalité du tissu entrepreneurial et générant une part significative, de l’emploi et de la richesse nationale. Pourtant, leur contribution au développement économique reste en-deçà de leur potentiel, entravée par des défis structurels et institutionnels. Dans un contexte marqué par la quête de souveraineté économique, renforcer la compétitivité des PME apparaît comme une priorité stratégique, pour réduire la dépendance aux importations, stimuler l’industrialisation et créer des emplois durables.

Les PME sénégalaises, bien qu'omniprésentes dans le paysage économique, évoluent dans un environnement contraignant.

L’informalité, estimée à 97% dans ce segment, les prive d’un accès sécurisé au financement, aux marchés structurés et à un dispositif public d’accompagnement articulé. Le processus de formalisation, souvent perçu comme complexe, chronophage et fiscalement dissuasif, dissuade de nombreux entrepreneurs à franchir ce pas, pourtant fondamental. Pour faire de la formalisation une réelle opportunité de croissance, il devient indispensable de simplifier les démarches via des plateformes numériques intégrées, de mettre en place des régimes fiscaux progressifs adaptés aux petites structures avec des incitations (baisse de l’impôt sur les sociétés, relèvement de la contribution global unique, exonérations fiscales) et d’intensifier les campagnes d’information sur les bénéfices à long terme de l’enregistrement officiel.

Par ailleurs, la capacité des PME à innover et à monter en gamme, demeure limitée. Ce déficit d’innovation s’explique notamment par le faible accès aux outils technologiques, l’absence d’études de marché fiables et une offre de formation technique encore insuffisante. À peine 15 % des PME parviennent à différencier leurs produits ou services de manière compétitive sur les marchés locaux ou régionaux. Pour inverser cette tendance, il est crucial de renforcer les passerelles entre les centres de recherche, les universités et les entreprises, en encourageant la co-création, le prototypage et l’expérimentation à petite échelle. L’appui à la certification qualité, l’adoption d’outils numériques de gestion et l’accompagnement à la transformation digitale, doivent également être érigés en priorités, pour booster la productivité.

L’un des obstacles majeurs à la montée en puissance des PME, reste l’accès au financement. Malgré les dispositifs mis en place par l’État et les partenaires techniques et financiers, les PME ne bénéficient que d’une fraction minime des prêts bancaires, autour de 9 %.

Cette situation reflète à la fois la frilosité du système financier vis-à-vis de ce segment, souvent perçu comme risqué et l’absence d’outils d’évaluation adaptés à sa réalité. Les solutions alternatives telles que le crédit-bail, l’affacturage, le microcrédit structuré ou le financement participatif, restent encore peu développées. Une mobilisation plus large, incluant la diaspora, à travers des instruments ciblés comme les “diaspora bonds”, la création de fonds dédiés à l’amorçage et à la croissance et l’introduction de plateformes nationales de scoring de crédit, s’impose pour combler ce déficit structurel de financement.

Un autre levier essentiel de compétitivité repose sur l’intégration des PME aux filières stratégiques de production et aux marchés régionaux. Trop souvent, ces entreprises opèrent en marge des chaînes de valeur dominantes, notamment dans l’agriculture, l’industrie légère ou les énergies renouvelables. Ce cloisonnement limite leur potentiel de croissance, leur visibilité et leur capacité à exporter. Le développement de clusters sectoriels régionaux, dotés d’infrastructures de production, de services mutualisés et de normes harmonisées, permettrait non seulement d’augmenter la valeur ajoutée locale, mais aussi de préparer les PME à profiter pleinement des opportunités offertes par la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf). Encore faut-il que ces entreprises soient accompagnées dans l’adaptation aux standards internationaux, la maîtrise des procédures commerciales et l’intelligence économique régionale.

L’environnement institutionnel constitue un facteur déterminant de performance pour les PME. Trop souvent, les politiques de soutien à l’entrepreneuriat souffrent d’un manque de coordination entre les différents acteurs publics et privés. Les programmes d’appui, bien que nombreux, manquent parfois de lisibilité et de cohérence, réduisant leur impact. La mise en place d’un comité national de pilotage des politiques PME, chargé d’assurer l’alignement des stratégies, de mutualiser les ressources et d’évaluer les résultats, apparaît aujourd’hui comme une nécessité. La professionnalisation des structures d’accompagnement, la consolidation d’un référentiel unique d’intervention, ainsi que l’adoption de mesures fiscales incitatives ciblées renforcerait l’efficacité de l’action publique.

Le cadre d’appui aux PME souffre également d’un manque de cohérence et de lisibilité. La multiplicité des structures d’accompagnement, qu’elles soient publiques, parapubliques ou issues de partenariats, engendre des redondances, des conflits de compétence et une dispersion des ressources. Malgré la mise en place de plusieurs agences, l’absence de coordination entre ces entités nuit à l’efficacité globale du dispositif. Les PME, souvent peu informées, peinent à identifier les services disponibles et à naviguer dans un écosystème trop fragmenté. Une réforme structurelle s’impose, inspirée d’expériences internationales réussies comme celle de la Malaisie ou de l’Île Maurice, avec la création d’un guichet unique ou d’une agence centrale intégrée, assurant à la fois la coordination stratégique, la rationalisation des interventions, et l’optimisation des ressources au service des entreprises.

Enfin, l’accès des PME à la commande publique reste un enjeu central. Alors même que l’État est le principal donneur d’ordre du pays, les petites entreprises rencontrent d’importantes difficultés pour accéder à ce levier de croissance. La lourdeur des procédures, les exigences en matière de garanties financières, la technicité des dossiers ou encore l’absence d’antécédents dans les marchés similaires, sont autant de barrières qui limitent leur participation. Bien que des mesures aient été introduites dans le code des marchés publics pour favoriser la sous-traitance aux PME, voire même la co-traitance et introduire un système de préférences, leur mise en œuvre demeure timide. Pour transformer la commande publique en véritable moteur de croissance pour les entreprises locales, il urge de renforcer la formation des PME sur les procédures, de vulgariser les opportunités existantes, d’encourager la constitution de groupements et d’institutionnaliser un quota de contenu local. Cela suppose également une meilleure structuration administrative et financière des PME, appuyée par des dispositifs ciblés de préparation à la commande publique.

Les PME incarnent l’avenir économique du Sénégal. Leur compétitivité est indissociable d’une vision intégrée, qui associe formalisation simplifiée, innovation accessible, financement inclusif et intégration stratégique dans les marchés locaux, régionaux et mondiaux. Accroître leur performance, c’est poser les bases d’une économie souveraine, plus résiliente face aux chocs exogènes, capable de créer des emplois décents, de produire localement les biens et services essentiels et de projeter son expertise à l’international. En cette Journée internationale des PME, il est plus que jamais nécessaire de réaffirmer leur rôle central dans les stratégies nationales de développement. Faire émerger un tissu de PME compétitives et durables, n’est pas une option, mais un impératif pour bâtir le Sénégal de demain.







Dr. Ibra Mbaye, Économiste – Planificateur
Expert en finances publiques et en développement du secteur privé

Ousseynou Wade