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« Les enjeux et défis d’un classement comme pays le plus endetté », Par Cheikh Sène, Économiste, Enseignant-Chercheur à l’UCAD


Rédigé par leral.net le Samedi 7 Décembre 2024 à 09:25 | | 0 commentaire(s)|

« Les enjeux et défis d’un classement comme pays le plus endetté », Par Cheikh Sène, Économiste, Enseignant-Chercheur à l’UCAD
Être classé comme le pays le plus endetté d’Afrique par la Banque mondiale ou tout autre organisme financier international, peut avoir des conséquences significatives sur plusieurs plans

Détérioration de la réputation internationale

L’intégration d’un pays à un classement défavorable, comme celui des économies en difficulté financière, peut sévèrement entacher son image sur la scène mondiale. Une telle perception ébranle la confiance des investisseurs étrangers, des partenaires commerciaux, et des institutions financières internationales, qui pourraient alors juger ce pays comme présentant un risque élevé. Cela peut dissuader non seulement de nouveaux investissements, mais également compromettre les relations commerciales existantes, affectant directement les flux de capitaux et les opportunités économiques.

Augmentation du coût de l’emprunt

La perception accrue d’un risque de défaut, se traduit directement par une hausse des taux d’intérêt sur les emprunts internationaux. Les créanciers, pour se prémunir contre les risques liés à un éventuel non-remboursement, exigent des primes de risque plus élevées. Cela alourdit considérablement le service de la dette et réduit les marges de manœuvre budgétaires du pays, rendant encore plus difficile le financement de projets de développement ou de services publics essentiels. À terme, ce cercle vicieux peut aggraver la situation économique, en amplifiant le poids de la dette publique.

Impact sur la capacité de financement du développement

Un niveau élevé d’endettement réduit considérablement la marge de manœuvre budgétaire d’un pays, limitant ainsi ses capacités à investir dans des secteurs stratégiques, tels que les infrastructures, la santé, l’éducation et la transition énergétique. Cette situation compromet la réalisation des objectifs de développement durable et freine la croissance économique à long terme.

Dépendance accrue à l’aide internationale et aux institutions financières


Face à une dette excessive, un pays peut se retrouver contraint de recourir davantage à l’aide internationale ou aux financements d’urgence offerts par des institutions telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI). Ces aides, bien que nécessaires à court terme, sont souvent accompagnées de conditions strictes, telles que la mise en œuvre de politiques d’austérité, des réformes structurelles ou des ajustements budgétaires. Ces exigences peuvent avoir des répercussions négatives sur la population, notamment par la réduction des dépenses sociales, tout en restreignant l’autonomie économique et politique du pays.

Effets à long terme sur la souveraineté économique

Une dépendance prolongée à ces mécanismes de financement, peut également réduire la capacité d’un pays à définir et à exécuter ses propres priorités de développement. Cela peut engendrer une perte de souveraineté économique, alors que les politiques nationales se retrouvent dictées par des créanciers ou des donateurs étrangers.

Impact sur la politique intérieure

Face à une dette publique insoutenable, les gouvernements peuvent être contraints de mettre en œuvre des politiques d’austérité pour honorer leurs engagements financiers. Cela inclut souvent des réductions drastiques des dépenses publiques, dans des secteurs clés tels que la santé, l’éducation, les infrastructures, et les programmes sociaux. De telles mesures, bien qu’efficaces pour stabiliser temporairement les finances publiques, peuvent avoir des effets néfastes à long terme. Elles aggravent les inégalités sociales, en privant les populations vulnérables d’un accès adéquat aux services essentiels et compromettent la capacité du pays à investir dans des projets générateurs de croissance, entraînant ainsi un ralentissement économique prolongé.

Tensions sociales et instabilité politique

Les politiques d’austérité, souvent perçues comme injustes, suscitent un mécontentement général, en particulier parmi les classes moyennes et les populations les plus défavorisées, déjà affectées par la hausse du coût de la vie et le chômage. Cela peut conduire à des vagues de manifestations, de grèves et des mouvements sociaux d’envergure, menaçant la stabilité politique. À long terme, un climat d’instabilité peut dissuader les investisseurs étrangers et accentuer les difficultés économiques du pays.

Érosion de la confiance dans les institutions publiques

Les coupes budgétaires et les pressions sociales associées à l’austérité, peuvent également affaiblir la légitimité des gouvernements, en alimentant un sentiment de frustration et de méfiance envers les institutions publiques. Ce manque de confiance rend plus difficile la mise en œuvre de réformes économiques nécessaires et peut exacerber les divisions sociales, freinant ainsi les perspectives de redressement économique.

Perte de souveraineté économique

Lorsqu’un pays atteint un niveau d’endettement insoutenable, il risque de perdre une part significative de son autonomie dans la prise de décisions économiques. Sous la pression de créanciers internationaux ou d’institutions financières telles que le FMI et la Banque mondiale, le pays peut être contraint d’adopter des politiques économiques dictées de l’extérieur. Ces directives, souvent orientées vers des réformes structurelles ou des ajustements budgétaires, peuvent ne pas tenir compte des priorités nationales ou des besoins spécifiques de la population.

Imposition de réformes non adaptées

Ces politiques imposées, qui incluent fréquemment des mesures d’austérité, des privatisations et des réductions des subventions, risquent d’accentuer les inégalités sociales et de freiner la croissance économique à long terme. Par exemple, la réduction des dépenses sociales ou l’augmentation des taxes sur les produits de base, peut aggraver la précarité, affectant davantage les ménages les plus vulnérables.

Fragilisation de l’économie nationale : La dépendance à des créanciers externes limite également la capacité d’un pays à mettre en œuvre des politiques économiques anticrise ou à investir dans des secteurs stratégiques comme l’éducation, la santé, ou les infrastructures. Cela entrave les perspectives de développement durable et peut perpétuer un cercle vicieux d’endettement et de stagnation économique.

Transformer le fardeau de la dette en opportunité : Stratégies pour une relance durable

Alléger la charge financière

Un pays confronté à une dette insoutenable, peut négocier avec ses créanciers pour réaménager les termes de remboursement. Cela inclut des extensions de délais, une réduction des taux d’intérêt, voire des annulations partielles. Par exemple, en 2020, l'Éthiopie a participé à l’initiative du G20 pour la suspension du service de la dette (DSSI), obtenant un report temporaire de ses paiements, ce qui lui a permis de libérer des ressources pour lutter contre les effets économiques de la pandémie de COVID-19. Une restructuration réussie peut offrir un répit essentiel pour réorienter les finances publiques vers des priorités de développement.

Diversification économique : réduire la dépendance aux cycles mondiaux


Un pays dépendant d’une seule source de revenus, comme les exportations de matières premières, est vulnérable aux fluctuations des prix internationaux. La diversification de l’économie, en développant des secteurs tels que l’agriculture de transformation, les services numériques ou le tourisme durable, peut offrir une meilleure résilience. Par exemple, le Rwanda a investi massivement dans les technologies de l’information et le tourisme haut de gamme, diversifiant ainsi ses sources de revenus et atténuant sa vulnérabilité aux chocs externes.

Renforcer la gestion publique et les recettes fiscales

Des réformes structurelles sont cruciales pour assainir les finances publiques. Cela inclut une gestion rigoureuse des dépenses publiques, des efforts accrus pour réduire la corruption, et une optimisation de la collecte des impôts, notamment en élargissant la base fiscale. Par exemple, le Sénégal a mis en place des systèmes de numérisation de l’administration fiscale, augmentant ainsi les recettes et réduisant les pertes dues à l’évasion fiscale. Une telle transparence dans la gestion publique, renforce également la confiance des investisseurs et des citoyens.

Ces pistes, bien qu'efficaces, nécessitent une planification rigoureuse, une coopération internationale et une implication active des citoyens pour garantir leur réussite. L’exemple de pays comme le Rwanda ou l’Éthiopie, démontre qu’une gestion stratégique de la dette et une vision économique à long terme, peuvent transformer une crise en opportunité.





M. Cheikh Sène,
Économiste,
Enseignant-Chercheur (UCAD)
Email : csene997@gmail.com

Ousmane Wade