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Macky en fait trop (Par Momar Seyni Ndiaye)


Rédigé par leral.net le Jeudi 5 Janvier 2017 à 11:01 | | 0 commentaire(s)|

A force de trop vouloir communiquer, le Président prend le risque de voir ses messages embrouillés par une surabondance contre-productive
 
Dans une allocution d’une trentaine de  minutes, Le Président  Macky Sall s’est adressé aux Sénégalais d’ici et d’ailleurs, de manière convenue, sans grand débordement d’enthousiasme. Devant, un climat politique délétère, il a soigneusement évité les dossiers politiques et du contentieux sur le pétrole, sujets qui fâchent. Pas un mot pipé sur la reddition des comptes, qui, jadis, ponctuait ses discours, de 2012 à 2015. Depuis la libération de Karim Wade dans les rocambolesques conditions que l’on sait, plus un mot pipé, sur ce qui apparaissait comme une demande sociale.  Sur le dossier électoral, silence radio, car l’incertitude sur l’organisation des élections, le fichier électoral, empestent encore le climat politique et en polluent l’atmosphère.
 
Ces non-dits, en disent assez, en réalité sur la délicatesse d’une situation politique chargée. Sur la forme technique, de l’allocution télévisée, encore trop de dysfonctionnements, l’ont émaillée. En effet, la linéarité de la lecture, a  plusieurs fois été rompue par des montages hasardeux, qui brusquement projetaient le Président en gros plan, sans assurer les transitions, pour plus de suivi et de cohérence au texte. La posture trop statique du Président n’a pas facilité les choses. L’œil trop rivé sur l’écran témoin, il a singulièrement manqué de naturel. Même si au demeurant, la lecture paraissait impeccable, un tantinet monocorde, il est vrai. Un sérieux exercice sur les intonations, les inflexions de voix et moins de crispation, auraient amélioré la lecture de l’adresse. En rappelant le témoignage de deux maires sur l’impact du PUDC dans leur localité, il a cherché à humaniser son texte.
 
Mais cette digression paraissait tomber comme un cheveu dans la soupe. Ce genre d’insert ou de référence, s’inscrit mieux dans une interview ou une déclaration n’ayant pas la même solennité que cette adresse du 31 décembre. Cet artifice de communication utilisé dans une déclaration officielle, dépare, quelque peu car cette personnalisation à travers d’illustres inconnus, quand bien même viendraient-ils du pays profond, ne suscite pas un grand intérêt chez le téléspectateur, surpris par cette sortie de route. Et qui plus est, cette illustration gagnerait plus de valeur et de sens, si elle provenait des populations elles-mêmes, plutôt d’élus officiels, appartenant ou non à la majorité présidentielle.
 
En somme, comme l’année dernière, la forme du discours a affecté quelque peu, le fond.  Sans doute la sur-communication des activités présidentielles, fait baisser l’intérêt que cette allocution aurait dû avoir. Son long texte ressemblait à du déjà entendu. Cette impression de redondance a été accentuée, par un excès de communication, en permanence servie à tout bout de champ, tous médias confondus. Sans doute aussi, par l’extrême multiplication des occasions de rencontres (tournées économiques, conseils des ministres délocalisés, retours de voyages, interviews accordés aux médias étrangers.)
 
 Sans aucun souci de dosage, des flots d’images et de discours ont essaimé dans la presse privée et publique, reprenant en boucle, la moindre déclaration du Président. Campagnes d’affichages inappropriés, reportages ronflants, pages spéciales fleuves et dithyrambiques, jingles répétitifs, rien n’a été laissé de côté dans l’attirail de la propagande politique classique. La RTS a, de ce point de vue,  battu tous les records d’incantation suscitant manifestement un sentiment de saturation et forcément de rejet. Ou tout au moins d’indifférence.
 
Le Président Macky Sall se plaint souvent des déficiences communicationnelles dont seraient victimes son image et sa visibilité. Il aurait tout à gagner à moduler ses sorties médiatiques  pour éviter l’effet de saturation que ne manquerait pas de susciter ce déploiement continu d’images saupoudrées à longueur de temps. Au bout du compte, l’adage selon lequel, trop lumière finit par éblouir, s’appliquera bien à la gestion de sa communication. En m’absence d’une véritable sélectivité sur les messages-clés, ses réalisations sont enfouies dans ce magma de propagande, repoussant et contre-productif.
 
Qui plus est, cette agressivité irrite tout le monde, et finit par provoquer des réactions d’hostilité  chez les contradicteurs. Surtout que cette démentielle propagande politique, constitue des atteintes au principe de pluralisme et d’équité dans l’accès aux médias publics, transformés en médias d’état, dans le sens le plus péjoratif du terme.
L’engouement qu’aurait dû susciter le message présidentiel, ce 31 décembre a été largement atténué par cette incroyable débauche communicationnelle. Faute de messages innovants, le discours a été en partie « sauvé » par l’annonce sur la baisse du prix de l’électricité.
 
Les prémisses avaient été d’ailleurs tracés, car le Président lui-même en avait jeté les bases, contrairement au Directeur Général de la SENELEC qui avait commis d’avoir trop tôt décrété son improbable occurrence. L’arbitrage du président a été en apparence décisif. Personne ne comprendrait qu’avec le niveau actuel du prix du baril, que le Sénégal, à l’instar des pays voisins ne procédât pas à une décroissance de l’ordre de 10 %.
 
Certes, comme l’on si attendait, il a promis une baisse du prix de l’électricité. Il l’a annoncée, sans envolée  lyrique, car il sait que les consommateurs sénégalais s’attendaient à bien plus. Le prix du baril du pétrole étant passé de 140  à moins de 30  dollars, depuis plus de sept ans. Il est vrai que 700 000 foyers vont devoir bénéficier de cette baisse, pour un pactole de 30 milliards. L’incidence de la baisse n’est donc pas négligeable. Mais, tout de même, le prix de 120 FCFA le kW reste un des plus élevés dans la sous-région. Toutefois, une révision du régime tarifaire aurait pu permettre aux Sénégalais de consommer plus d’électricité, à moindre coût.
 
En effet, la structure tarifaire est telle que plus que le consommateur consomme, plus il paie. Une inversion de la courbe aurait été davantage bénéfique. D’un autre côté plus de la moitié des Sénégalais ne pourra pas en tirer profit, car privée d’électricité. Le chapelet de performances égrené par le Président ne constitue pas en soi une nouveauté. Devant les institutions de Brettons Woods, et les partenaires financiers, devant la clientèle, lui-même et le Ministre des finances, ont clamé haut fort, l’atteinte d’un taux de croissance de 6,6 %. Il confirme effectivement un  certain frémissement, à l’image du taux de croissance de plus 6 % une moyenne dans la sous-région. La Côte d’Ivoire qui taquine la croissance à deux chiffres se place dans l’orbite de la croissance inclusive. Le Sénégal est tout de même sorti de la léthargie de 2012 (avec 4,5 %). Et  ce bond réalisé est assez appréciable, même si les données conjoncturelles prédominent  à présent sur une visibilité structurelle. A preuve, en un an, notre croissance n’a progressé que de 0,1 %, insuffisant à  relancer véritablement l’économie nationale, encore moins a créer des emplois.
 
Le rapide survol de la création d’emplois, dans le discours présidentiel, prouve qu’à ce niveau, les performances sont ridiculement basses. On pourrait pu en dire autant de la pêche et du tourisme en stagnation permanente, en dépit des investissements consentis dans la construction de quais de pêche et d’espaces de production. Quid de l’agriculture, qui malgré une augmentation des surfaces emblavées et des productions (riz, céréales, horticulture), les filières restent malades de leurs irrationalités structurelles. Pas plus d’ailleurs que dans l’industrie où malgré de fortes hausses de production (phosphates, acide phosphorique, or, zicron), notre tissu reste essentiellement extractive, avec tout ce que cela inclut comme perte de valeur ajoutée. Bon point en revanche, sur les investissements en infrastructures routières et ferroviaires, même si  des priorités essentielles comme le désenclavement routier des régions sud, est laissé en rade. Le volet social est en marché et donne des résultats probants en termes de lutte contre la pauvreté.
 
Cependant, la persistance des déserts administratifs dans les zones frontalières (abris provisoires, absence de structures de santé, de la poste, d’électricité, de réseaux d’eau et de téléphone), constitue un tissu de frustrations très mal vécues par des milliers de villages frontaliers. Le programme de réalisation de 300  forages s’exécute et le président a également annoncé, un élargissement du PUDC sur le volet énergie avec un investissement de 60 milliards.
 
En somme, si la baisse du  prix de l’électricité, et l’annonce d’une vaste campagne d’électrification rurale restent de bonnes nouvelles, l’autosuffisance en riz ne serait pas atteinte en 2017, comme promis. Il n’en sera pas également de même pour la création des 300 .00 emplois. Pour l’heure, le pilotage du Plan Sénégal Emergent laisse entrevoir de réels espoirs, mais il ne faut que les effets d’annonce aux allures politiciennes tuent soient les sources de rendez-vous ratés.  A force de trop vouloir communiquer, le Président prend le risque de voir ses messages embrouillés par une surabondance contre-productive
 
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