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Maire et Ministre: L’inefficacité programmée d’une gestion locale par procuration


Rédigé par leral.net le Jeudi 3 Mars 2022 à 18:59 | | 0 commentaire(s)|

Maire et Ministre: L’inefficacité programmée d’une gestion locale par procuration
Depuis la nouvelle révision constitutionnelle du 10 Décembre 2021 portant restauration du poste de Premier ministre, pas un seul événement n’a pu dissiper le climat pré-remaniement.

Ni l’installation des Maires et Présidents de Conseils départementaux ni l’immense ferveur née du sacre des "Lions" à la CAN ni l’inauguration parfaitement réussie d’une infrastructure de dernière génération, en l’occurrence le stade Abdoulaye Wade de Diamniadio ni la revendication légitime des enseignants pour que cesse l’apartheid, dont ils sont victimes dans le système de rémunération de la Fonction publique et à qui on a souvent servi le fallacieux argument du nombre qui risque d’avoir un effet immense sur la masse salariale de la Fonction publique, un argument qui ne tient sur rien, nous allons le démontrer prochainement..., n'ont détourné les Sénégalais de l’imminente nomination d'un nouveau Premier ministre.

Aussi, l’actualité mondiale marquée par la guerre en Ukraine et l’attitude de pays comme la Chine, l’Inde, les pays africains et d’autres pôles étatiques dont la posture mérite une lecture aussi bien diplomatique que réaliste, n’y est, non plus, pas parvenue… Bref !!!

Le remaniement ministériel est au cœur de l'actualité sénégalaise d'ici et de la Diaspora, alimentant presque toutes les discussions, tchats, zappings, etc. Cet environnement pré remaniement ministériel a fini de transformer "une certaine presse” en agences d'intérim, montrant avec insistance le « parcours » ou le CV de maires qui ont gagné leurs localités, reléguant au second plan, leur mission première qui consiste à informer juste et vrai, à « offrir aux téléspectateurs, lecteurs et auditeurs, une information rigoureuse, diversifiée et basée sur des faits, afin qu’ils se forment une opinion libre et éclairée », socle de toute vraie démocratie.

Mais à l’ère d’une expression citoyenne libérée par les réseaux sociaux, cette « certaine presse », du haut de son statut de 4e pouvoir, devrait adopter une posture républicaine, dès lors qu’elle s’expose à la sanction critique du seul véritable pouvoir, celui du Peuple. Alors, pourquoi cette tendance insidieuse à nous rabâcher l’idée qu’être élu maire, doit être un « collatéral » pour une nomination au poste de ministre de la République ? Pourquoi, dans son back-office, travailler à faire passer comme beaucoup d'autres, le concept de Maire-Ministre ou de Ministre-maire, selon l'angle par lequel vous le prenez…

Maire-Ministre, une pratique inefficace et incompatible avec la logique de performance...


Se suffire au fait que la loi le permet, est « un exutoire », porteur de facilité et de raccourcis d'une autre époque, car l'apartheid, la colonisation et tant d'autres abominations, ont été légalisés par l’humain…En France, « pays de la loi », il est d'usage qu'un ministre n'exerce pas le mandat de maire, bien que cette règle ne soit pas écrite, elle a été rappelée par l'ancien Premier ministre, Edouard Philippe, en 2019. Donc, au-delà de la légalité du procédé "Maire-Ministre" ou « Ministre-Maire », il est essentiel de voir son efficacité et son efficience, surtout que la demande de services publics au niveau local est d'une acuité sans nom.

Il convient alors d’interroger les missions et attributions liées à chacune de ces fonctions (maire et ministre), pour se rendre à l’évidence de l'incompatibilité effarante du point de vue de l'efficacité. Les « fiches de poste » du Maire et du Ministre sont suffisamment éloquentes.

En effet, la loi 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code générale des Collectivités territoriales a précisé de façon claire, à son article 106, les charges ô combien importantes assignées au maire. « Le maire est le représentant de la collectivité territoriale. A ce titre, il est chargé, sous le contrôle du conseil municipal : (1) de conserver, d’entretenir et d’administrer les propriétés et les biens de la commune et de faire, en conséquence, tous actes conservatoires de ses droits ; (2) de gérer les revenus, de surveiller les services communaux et la comptabilité communale ; (3) de préparer et de proposer le budget, d’ordonnancer les dépenses et de prescrire l’exécution des recettes ; (4) de diriger les travaux communaux ; (5) de veiller à l’exécution des programmes de développement financés par la commune ou réalisés avec sa participation ; (6) de pourvoir aux mesures relatives à la voirie municipale ;(7) de souscrire les marchés, de passer les baux des biens et les adjudications des travaux communaux selon les règles établies par les lois et règlements ; (8) de passer, selon les mêmes règles, les actes de vente, d’échange, de partage, d’acceptation de dons ou legs, d’acquisition, de transaction, lorsque ces actes ont été autorisés par le conseil municipal ; (9) de représenter la commune en justice ; (10) de prendre, à défaut des propriétaires ou des détenteurs du droit de chasse préalablement mis en demeure, toutes les mesures nécessaires à la destruction d’animaux déclarés nuisibles par les lois et règlements, et éventuellement de requérir les habitants avec armes et chiens propres à la chasse de ces animaux, de surveiller et d’assurer l’exécution des mesures ci-dessus et d’en dresser procès-verbal ; (11) de veiller à la protection de l’environnement, de prendre en conséquence les mesures propres, d’une part, à empêcher ou à supprimer la pollution et les nuisances, d’autre part, à assurer la protection des espaces verts et, enfin, à contribuer à l’embellissement de la commune ; (12) de nommer aux emplois communaux ; (13) d’apporter assistance aux lieux de culte ; et (14) d’une manière générale, d’exécuter les décisions du conseil municipal.

Au titre de cette même loi, « le maire ou son délégué représente l’administration communale dans tous les conseils, commissions et organismes dans lesquels sa représentation est prévue par les lois et règlements en vigueur ». Les articles 118, 119, 120, 121,122, 123, 124, 125 et 126 confirment avec force l’immensité des responsabilités du maire notamment en matière de police municipale. En effet, l’offre de service public de proximité permettant aux citoyens d’avoir accès à la sureté, la tranquillité, la sécurité, la salubrité publique font partie intégrante des responsabilités du maire.

Dès lors, comment comprendre qu’on puisse penser un seul instant, dans la perspective 2022-2027, pouvoir concilier ou rendre compatible un cumul Maire-Ministre plein ou ministre avec portefeuille ? C’est pourtant connu, un ministre plein a une double responsabilité : une responsabilité politique et une responsabilité administrative. Sa responsabilité politique s’assume au travers du rôle qui lui revient d’impulser et de mettre en œuvre la politique gouvernementale définie par le chef de l’Etat, Son Excellence le Président Macky Sall, dans le secteur qui est lui est confié. C’est une responsabilité à assumer au Conseil des Ministres et devant le Parlement. Au plan administratif et technique, la fonction qu’il occupe, fait du ministre le supérieur hiérarchique des fonctionnaires et services rattachés à son département ministériel, tout en exerçant un contrôle de tutelle sur les établissements publics relevant de son secteur.

Le Ministre est ainsi appelé, dans la prise en charge de sa mission stratégique et technique, à participer à la définition des Lettres de politiques sectorielles (LPS) et du cadre stratégique du Document de Programmation Pluriannuelle des Dépenses (DPPD). Il assure le pilotage du secteur à lui confié, il préside les réunions de coordination, chapeaute le suivi et la validation technique des dossiers relevant de ses services. Il est donc attendu de lui des « know-how », afin de légitimer le choix que le Chef de l’Etat a placé en sa personne. Ses compétences de manager et de leader sont mises à contribution au quotidien et à chaque instant.

Tenant compte de l’étendue de ces « fiches de poste », oser en recommander la compatibilité ou le cumul, revient à fouler au pied toute recherche d’efficacité et d’efficience. D’autant plus que depuis 2014, avec la généralisation du budget-programme, l’Etat promeut la gestion axée sur les résultats et sur la performance.

D’ailleurs, en utilisant deux indicateurs simplistes comme le taux de participation (présences et présentiel, prendre part, assister, être présent, etc.) et le coefficient d’efficacité (degré d’atteinte des objectifs par la production de livrables), et connaissant fort bien la sociologie sénégalaise, le Maire-Ministre privilégie sa mission de ministre et relègue au tiers plan, sa mission et ses responsabilités de Maire. Ainsi, il devient pour sa collectivité un absentéiste du premier ordre et un fantôme des temps modernes.

Cette posture du maire absentéiste est la première cause de "traumatisme" de nos collectivités territoriales. Au surplus, si l’on considère (i)la volonté ferme et affirmée d’"accélérer la cadence" et le mode "fast-tract" matérialisée par le programme d’actions prioritaire ajusté et accéléré (PAP 2A) du PSE, (ii) la situation nationale très éprouvante en matière de chômage avec plus de 200.000 jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi chaque année, donc 1.200.000 jeunes depuis 2014 sans une offre adéquate d’emplois malgré les dispositifs existants et qui font de leur mieux (Der, Fnpef, Fongip, BNDE, Anpej, Prodac, etc.), (iii) le contexte mondial qui présage une augmentation du prix du baril du pétrole d’ici la fin du mois de Mars 2022 selon le modèle Shok de Bloomberg Economics/articles/2022-02-13/100-oil-threatens-tocompound-word-economy-s-inflation-shock, qui est à plus de 110 dollars US pour la première fois depuis 2014 et, enfin, (iv) le contexte mondial tout récemment marqué par la guerre en Ukraine avec ses conséquences immédiates sur les cours du blé, du gaz, du pétrole, etc….alors, vouloir confiner la gestion du Sénégal (déconcentré et décentralisé) à une toute petite poignée (entre 600 à 700 personnes au maximum), ressemble fort à un mode de gouvernance du Sénégal des années 60.

Le procédé Maire-Ministre fait la promotion de l'absentéisme, contre-valeur à dénoncer pour ne point l’inculquer à notre jeunesse ; Le procédé Maire-Ministre fait l'apologie d'une gestion des Collectivités territoriales depuis Dakar; ce qui peut traduire une recentralisation, car comment comprendre gérer la proximité d'une CT de Saint Louis, de Kolda, de Matam, etc., depuis Dakar; Le procédé Maire-Ministre n’est ni plus ni moins qu’un renoncement à la noble mission que les populations d'un terroir ont confiée à leur illustre élu; Le procédé Maire-Ministre installe une confusion dans la prise en charge des tâches pour l'une ou pour l'autre fonction; Le procédé Maire-Ministre cause un traumatisme sans précédent aux collectivités territoriales qui, dans la plupart des cas, sont inefficaces car étant administrées par procuration.

Sous un autre angle, le procédé Maire-Ministre est une forme d’accaparement des ressources, une violence inouïe infligée à un peuple très bien formé (disposant de masse critique énorme de ressources humaines dans tous les domaines). C’est, à la limite, un "détournement de pouvoir" dans un système démocratique où le leitmotiv doit être « un pouvoir du peuple, par le peuple et pour, le peuple ». Vive la République !!! Vive le Sénégal !!!






Mamadou Dione,
Coordonnateur national des Cadres de l’Union centriste du Sénégal (UCS)



Ousmane Wade