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Jeudi 8 Avril 2021

Mémorandum du Gouvernement sur les évènements de février: Affaire Ousmane Sonko-Adji Sarr, manifestations, conséquences...




I SUR LES FAITS

Le 03 février 2021, une jeune Sénégalaise du nom de Adji Rabi Sarr portait plainte auprès de la Brigade de Recherches de la Gendarmerie Nationale contre Monsieur Ousmane Sonko, député à l’Assemblée nationale et Président du parti « PASTEF LES PATRIOTES ».

Elle l’accuse alors de viols répétés et de menaces de mort. L’enquête, ouverte selon la procédure prévue en la matière, devait amener les gendarmes, après avoir entendu la plaignante, à auditionner le mis en cause.

Convoqué, Ousmane Sonko s’est retranché derrière son immunité parlementairen pour refuser de déférer à cette demande des gendarmes. Pour se conformer à la procédure prévue en la matière, le procureur de la République, Chef des enquêteurs, a saisi le juge d’instruction compétent qui a sollicité la levée de l’immunité parlementaire du député.

C’est ainsi que l’Assemblée nationale régulièrement saisie de la demande et en application de l’article 53 de son règlement intérieur, a engagé la procédure et a mis en place la Commission ad hoc prévue par la loi, à l’effet d’examiner la demande.

Ousmane Sonko et certains de ses collègues députés commis pour sa défense et pour siéger au nom de l’opposition dans ladite commission, ont opté pour le boycott, refusant de siéger, de comparaître et de défendre leur collègue.

La procédure s’est poursuivie alors régulièrement jusqu’à son terme et a abouti sans aucune contestation possible (CF décision du Conseil Constitutionnel du 17 Mars 2021), à la levée de l’immunité parlementaire du député Sonko, permettant ainsi la poursuite de la procédure devant le juge d’instruction.

C’est sur ce fondement que le juge, après avoir fait respecter scrupuleusement la procédure, a adressé une convocation à Ousmane Sonko, à se présenter devant lui aux fins d’audition, et ce, pour la date du 03 mars 2021.

Or, à plusieurs reprises, Ousmane Sonko avait déclaré qu’il ne répondrait pas au juge, avant de se raviser et accepter enfin de déférer à la convocation sur incitation dit-il, de son marabout et autres intervenants.

C’est alors que sur le chemin du Tribunal, il a orchestré tout un stratagème, mobilisant ses sympathisants. Son jeu ne consistait ni plus, ni moins qu’à organiser un dilatoire public, pour ne pas se rendre devant le juge ou à tout le moins, y aller sous ses propres conditions.

Bien évidemment, ce qu’il recherchait n’était autre que de provoquer un attroupement, soulever des troubles ou pis encore, lancer un appel à une résistance populaire devant empêcher sa comparution.

Ainsi, en violation de la loi et enfreignant toutes les règles interdisant les rassemblements et autres attroupements du fait de l’Etat d’urgence sanitaire décrété alors à cause de la pandémie du Covid-19, Ousmane Sonko et sa garde rapprochée ont résisté aux injonctions des forces de l’ordre, troublant ainsi gravement l’ordre public et installant la violence dans certains quartiers de Dakar.

Il est donc interpellé sur ces entrefaites et ce, conformément aux lois et règlements en la matière et placé en garde-à-vue.
Il lui est alors reproché outre la rébellion, des manœuvres et actes de nature à compromettre la sécurité publique, délits prévus et punis aux articles 185 et 80 du Code Pénal.

Le juge enquêteur n’avait donc d’autre choix que de lui délivrer un mandat d’amener, ce qu’il fit pour le 05 mars en son cabinet, avant de renvoyer le dossier au 08 mars. A cette date, Ousmane Sonko est inculpé et placé sous contrôle judiciaire. Or, du jour de sa première convocation (03 mars) à celui de son inculpation, (08 mars) le pays a connu des scènes de violences inouïes et ce, à l’instigation assumée de Ousmane Sonko.

Ses déclarations publiques et répétées le prouvent à suffisance.

II. SUR LES DECLARATIONS DE OUSMANE SONKO

Ousmane Sonko est le seul citoyen sénégalais qui, se considérant au-dessus de la loi, s’arroge le droit absolu de refuser de répondre à la justice.

Les éléments factuels ci-après le démontrent.

En effet :

Avant la levée de son immunité parlementaire, Ousmane Sonko a d’abord nié, le 06 février 2021, via les réseaux sociaux, les accusations de Adji Raby Sarr.

Poursuivant ses dénégations, il a tenu à son domicile, le 07 février 2021, une déclaration à la presse, pour apporter un démenti et tenter de justifier sa présence au niveau de l’Institut SWEET BEAUTE SPA, lieu où les faits se sont passés. Il finira par abandonner ses dénégations et avoua s’y être rendu à plusieurs reprises pour des massages prodigués par la plaignante, tout en niant toute autre relation avec cette dernière.

Cependant, cet exercice de justification devant la presse et ses militants, s’est vite transformé en réquisitoire contre des autorités de l’Etat, notamment le président de la République, le Ministre de la Justice, le Ministre de l’Intérieur et le Procureur de la République, qui seraient tous, selon lui, impliqués, dans ce qu’il appelle « un complot politique ».

Il s’est alors présenté comme un « persécuté » en tant qu’opposant du pouvoir et du système en place, pour justifier son refus de déférer à la convocation de la Section de Recherches tant que son immunité parlementaire n’était pas levée. Tirant les conséquences éventuelles de ce refus, il a demandé à ses partisans « de se mobiliser et de résister par tous les moyens si l’Etat décidait de le cueillir de force ».

• La déclaration de presse du 25 février 2021

Organisée sciemment la veille de la séance plénière de l’Assemblée Nationale qui devait se prononcer sur la demande de levée de son immunité parlementaire, Ousmane Sonko, a réitéré les accusations et diatribes contre les personnalités précédemment citées, mais aussi contre les magistrats en charge du dossier, qu’il déclare récuser. Ainsi disait-il ceci : « c’est connu de tous, tous les coups foireux contre les opposants politiques au régime de Macky Sall passent par ce triangle des Bermudes judiciaire : Serigne Bassirou Guèye, Samba Sall, Mamadou Seck ».

Il a jeté ainsi le discrédit sur la Justice et affiché une volonté manifeste de dénaturer le fond d’une affaire privée, qu’il cherche, depuis le début, à transférer sur le terrain politique. D’ailleurs, toute la liturgie qu’il a développée durant ces différentes sorties, n’avait pour seul objectif que de convaincre ses partisans et sympathisants de la réalité d’un complot contre sa personne. Et c’est prétextant ce complot qu’il a réitéré son refus de déférer à la convocation des enquêteurs, même en cas de levée de son immunité parlementaire, alléguant, cette fois-ci, des irrégularités dans la procédure parlementaire.

Aussi, invoque-t-il « son droit constitutionnel, naturel, individuel à la résistance et à l’oppression », traduisant ainsi sa ferme détermination à se soustraire de la procédure légale et à aller vers la confrontation. L’appel lancé à ses militants et sympathisants, à « faire bloc et (se) dresser contre ce projet d’effacement de notre démocratie », à prendre leurs responsabilités en ces temps obscurs, à se lever pour faire face au Pouvoir qui ne « respecte ni droit ni procédure » et qui ne « connaît que les rapports de force », en constitue une parfaite illustration. En affirmant, sans ambages, « qu’on ne pouvait pas vouloir une chose et son contraire ; que le temps était venu de se battre au prix de sa vie », il invitait les jeunes au soulèvement, à la révolte et à ne montrer « aucun signe de faiblesse ».

Cet appel à la violence, qu’il qualifie de révolution, trouvera un écho favorable auprès de ses inconditionnels, puisque la levée de son immunité parlementaire, le lendemain de sa déclaration, a déclenché un nouveau cycle de troubles.

Après la levée de l’immunité parlementaire du député Ousmane Sonko

• La déclaration de presse du 02 mars 2021

Lors de cette déclaration, faite la veille de sa convocation par le juge d’instruction, Ousmane Sonko a affirmé finalement accepter de déférer à celle-ci. Ce changement de posture est, selon lui, le résultat des conseils de ses avocats, de son marabout ainsi que de la médiation de membres de la société civile.

Malgré cette volte-face, il n’a nullement appelé à l’apaisement. Au contraire, il a réitéré ses appels à la résistance, félicité les jeunes qui s’étaient érigés en bouclier et avaient fait face aux forces de l’ordre lors des émeutes du 08 février 2021 et appelé ses militants et sympathisants à « rester mobilisés » et à « se tenir prêts » pour le « mortal kombat ».

• Menaces contre les autorités étatiques

Dénonçant les arrestations, « enlèvements ou brutalités » de la part des forces de l’ordre, des partisans de Ousmane Sonko, dont de hauts responsables de son parti, ont proféré des insultes et menaces, y compris de mort, contre des autorités de l’Etat, dont le Ministre de l’Intérieur, le Procureur de la République, le Doyen des Juges et le juge du 8e Cabinet.

Tous ont lancé des appels via les réseaux sociaux pour la commission d’actes de nature à compromettre la sécurité nationale. De son côté, Ousmane Sonko, loin d’aller à l’encontre des déclarations de ses partisans, a surenchéri, en déclarant : « nous allons y laisser des plumes, mais Macky Sall peut y perdre le pouvoir ».

• Après la libération de Monsieur Ousmane Sonko

Libéré le 08 mars 2021 et placé sous contrôle judiciaire, Ousmane Sonko a fait, le même jour, une nouvelle déclaration à la presse. En effet, il est encore revenu sur ses accusations contre le régime en place, à qui il impute la responsabilité des violences notées durant les jours précédents, en passant sous un silence ses appels à l’insurrection et à la violence.

Ces accusations, poussées à leur paroxysme, le conduiront à dénier au président de la République la légitimité à diriger le Sénégal, incitant le peuple à marcher sur le palais et à le sortir de force.

Il ressort de ces déclarations que, depuis le début de cette affaire, rien n’a varié dans le discours violent et insurrectionnel de Ousmane Sonko. Au contraire, son arrestation et sa libération, semblent l’avoir conforté dans sa volonté, d’une part, de transformer une affaire privée en affaire d’Etat et, d’autre part, d’imposer un rapport de force au Pouvoir.

III. LES CONSEQUENCES ENGENDREES

Au niveau national

Les appels à la résistance ci-avant énumérés ont reçu un écho favorable auprès de nombreux jeunes en colère contre le pouvoir, du fait de la rigueur des mesures de restriction de tous ordres liées à la pandémie.

Ces déclarations séditieuses entraîneront à nouveau une série de manifestations, de violences, de pillages et d’actes de vandalisme, puisque dès la matinée du 03 mars 2021, ses partisans ont afflué devant son domicile et sur l’itinéraire qu’il devait emprunter pour répondre à la convocation du juge, conduisant là aussi à des troubles violents qui entraîneront son interpellation ainsi que celle d’autres manifestants.

Les régions de Dakar, Kaolack, Kolda, Sédhiou, Thiès et Ziguinchor ont été fortement touchées par des vagues de manifestations aux conséquences dramatiques.

Ces manifestations, d’une rare violence, ont en effet occasionné treize (13) décès, plus de trois cent (300) blessés parmi les manifestants et plus de cent (100) du côté des forces de l’ordre. Elles ont aussi provoqué des dégâts et pertes matérielles inestimables, dont le décompté et l’évaluation sont encore en cours.

Déjà, le premier bilan fait état de plus de cent quarante-cinq (145) édifices et biens publics saccagés, plus de cent trente-neuf (139) biens privés y compris des maisons, des magasins, des stations-service et des banques, tous attaqués et pillés, parfois par des individus armés.

Le tableau détaillé joint à ce document, renseigne sur les attaques ciblées et l’ampleur des dégâts enregistrés durant ces manifestations.

A ce propos, il convient de faire remarquer que malgré ce cycle de violences extraordinaire, de pillages et de saccages de biens publics et privés, aucun bien appartenant au député Ousmane Sonko, à ses partisans ou même à un membre de l’opposition, n’a été ciblé.

Plus grave, les manifestants comme orientés et téléguidés, s’en sont pris à des biens appartenant à des investisseurs étrangers (AUCHAN, TOTAL, entre autres.) mais surtout, à tout ce qui peut symboliser ou incarner les institutions de l’Etat (Préfectures, brigades de gendarmerie, tribunaux etc...)

Jamais le Sénégal n’a connu cette orientation manifeste dans la violence de l’attaque à des biens publics.

Au niveau international

A Bordeaux, Marseille, Paris, Rome, Madrid, Barcelone, Ottawa et New York, les Ambassades et Consulats du Sénégal ont rendu compte de manifestations ou de programmation de protestations de militants et sympathisants du parti PASTEF.

Dans ces villes, à l’exception de New York (déploiement des forces de l’ordre), les manifestations ont été menées par des groupes de personnes rassemblés devant les locaux des chancelleries.

IV. POSITION DE L’ETAT

Face à cette crise majeure, l’Etat du Sénégal, de par la solidité de ses Institutions, a fait montre d’une attitude exemplaire. En effet, à aucun moment, instruction n’a été donnée de tirer sur les manifestants malgré les violences exercées sur les Forces de l’ordre présentes sur le terrain et dans les casernes.

De même, le Gouvernement s’est gardé de se prononcer sur cette affaire déjà pendante devant la justice, en dépit des vaines tentatives de Ousmane Sonko à vouloir, à tout prix, transformer une affaire de viol en un sordide complot politique, par ses sorties médiatiques et de celles de ses partisans.

Le Gouvernement est resté lucide et responsable pour laisser la justice faire son travail en toute sérénité, dans le respect strict des lois et règlements de la République.

Une fois le calme revenu, le président de la République s’est adressé à la Nation par un message solennel, le 08 mars 2021.

S’adressant à tous, il a exprimé sa compassion aux victimes des manifestations, personnes physiques ou morales, présenté ses condoléances aux familles ayant perdu des proches et formulé des vœux de prompt rétablissement aux blessés.

Le président de la République a surtout tenu à magnifier le travail remarquable des forces de l’ordre, saluant leur professionnalisme et leur retenue, sans lesquels les pertes en vies humaines auraient pu être pires devant la violente furie des manifestants.

Réitérant son attachement indéfectible à la paix sociale et à la concorde nationale, le Chef de l’Etat a déclaré :

« Rien ne m’importe plus que la préservation de ce qui forme l’âme de la Nation Sénégalaise, son cœur battant, sa source de vie et d’épanouissement : c’est-à-dire l’attachement aux valeurs du vivre ensemble dans la paix, la sécurité, la liberté, la démocratie, la tolérance et le respect de nos diversités ».

Poursuivant, il a lancé un appel solennel au calme et à la sérénité, invitant les Sénégalais de tous bords, à taire les rancœurs, à éviter la logique de l’affrontement et à privilégier le règlement des divergences par des voies pacifiques, saluant publiquement les efforts déployés par différents groupes sociaux, notamment les Khalifes Généraux, le Clergé catholique, les autorités coutumières, les membres de la classe politique, y compris de l’opposition, de la société civile, des syndicats et du patronat, qui se sont investis pour restaurer la concorde sociale.

Répondant aux préoccupations et à la colère des jeunes qui sont massivement descendus dans les rues, le président de la République s’est engagé à réorienter les allocations budgétaires vers leurs besoins urgents en termes de formation, d’emploi, de financement de projets, d’accompagnement dans l’entrepreneuriat et de soutien au secteur informel.

Dans ce sillage, le Chef de l’Etat a annoncé un allègement immédiat du couvre-feu instauré dans les régions de Dakar et de Thiès, dans le cadre de l’Etat de catastrophe sanitaire, le fixant de minuit (au lieu de 21 heures) à 05 heures, prélude à un retour progressif à la normale.

Cette adresse à la Nation tant attendue, les mots forts en symboles et en sens employés, ont incontestablement porté leurs fruits.

Suite à cette prise de parole et aux fortes mesures sécuritaires prises, tout est rentré dans l’ordre. Les jeunes sont restés chez eux, les populations ont pu vaquer tranquillement à leurs occupations et aucun incident n’a, par la suite, été enregistré. Cette posture, forte, républicaine et responsable du président de la République, a permis de décanter la situation, de calmer les esprits, de rassurer les amis du Sénégal et surtout, de ramener la paix et la sérénité.

En vérité, cette affaire aura, au-delà de ses effets dommageables, prouvé que le Sénégal reste une République forte, aux Institutions solides et ancrées et qu’il est surtout une démocratie ouverte et respectable.

Une démocratie qui peut être vulnérable comme toutes le sont, mais une démocratie forte, respectueuse du droit de ses citoyens et soutenue par un Etat de droit, fort dans tous ses pouvoirs régaliens.

Si l’intention était clairement de s’attaquer à ce modèle institutionnel, alors le projet aura lamentablement échoué.

C’est conscients de cela que les porteurs de ce funeste projet tentent de se déporter sur une responsabilité supposée de l’Etat dans les dommages et les pertes en vies humaines subies.

N’eût été l’attitude républicaine des forces de l’ordre qui ont agi avec professionnalisme, sang-froid et retenue pour garantir la sécurité des personnes et des biens, il y aurait eu des conséquences beaucoup plus importantes.

Par ailleurs, si Ousmane Sonko avait accepté de répondre à la justice comme tout justiciable de quelque niveau où il se trouve, rien de tout cela ne serait arrivé.

Le Sénégal, est un Etat de droit qui garantit la présomption d’innocence reconnue à tout justiciable mais aussi, le droit pour toute présumée victime de faits répréhensibles, de voir sa cause entendue. Un Etat de droit qui garantit à chaque citoyen le libre exercice de ses libertés et la pleine jouissance de ses droits, sans entrave aucune.

Un Etat de droit qui protège ses citoyens contre tous les abus, toutes les violences et atteinte à leur intégrité.

C’est pour cela, en respect de ces principes sacro saints que le Gouvernement a décidé souverainement de mettre en place une commission d’enquête libre et indépendante, afin que toute la lumière soit faite sur ces malheureux événements et que surtout, les responsabilités soient situées.

Dégâts et pertes causés par les manifestations populaires


Nombre de personnes décédées: 10. Cependant, il est recensé 02 corps sans vie supplémentaires, dont 01 non identifié et 01 autre, malade mental de son état, ramassé dans la rue par les Sapeurs-pompiers lors des manifestations. Leur décès ne serait pas lié aux manifestations.

Nombre de blessés civils : 303
Nombre de blessés FSD : 100
Nombre d’édifices et biens publics: 145
Nombre de biens privés: 139

Message à la Nation de S.E.M. Macky Sall, président de la République

Mes chers compatriotes,

J’ai souhaité m’adresser à vous ce soir pour vous entretenir de la situation qui prévaut dans notre pays.
Nous sommes tous témoins des manifestations d’une rare violence qui ont éclaté ces derniers jours à Dakar et dans d’autres localités, causant des pertes en vies humaines et d’importants dégâts matériels.

Ce soir, mes pensées vont d’abord aux victimes de ces malheureux événements et à toutes les personnes, physiques et morales, impactées par les manifestations.

Je salue la mémoire des défunts et présente mes condoléances à leurs familles. Je souhaite prompt rétablissement aux blessés.
Nous sommes une seule famille, unie par une histoire qui nous assigne un destin commun. Chaque vie perdue est un deuil pour la Nation. C’est pourquoi l’Etat viendra en aide aux familles endeuillées et facilitera l’accès aux soins des blessés.

Devant tant de violence inouïe, où des enfants et des femmes ont été mis, de façon organisée, en première ligne dans les scènes de casses et de pillages, nos Forces de défense et de sécurité ont, fort heureusement, fait preuve de professionnalisme, de discernement et de retenue. Autrement, le bilan aurait été plus lourd.

Nous avons vu des édifices publics et des symboles de l’Etat attaqués ; des commerces et autres biens privés, pillés et réduits en cendre. Ce sont des années d’investissement et de dure labeur qui ont été anéantis. Rien, ni aucune cause ne saurait justifier ces actes regrettables.

Chacun, avec ses choix et ses opinions, dans le respect des autres, nous pouvons et devons régler nos divergences autrement que par la violence destructrice ; parce que, quels que soient nos choix politiques et nos ambitions, nous sommes une seule famille, et nul d’entre nous ne peut avoir un destin séparé de celui la nation sénégalaise.

Voyageurs dans le temps, nous sommes dans une barque dont nous descendrons pour laisser la place à d’autres.
Notre salut individuel et collectif nous commande de voyager ensemble en consolidant les fondements de la barque et non en les détruisant. Il y va aussi de l’avenir de nos enfants et des générations après eux.

Rien ne m’importe plus que la préservation de ce qui forme l’âme de la nation sénégalaise, son cœur battant, sa source de vie et d’épanouissement : c’est à dire l’attachement aux valeurs du vivre ensemble dans la paix, la sécurité, la liberté, la démocratie, la tolérance et le respect de nos diversités.

C’est pourquoi j’invite au calme et à la sérénité. Tous, ensemble, taisons nos rancœurs et évitions la logique de l’affrontement qui mène au pire.nDans cet esprit, j’ai reçu pendant ces deux derniers jours les Envoyés des Khalifes généraux, des autorités coutumières, ainsi que des personnes de bonne volonté, membres de la classe politique, y compris de l’opposition, de la société civile, des syndicats et du patronat.

J’ai également échangé avec des membres du clergé catholique. J’ai écouté et entendu leurs messages. Je leur exprime toute ma gratitude et les remercie pour leurs sages conseils, ainsi que leurs suggestions et recommandations constructives.
Toute cette synergie positive montre que dans des moments de doute, d’inquiétude et de turbulence, nos régulateurs sociaux fonctionnent, et les ressorts de notre nation restent solides.

Sur l’aspect judiciaire de cette crise, laissons la justice suivre son cours en toute indépendance.En ce qui me concerne, j’userai de tous les pouvoirs que me confère ma charge pour consolider le retour au calme et à la sérénité, dans l’intérêt supérieur de la Nation, la sécurité des personnes et des biens, la défense de la République et la préservation de nos institutions démocratiques.

Sur le dialogue et la concertation, ma main reste tendue et mes portes ouvertes. Du reste, dès après mon élection, allant au-delà du fait majoritaire, j’ai lancé le dialogue national pour conforter les bases de notre démocratie et de notre système politique.
Ce dialogue est fécond. A ce jour, sur les 27 points inscrits au dialogue, 25 ont fait l’objet de consen- sus. Je reste et demeure attaché au dialogue pour la mise en œuvre des points de convergence déjà acquis.

Je comprends, également, mes chers concitoyens, que la colère qui s’est exprimée ces derniers jours est aussi liée à l’impact d’une crise économique aggravée par la pandémie COVID-19.

Personne ne peut nier que le monde entier, notre pays y compris, traverse une profonde crise économique, occasionnant des millions de pertes d’emplois et d’activités génératrices de revenus. Des familles entières sont plongées dans la pauvreté, l’angoisse et la frustration. Je mesure les difficultés quotidiennes dans nos villes et nos campagnes. Je sais ce qu’est la vie dure dans nos quartiers. Je comprends la colère de nos banlieues.

Avec le Fonds de riposte et de solidarité contre les effets de la COVID-19, l’Etat a financé pour 1000 milliards de fcfa le soutien aux ménages, aux entreprises, aux travailleurs et à différents corps de métiers, y compris le secteur des arts et de la culture.
Nous n’avons pas oublié notre diaspora, que nous avons appuyée pour plus de 12 milliards de fcfa. Ce soutien à la diaspora illustre d’ailleurs l’étendue de la crise que nous vivons ; parce que d’habitude, c’est bien la diaspora qui vient en aide au pays, et non l’inverse.

Tout cela pour montrer que la solidarité, l’équité et la justice sociale restent au cœur de mes préoccupations, et bien avant la pandémie COVID-19.

Mais je constate que tous les efforts jusque-là consentis, en matière de formation, d’emploi et de financement dédiés aux jeunes, à hauteur de 60 milliards de fcfa, pour la Délégation générale à l’Entreprenariat rapide des Femmes et des Jeunes, et de 40 milliards par an du Fonds de Finance- ment de la Formation professionnelle et technique, restent encore insuffisants.

C’est pourquoi, m’adressant à vous, les jeunes, je voudrais vous dire que je comprends vos inquiétudes et vos préoccupations.
J’ai vu nombre d’entre vous sortir dans la rue pour exprimer la colère de votre mal-vivre ; parce que vous n’avez pas d’emploi ; parce que vous aspirez à un avenir meilleur ; parce que depuis un an de lutte anti pandémie COVID-19, votre quotidien reste marqué par la morosité économique, les restrictions sociales et la limitation des espaces de loisirs et de détente.

Qu’une jeunesse confrontée à autant de privations exprime son mal-vivre me parait tout à fait compréhensible.
En même temps, évitons de participer à tout ce qui nous retarde dans la quête d’un avenir meilleur.

Quand on saccage un commerce, quand on s’attaque au bien d’autrui, on ne crée pas de l’emploi, on en détruit ; on ne fait pas reculer la pauvreté, on l’aggrave.

J’engagerai dans les meilleurs délais une réorientation des allocations budgétaires pour améliorer de façon substantielle et urgente les réponses aux besoins des jeunes en termes de formation, d’emploi, de financement de projets et de soutien à l’entreprenariat et au secteur informel.

Dans l’immédiat, à la faveur de la campagne de vaccination en cours et de l’amélioration de la situation COVID-19, j’ai décidé d’alléger le couvre-feu lié à l’état de catastrophe sanitaire dans les régions de Dakar et de Thiès, qui sera désormais fixé de minuit à cinq heures du matin.

Cette mesure contribuera à élargir le champ des activités productives et aidera au retour progressif à une vie normale dans ces deux régions qui concentrent l’essentiel des activités économiques du pays. Pour autant, continuons à respecter les recommandations sanitaires que requiert la situation.

Mes chers compatriotes,

L’histoire et l’actualité de tous les jours nous enseignent que c’est dans l’épreuve qu’une nation fait son test de grandeur.
Et la grandeur d’âme d’une nation, se mesure surtout par les valeurs et la force de caractère qui sous-tendent son existence.
Ce sont ces valeurs et cette force de caractère qui cimentent toutes les composantes de la nation sénégalaise, pour en faire un bloc solide et sans fissures qui nous aide à traverser les épreuves en recourant à nos propres dynamiques de régulation.
Ce faisant, nous réaffirmons ensemble que la nation sénégalaise n’est pas un assemblage hétéro- clite de composantes socio culturelles sans lien les unes avec les autres.

Nous sommes une nation de sang mêlé ; une nation faite de tous ces brassages qui nous rassemblent, de toutes ces religions qui cohabitent en paix, de tous ces regards qui se croisent et fraternisent, de toutes ces forces qui se conjuguent et s’harmonisent pour soutenir notre élan commun vers notre destin commun.

En cette journée du 8 mars, j’invite toutes les forces vives de la nation à l’apaisement pour honorer ainsi la femme sénégalaise. Bonsoir.
memorandum.pdf Mémorandum.pdf  (3.2 Mo)

Ndèye Fatou Kébé