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Portrait: Awa Dioum, la première championne d’Afrique du triple saut féminin

Rédigé par leral.net le Jeudi 7 Mai 2020 à 00:40 | | 0 commentaire(s)|

Plusieurs fois couronnée sur le continent, l’ancienne athlète sénégalaise, Awa Dioum, est entrée dans l’histoire comme la première médaillée d’or africaine du triple saut. Établie en France depuis plus de 30 ans, elle espère, un jour, partager son expérience avec ses jeunes compatriotes, pour un nouvel essor de l’athlétisme sénégalais.


Portrait: Awa Dioum, la première championne d’Afrique du triple saut féminin
Championnats d’Afrique d’athlétisme de 1992 au stade Anjalay de Belle Vue Maurel à Maurice. Pour la première fois de l‘histoire, le triple saut féminin est inscrit au programme de la compétition en cette année qui marquait le retour de l’Afrique du Sud dans la famille sportive internationale, après une longue mise au banc du fait de sa politique d’apartheid.

À Dakar, puis à Germiston, dans la banlieue de Johannesburg, le pays qui allait un peu plus tard être surnommée « la Nation Arc-en-ciel » avait goulûment savouré la fin de sa quarantaine sportive, à travers deux importants meetings d’athlétisme. Et dans la foulée donc, arrivèrent ces championnats d’Afrique à Maurice, dont le niveau serait forcément élevé du fait de la présence des Okkert Brits (perche), Dries Vorster (400 m haies), Elena Meyer (1500m), Charmaine Weavers (hauteur) et de l’armada sud-africaine qui, au bout du décompte, avait enlevé la première place au classement général avec 47 médailles dont 16 d’or.

b[Mais une Sénégalaise s’est illustrée sur les sautoirs : Awa Dioum

Jusqu’alors spécialiste du saut en hauteur, elle s’essaya au triple saut. Avec bonheur puisque ses 12,47m lui valurent autant l’or qu’une place dans l’histoire de l’athlétisme africain, en tant que première championne d’Afrique sur la discipline. « Forcément, c’est le plus beau souvenir de ma carrière, parce que je m’étais jusqu’alors illustrée au saut à la hauteur », rappelle-t-elle depuis Orly, en région parisienne.
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C’est d’ailleurs pour éviter un certain confort et se lancer un nouveau défi que cette battante avait opté pour le triple saut. Car, au saut à la hauteur, elle comptait déjà 2 titres de championne d’Afrique. D’abord à Rabat en 1984, deux ans après avoir été maman ; « comme toutes les premières fois, c’était une grosse émotion pour moi », témoigne-t-elle. Ensuite au Caire l’année suivante (avec à chaque fois, une performance de 1,76 m). Sans compter sa médaille d’or aux Jeux africains de Nairobi en 1987 avec un saut à 1,90 m. « Cela aussi restera un grand moment dans ma carrière. Parce que c’était le jour de la clôture des Jeux, juste avant la finale du tournoi de football, devant un stade plein et ses 60.000 spectateurs. Entendre l’hymne national dans ces conditions, c’était vraiment autre chose », témoigne cette Thiessoise qui a commencé à pratiquer l’athlétisme en 1974, à l’âge de 13 ans.

Alors entrainée par son prof d’Eps au Lycée Kennedy, Fatou Cissokho, ancienne championne d’Afrique, Awa Dioum a intégré le Jaraaf l’année d’après et a été sous les ordres de Jean Gomis, ancien Dtn de l’athlétisme sénégalais.

Athlète complète
En fait, Awa Dioum était ce qu’on appelle « une athlète complète », pour s’être également essayée à l’heptathlon à Athismon en France vers 1986 et avait même obtenu un honorable total de 5029 points. Elle avait réellement marqué son temps, comme en témoigne sa participation à la Coupe du monde d’athlétisme de 1985 en Australie, où elle avait été la seule athlète africaine en lice. « Une fierté et un honneur », dit-elle aujourd’hui avec un brin d’émotion.

Installée en France depuis sa toute première médaille continentale, Awa Dioum n’était pourtant pas du lot des athlètes sénégalais ayant bénéficié de bourses de la coopération française, dont son mari d’alors. « C’est ma maman qui m’avait payé le billet pour que je puisse y aller. Pour les études mais aussi pour le sport », précise-t-elle. Car, pour son papa, journaliste de profession, il n’était pas question de pratiquer du sport si les notes en classe ne suivaient pas. Alors, pendant que ses autres compatriotes étaient à l’Inseps de Paris, elle logeait « à côté ». « Ce qui m’avait permis de m’initier au Fosbury (franchissement dorsal, NDR), puisque jusqu’alors, je sautais en ventral », révèle-t-elle.

En 18 ans de carrière, de 1974 à 1992, Awa Dioum a démontré sa rage de vaincre et son courage à toute épreuve sur les aires de compétition du monde entier. Battante, avait-on dit ? La preuve, en 1981, elle avait dû interrompre un stage à Vichy et rentrer à la maison parce que … enceinte et elle avait autant accueilli « cette bonne nouvelle » qu’elle avait aussi ressenti « une grande déception » de ne pouvoir continuer sa préparation. Mais, quand elle est revenue sur les sautoirs, c’était pour décrocher l’or à Rabat, en 1984.

Professeur de sport dans les écoles primaires, titulaire d’un brevet d’État d’éducateur sportif option athlétisme, Awa Dioum est à la retraite par invalidité après un cancer du sein en rémission (alors qu’elle ne devait « décrocher » qu’en 2023). Elle ne désespère pas de pouvoir apporter un jour son expertise à son pays et à l’athlétismek qui a fait d’elle la grande dame qu’elle est devenue.

Déjà, rappelle-t-elle, du temps du ministre des Sports François Bob (c’était au siècle dernier !), elle avait écrit « pour proposer ses services », mais un refus poli mais ferme lui avait été opposé. Aujourd’hui, elle est prête à revenir à la charge et à s’impliquer dans la gestion de l’athlétisme national. Car, selon elle, la situation est grave. « On n’a presque plus de piste. Le stade Iba Mar Diop est devenu impraticable et le stade L.S. Senghor est assez éloigné des athlètes qui habitent Dakar – Ville et la Médina ».

Qu’importe, cette membre de l’Association sportive sénégalaise pour la relance de l’athlétisme (Assra), « même si ce ne sera pas une mince affaire, avec des infrastructures et des moyens, il est possible de redresser notre athlétisme ». Paroles de battante.





Fama NDIAYE (avec B. K. N)