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“Pour un redressement budgétaire durable, l’heure de vérité a sonné”, Par Cheikh Sène, Economiste-Essayiste


Rédigé par leral.net le Mercredi 2 Juillet 2025 à 23:46 | | 0 commentaire(s)|

“Pour un redressement budgétaire durable, l’heure de vérité a sonné”, Par Cheikh Sène, Economiste-Essayiste
"Le Sénégal est à un tournant critique. Le déficit budgétaire dépasse les 12 %, l’endettement public frôle les 119 % du PIB et l’État peine à mobiliser suffisamment de ressources pour faire face à ses engagements. Cette trajectoire n’est plus soutenable. Il est temps de faire des choix difficiles, mais indispensables, pour éviter une impasse financière et préserver notre souveraineté économique.

Repenser les dépenses publiques

Le poids de la masse salariale, 45 % des recettes fiscales, dépasse largement la norme communautaire de l’UEMOA fixée à 35 %. Sans toucher aux acquis des agents, il faut geler les recrutements non prioritaires et ouvrir la voie à une réforme structurelle, vers un statut contractuel plus souple, à l’image de ce qui se fait en Suisse. Cela améliorerait l’efficience, tout en limitant les rigidités.

Autre point sensible : la prolifération des agences étatiques. On en compte plus de 150, souvent avec des missions qui recoupent celles des ministères. Une rationalisation, à l’instar du Maroc, qui a supprimé plus de 40 agences en une décennie, permettrait à la fois de clarifier les responsabilités de l’État et de dégager des marges budgétaires importantes.

Il est également temps d’encadrer les rémunérations dans le secteur public. Dans un pays où le SMIG est fixé à 64 000 FCfa, il n’est pas acceptable que certains directeurs d’agences ou d’entreprises publiques perçoivent jusqu’à 10 millions FCfa par mois. Un plafonnement à 15 fois le SMIG, serait un signal fort de justice sociale et de responsabilité.

Le système de bourses universitaires doit lui aussi être revu. Il coûte plus de 70 milliards FCfa par an, sans réelle condition de revenu ou de mérite. Le Sénégal pourrait s’inspirer du Rwanda, du Maroc ou du Ghana, qui ciblent les étudiants les plus modestes et les plus méritants. Ce ciblage permettrait de mieux soutenir d’autres priorités sociales.

Réformer une fiscalité injuste et inadaptée

Aujourd’hui, la TVA, principale source de recettes fiscales, frappe uniformément tous les consommateurs, pesant davantage sur les ménages pauvres. Il est urgent d’instaurer une TVA réduite (10 %) sur les produits de première nécessité comme le riz, l’huile ou le lait, à l’instar du Togo ou de la Mauritanie.

Parallèlement, une TVA renforcée sur les produits de luxe, téléphones haut de gamme, véhicules coûteux, parfums importés, renforcerait la justice fiscale. Il est également temps d’utiliser pleinement la fiscalité comportementale : des taxes plus élevées sur le tabac, l’alcool ou les boissons sucrées, comme en Afrique du Sud ou au Kenya, pourraient contribuer à la fois à la santé publique et à l’élargissement de l’assiette fiscale.

Cette crise budgétaire ne pourra être résolue par de simples ajustements techniques. Elle exige une rupture claire, avec la logique de privilèges, de gaspillage et de court-termisme. Le redressement des finances publiques doit s’inscrire dans un nouveau pacte social et fiscal, fondé sur la transparence, la justice et l’intérêt général."

Ousseynou Wade