Leral.net - S'informer en temps réel

QUE GAGNE L'AFRIQUE À ACCUEILLIR LES DÉPORTÉS DE TRUMP ?

Rédigé par leral.net le Jeudi 25 Septembre 2025 à 01:21 | | 0 commentaire(s)|

Ghana, Rwanda, Eswatini... les capitales qui refusaient hier la coopération migratoire avec Londres, acceptent aujourd'hui d'accueillir les indésirables américains. Un revirement qui révèle l'efficacité redoutable de la diplomatie coercitive trumpiste

(SenePlus) - Alors que l'administration Trump intensifie ses expulsions massives de migrants, plusieurs pays africains acceptent désormais d'accueillir des déportés qui ne sont pas leurs ressortissants. Une stratégie géopolitique qui suscite de vives controverses et des batailles juridiques.

Selon un article de Matthew Mpoke Bigg publié dans le New York Times le 23 septembre 2025, le Ghana, le Rwanda, le Soudan du Sud et l'Eswatini ont tous conclu des accords bilatéraux avec l'administration Trump pour recevoir des expulsés provenant de pays tiers. L'Ouganda aurait également négocié un arrangement temporaire avec Washington.

Cette collaboration marque un tournant radical par rapport aux réticences passées du continent africain. Lorsque le gouvernement britannique avait sollicité des pays africains en 2021 pour un programme similaire, seul le Rwanda avait répondu favorablement. Aujourd'hui, la dynamique a complètement changé face aux pressions de l'administration Trump.

Les motivations de ces pays africains s'enracinent dans un calcul géopolitique pragmatique. Comme l'explique Cameron Hudson, expert du Center for Strategic and International Studies à Washington : "Les pays y voient une opportunité de se mettre du bon côté de l'administration Trump. L'administration a clairement fait savoir que c'est quelque chose qu'elle valorise."

Cette stratégie s'appuie sur un mélange d'incitations et de menaces. L'administration américaine n'hésite pas à "multiplier les tarifs douaniers sur les produits africains et à imposer des restrictions de visa contraignantes", donnant ainsi un levier considérable lors des négociations pour l'accueil de déportés, selon le journaliste du New York Times.

Le cas du Soudan du Sud illustre parfaitement cette approche coercitive. En avril, l'administration Trump avait révoqué les visas de tous les détenteurs de passeports sud-soudanais présents aux États-Unis après que le pays eut refusé d'accepter ses citoyens expulsés. En juillet, huit hommes originaires du Laos, du Vietnam et du Myanmar arrivaient à Juba, la capitale sud-soudanaise.

Le revirement du Ghana s'avère particulièrement frappant. En 2022, le gouvernement avait catégoriquement nié toute participation au plan britannique d'expulsion vers le Rwanda. Ce mois-ci, la nouvelle administration du président John Mahama a accueilli 14 migrants, justifiant sa décision comme "un acte de solidarité africaine avec des personnes dont les droits étaient violés aux États-Unis".

Le ministre des Affaires étrangères ghanéen, Samuel Okudzeto Ablakwa, a tenté de minimiser la portée de l'accord : "Nous aidons seulement nos frères et sœurs", déclarait-il lors d'une conférence de presse à Accra, précisant que le gouvernement n'avait reçu aucun paiement et que seuls des Ouest-Africains avaient été acceptés.

Cependant, Franklin Cudjoe, directeur du centre de réflexion IMANI Centre for Policy and Education, suggère que cette décision pourrait être liée au programme pilote du Département d'État américain, annoncé le mois dernier, imposant des cautions de visa pouvant atteindre 15 000 dollars à certains visiteurs. Le Ghana chercherait à éviter d'être inclus dans ce programme, actuellement limité au Malawi et à la Zambie.

Ces accords soulèvent de graves questions éthiques et juridiques. Allan Ngari de Human Rights Watch dénonce fermement ces pratiques : "Les gouvernements africains ne devraient pas faire du commerce d'êtres humains contre de l'argent ou des concessions politiques."

La situation se complique davantage lorsque ces déportations mettent en danger les personnes concernées. Un des expulsés vers le Ghana a ainsi été renvoyé en Gambie cette semaine, malgré les risques de persécution qu'il encourt en raison de sa bisexualité.

En Eswatini, cinq migrants de pays tiers accueillis en juillet sont détenus en prison, selon l'avocat des droits humains Sibusiso Nhlabatsi, qui dénonce : "Cette affaire présente des éléments de ce qu'on appelle l'enlèvement ou la traite d'êtres humains, où vous déplacez des personnes d'un État à un autre sans leur consentement."

L'échec retentissant de l'accord britannique avec le Rwanda, abandonné l'année dernière après des années de batailles juridiques, n'a visiblement pas dissuadé l'administration Trump. Le gouvernement de Kigali, qui "a renforcé son profil international en partie grâce à sa disposition à se conformer aux demandes de sécurité occidentales", selon l'article du New York Times, a accepté de nouveau de recevoir des expulsés.

Ces arrangements s'inscrivent dans la stratégie plus large de l'administration Trump de procéder à des expulsions massives, y compris vers des pays dont les migrants ne sont pas citoyens. Des pays comme El Salvador, le Guatemala et le Kosovo ont signé des accords temporaires similaires.

Primary Section: 
Secondary Sections: 
Archive setting: 
Unique ID: 
Farid


Source : https://www.seneplus.com/international/que-gagne-l...