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Réputé interdit d’accès aux autorités: Ndouloumadji, le combat contre un tabou à la peau dure

Au Sénégal, il se dit que certaines localités sont interdites de séjour aux autorités publiques. Au Fouta, quelques villages, comme Ndouloumadji Founébé, localité d’origine de l’actuel Chef de l’État, ont ce « statut ». Pour ses habitants, tout ceci n’est qu’un mythe qu’il entreprennent de déconstruire. Mais la tâche n’est pas facile. Certains tabous ont la peau dure.


Rédigé par leral.net le Mardi 31 Août 2021 à 11:23 | | 0 commentaire(s)|

MATAM – Soumis aux rigueurs d’un climat chaud une bonne partie de l’année, le Fouta respire, en cette période d’hivernage, un bon bol d’air frais. Les pluies régulières enregistrées depuis le début du mois d’août, ont fortement contribué à atténuer la canicule dans cette partie nord du pays. C’est donc sous un climat clément qu’on débarque, vers 13 heures, à Ndouloumadji Founébé, situé dans le département de Matam, commune de Nabadji Ciwol.

Si le nom de ce village commence à être connu du commun des Sénégalais, c’est parce qu’il est la terre de d’origine des parents de l’actuel Chef de l’État, Macky Sall. Ce qui est moins connu, par contre, sauf peut-être dans le Fouta, c’est que Ndouloumadji figure sur la liste des localités au Sénégal où il serait « dangereux » pour une autorité, d'y poser les pieds, au risque de tomber dans la déchéance.

Trouvé dans son domicile situé à quelques encablures du marché, le Chef de village, Ibrahima Mamadou Ly dit « Thioyli », n’y va pas par quatre chemins, pour démentir vigoureusement cette allégation. « Tout ce qui est dit sur ce village est archifaux. Ce sont des jaloux et des personnes de mauvaise foi, qui avancent ces propos diffamatoires. Ndouloumadji Founébé est une terre d’accueil pour tout le monde, sans exclusive. Je le jure sur le Tout-Puissant que ce sont des mensonges que des gens malintentionnées véhiculent ! », martèle-t-il.

Pour étayer sa thèse, le chef de village liste les personnalités qui ont foulé le sol de Ndouloumadji, sans conséquences. « Moustapha Touré, ancien vice-président de l’Assemblée nationale au temps d’Abdou Diouf, a séjourné à Ndouloumadji. Cheikh Fadel Kane, l’ancien Cheikh Hamidou Kane Mathiara. Me Abdoulaye Wade était venue jusqu’ici pour recueillir des prières, avant son accession à la magistrature suprême. Cheikh Niane qui fut gouverneur de Matam et un ami, est venu lui aussi dans le village sans qu’aucun malheur ne lui arrive », soutient-il.

Visiblement agacé au plus haut point par ces allégations sur son village, Ibrahima Mamadou Ly dit « Thioyli » ajoute qu’Abdoulaye Sally Sall, Maire de la commune de Nabadji, vient souvent à Ndouloumadji Founébé. D’ailleurs, à l’en croire, c’est lui-même qui supervisait les travaux de construction des trois maisons que Macky a construites ici. Indexant toujours les « mauvaises langues », le chef de village rappelle que lorsque Abdoulaye Sally Sall a eu son accident à Boynadji, certains se sont précipités pour dire que c’était à Ndouloumadji, juste pour donner du crédit à cette thèse sur ce village.

« Tout ça pour ternir l’image de Ndouloumadji. Et pourtant, le Président Macky Sall est passé lui-même ici quand il était ministre. Je pourrai même dire que son séjour ici a été décisif dans son accession au pouvoir. Parce que c’est durant ce passage que le Khalife de Sadel, Thierno Abdoul Aziz Dieng, lui a envoyé un émissaire pour lui faire savoir qu’il sera un jour Chef de l’État. C’est donc paradoxal si l’on veut nous faire croire que Ndouloumadji est une localité dangereuse pour les autorités », avance le chef de village, qui parle plutôt de « terre bénie ».

Ancien émigré, Ibrahima Mamadou Ly dit « Thioyli » a passé 12 ans en France, avant de revenir définitivement au bercail. Il est chef de village depuis 1987. Depuis, il s’attèle à déconstruire cette « image » sur Ndouloumadji Founébé. Chez lui, l’homme de 79 ans, reconverti dans le commerce après son retour de l’Hexagone, reçoit sous un vaste auvent comme on en trouve un peu partout dans les vastes concessions au Fouta.

Avant de commencer la discussion, Ibrahima Mamadou Ly fait appel à son Diagaraf, le conseiller spécial du chef de village. Il s’appelle Djiby Demba Sall, oncle paternel du Chef de l’État. Il corrobore les propos de l’autorité du village. À l’image de ses ancêtres « Seddo Sebbé », il est d’un tempérament très chaud. Ce sexagénaire a d’abord rappelé les réalisations du Président Macky Sall dans le village. Selon lui, l’actuel Président de la République est très « fier de ses origines » et son principal souhait, c’est rendre la monnaie à ce village qui a vu naître son père.

Un message sans doute destiné à ceux qui manifestaient lors de la tournée économique du Chef de l’État au mois de juin dernier dans le Fouta. « C’est de la jalousie dont il s’agit », affirme Djiby Demba Sall. Avant d’enchaîner : « Il n’y a absolument rien dans ce village qui cause du tort à une autorité. Toutes ces rumeurs qui circulent ne sont que pur mensonge », souligne-t-il sans état d’âme. Il illustre son allocution en évoquant la venue de Zahra Iyane Thiam qui, après son séjour, a été nommée ministre. « C’est de la méchanceté », ajoute-t-il. Et il conclut en remerciant Macky Sall pour tout ce qu’il a fait dans le village comme les casiers rizicoles qui permettent aujourd’hui à toute la zone, de s’activer dans l’agriculture.

Ndouloumadji Founébé compte aujourd’hui 7 600 habitants, selon le chef de village. Il existe bien avant l’avènement de l’Almamy Abdoul Kader Kane qui, par la suite, est venu tracer la mosquée de la localité. Comme son nom l’indique, Ndouloumadji Founébé tire son nom des jumeaux « founébé » en pular. Ce sont les jumeaux Assane et Aliousseynou qui ont quitté Ndouma, une localité située en Mauritanie, qui sont à l’origine du nom du village. Ils étaient des érudits du Coran. Ils étaient des savants. Cette localité a une forte communauté dans la diaspora. Beaucoup d’infrastructures ont été réalisées grâce aux émigrés.

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Kirira aussi veut redorer son blason

Autre localité, même réputation que Ndouloumadji : Kirira, petit village situé dans la commune de Bokidiawé. En cette période d’hivernage, s’y rendre n’est pas de tout repos. La route cahoteuse n’est pas du tout praticable. Ce qui transforme, en véritable chemin de croix, à bord de charrette, le trajet de quatre kilomètres entre ce village et le chef-lieu de commune où viennent s’approvisionner les gens de Kirira. Il existe deux Kirira : 1 et 2.

Le chef du village de Kirira 2 s’appelle Samba Dia. Trouvé dans son champ, il explique que le nom du village vient du premier habitant qui possédait beaucoup de troupeaux comme des « kirira », petits insectes qui sortent de la terre après la tombée de la pluie. Le Chef de village de Kirira 1, Abdoul Moussa Dia, abonde dans le même sens. Les deux autorités locales évoquent également, en chœur, tous les maux dont souffre leur localité depuis plus d’un siècle. « Les services sociaux de base manquent à Kirira. Pour se soigner, il faut aller à Bokidiawé. En cas d’évacuation d’urgence, la route n’est pas praticable », disent-ils. C’est pourquoi il lance un appel aux autorités pour que le village soit doté au moins d’une case de santé.

Quid de ces allégations selon lesquelles une autorité ne doit pas entrer dans ce village ? Abdoul Moussa Dia n’y va pas par quatre chemins. Selon lui, c’est une « réalité » qui date du temps de ses ancêtres. « Auparavant, les anciens ne voulaient pas que les autorités viennent exercer des exactions ou maltraiter les populations. À cet effet, ils ont fait des prières pour assurer la sécurité des habitants », explique-t-il.

À cause de cette interdiction, mêmes les collecteurs d’impôts n’entraient pas dans le village. Ils déléguaient cette mission au chef de village. Et c’est ce dernier qui, à son tour, allait à Bokidiawé pour reverser les impôts. Mais, dit-il, ce tabou a été levé. Il n’empêche, certaines autorités continuent d’éviter d’y mettre les pieds. Amadou Hampathé Ba défendait qu’en Afrique un vieillard qui meurt, est une bibliothèque qui brûle. Cette assertion trouve tout son sens ici. Les anciens avaient des savoirs et connaissances, mais ils sont partis avec. C’est ce qui pousse le chef de village de Kirira 1 à affirmer que les autorités peuvent bel et bien venir à Kirira sans problème. « Les choses ont maintenant changé », assure-t-il.






Falel PAM (Correspondant à Matam Le Soleil)

( Les News )