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Secteur parapublic sénégalais : L’urgence d’une réforme structurelle et profonde Par Lansana Gagny Sakho

La cérémonie de dédicace de l’ouvrage « Les agences d’exécution face aux défis de la performance : Cas du Sénégal » (Éditions L’Harmattan Sénégal), s’est déroulée le 23 août 2025 à Dakar, dans un contexte où l’efficacité de l’action publique est plus que jamais au cœur des préoccupations nationales. Il ne se contente pas de diagnostiquer les dysfonctionnements du secteur public, il propose une vision audacieuse pour le transformer.


Rédigé par leral.net le Mardi 2 Septembre 2025 à 16:43 | | 1 commentaire(s)|

À travers une analyse rigoureuse et une plume engagée, l’ouvrage met en lumière les limites structurelles des entités du secteur parapublic sénégalais, tout en identifiant les leviers d’une gouvernance plus performante, éthique et innovante. Il ne s’agit pas d’un simple essai académique : c’est un appel à repenser l’État, à redonner du sens à l’action publique et à replacer le citoyen au cœur des politiques.

La nouvelle alternance est marquée par la volonté politique du président de la République, Bassirou Diakhar Diomaye Faye de moderniser le secteur parapublic. Ambitieuse et résolument tournée vers une transformation profonde de l’administration publique par l’organisation de la première la Conférence des Administrateurs et Managers publics (CAMP) à Diamniadio, en janvier 2024.

Le président de la République avait dressé un constat sans détour : l’administration sénégalaise est « figée dans des schémas hérités de la colonisation », avec un secteur parapublic qualifié d’« hypertrophié » et des services publics « complexes et coûteux ». Face à ce diagnostic, il avait exprimé une nécessité impérieuse de refonder l’administration, pour la rendre plus moderne, plus efficiente et plus accessible. Mais les digues tiennent encore, la résistance au changement se fortifie.

Pour rappel, le Sénégal a fait le pari des entités du secteur parapublic pour améliorer la performance de l’action publique, à travers les concepts du « New Public Management ». Pensées comme des instruments de souplesse, d’efficacité et de résultats, ces structures de l’État devaient permettre une mise en œuvre rapide des politiques publiques, en contournant les lourdeurs administratives classiques. Cependant, ce qui devait être un levier de performance, est en réalité un facteur de confusion et de dilution des responsabilités.

La création de filiales autonomes s’opère sans vision stratégique globale, ni encadrement juridique rigoureux. A cette dérive structurelle, s’ajoute une faiblesse juridique : le retard dans la publication des décrets d’application. Dans le cadre du pilotage des entités du secteur parapublic, il n'est envisagé dans aucune disposition, la possibilité de sanctionner négativement le chef de l’organe exécutif, du fait de l'engagement de sa responsabilité personnelle sur les résultats de l’organisation qu’il dirige.

Dans beaucoup d’organes de gouvernance, seuls des agents de l'État sont présents, finalement, au lieu d'être des cadres privilégiés d'expression de la diversité sociale, ils se présentent souvent comme des organes consultatifs.

Mais devant cet environnement difficile, il existe des femmes et des hommes qui, chaque jour, travaillent dans l’ombre pour préserver l’intégrité de notre République. Je parle ici des corps de contrôle de l’État : l’Inspection générale d’État, la Cour des comptes, l’OFNAC, l’ARMP, les inspections ministérielles, les magistrats financiers, les vérificateurs, les auditeurs...

Ces agents publics sont souvent mal compris, parfois marginalisés, mais leur rôle est fondamental. Ils sont les vigies de la transparence, les gardiens du bon usage des deniers publics, les artisans silencieux d’une gouvernance responsable. L’ouvrage leur rend hommage. Il appelle à renforcer leur indépendance, à protéger leur mission, à valoriser leurs recommandations. Car sans contrôle, il n’y a pas de confiance. Et sans confiance, il n’y a pas de République.

Cet ouvrage est une urgence. L’urgence de dire ce que beaucoup taisent. L’urgence de poser des mots sur les maux. L’urgence de rappeler que le Sénégal ne manque ni de talents ni de ressources ni d’énergie citoyenne. Ce qui lui fait défaut, c’est une gouvernance performante, rigoureuse, transparente, une gouvernance qui rend des comptes.

Il plaide pour une gouvernance de rupture. Une gouvernance qui ne se contente plus de gérer, mais qui transforme. Une gouvernance qui ne se cache plus derrière des chiffres, mais qui assume ses choix. Une gouvernance qui ne parle pas au peuple, mais avec le peuple. Cela implique des audits publics accessibles et suivis d’effets, une planification stratégique fondée sur des données fiables, une culture de l’évaluation et de la redevabilité et une tolérance zéro pour les abus et les détournements.

La réforme du secteur parapublic ne peut pas être piloté en solo. Elle mérite une approche transversale et exige une mobilisation des hauts fonctionnaires, de toutes les parties prenantes, des citoyens. Derrière les entités du secteur parapublic, il y a des politiques publiques. Et derrière ces politiques, il y a des vies, des attentes, des urgences. Le Sénégal mérite une administration moderne, efficace, mais aussi éthique et transparente.

Cet ouvrage est une pierre. Une pierre dans l’édifice d’un Sénégal à construire ensemble. Un Sénégal qui ne mendie pas son avenir, mais le conquiert. Un Sénégal qui ne se contente plus de survivre, mais qui choisit de grandir. Il faut lire, il faut en discuter, il faut le critiquer surtout, à en faire un outil d’action. Car comme le disait Frantz Fanon : “Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir”.






Lansana Gagny Sakho
Auteur - Ecrivain
Président du Cercle des Administrateurs Publics