leral.net | S'informer en temps réel

Sénégal / Le Pouvoir politique actuel face au Pouvoir d’argent : risques, menaces et conduite à tenir

Ces dernières semaines, nous avons constaté que l’opposition politique dans notre pays reprend du poil de la bête, avec une série de manifestations les unes plus populaires que les autres (Agnam, Saint-Louis, Dakar, Louga). A travers cette contribution, nous tentons de comprendre comment une telle opposition disposant de moyens financiers colossaux, naguère rejetée et battue à plate couture lors des dernières élections, parvient-elle à réussir ces mobilisations ?


Rédigé par leral.net le Mercredi 1 Octobre 2025 à 14:58 | | 0 commentaire(s)|

Sénégal / Le Pouvoir politique actuel face au Pouvoir d’argent : risques, menaces et conduite à tenir
“De prime abord, on peut qualifier ce qui se passe sous nos yeux, sans risque de se tromper, de rapport de force entre légitimité démocratique (le pouvoir issu du peuple, de la loi et des institutions) et l’influence de l’argent (capacité de l’opposition à peser grâce à des financements, réseaux économiques ou médiatiques). Et ce qui est cocasse voire ridicule dans cela, est que toutes ces manifestations sont organisées pour soutenir des dignitaires de l’ancien régime, sous le coup d’accusations de détournement de deniers publics, de blanchiment de capitaux, d’associations de malfaiteurs, etc., corroborées par des constats visibles d’enrichissement sans cause.

Dès lors, il est vital pour le pouvoir en place, d’en évaluer les risques et les menaces, afin de bâtir une stratégie pour contenir les agissements de cette fortunée opposition.

S’il est vrai que dans toute démocratie, la légitimité politique émane directement de la volonté populaire et se fonde sur le suffrage universel et le respect des institutions républicaines, l’argent joue un rôle déterminant dans la compétition politique contemporaine. En effet, c’est l’argent qui finance les campagnes électorales, structure les moyens de communication et favorise la mobilisation sociale. Comme le notait Max Weber (1921), la légitimité du pouvoir repose sur des fondements rationnels-légaux, mais elle peut être fragilisée par des forces extérieures, dont l’argent constitue l’une des plus puissantes.

L’opposition, lorsqu’elle dispose de ressources financières considérables, peut s’appuyer sur ce pouvoir économique pour peser dans l’arène politique. Cela soulève une interrogation majeure : comment l’autorité politique issue du suffrage universel, peut-elle préserver sa légitimité face à l’influence croissante du pouvoir d’argent ?

Pour répondre à cette question, il convient d’abord d’analyser les fondements et les atouts du pouvoir politique légitime (I), avant de mettre en évidence la nature et les dangers du pouvoir d’argent de l’opposition (II), puis d’examiner les stratégies que doit adopter le pouvoir légitime afin de préserver sa stabilité et sa crédibilité (III).

I. Le pouvoir politique légitime : fondements et atouts

Le pouvoir légitime repose sur une double assise : juridique et sociologique :
Sur le plan juridique, il découle de la Constitution, des élections et de la séparation des pouvoirs. Rousseau (1762) rappelait dans ‘’Du contrat social’’, que la souveraineté réside dans le peuple, et que toute autorité politique n’est légitime que si elle procède de la volonté générale.

Sur le plan sociologique, il s’ancre dans la confiance populaire et dans la capacité des institutions à assurer l’ordre, la justice et le développement.

Les atouts du pouvoir légitime sont nombreux : il bénéficie de la légalité constitutionnelle, du monopole de la contrainte légitime (selon Max Weber, 1921), ainsi que de la capacité à orienter l’action publique. Toutefois, ce pouvoir peut être fragilisé par un déficit de résultats économiques, une mauvaise gouvernance ou encore une perte de crédibilité dans l’opinion publique.

II. Le pouvoir d’argent de l’opposition : nature et dangers

L’argent constitue un instrument d’influence majeur dans la vie politique moderne. Il permet de financer la propagande, de contrôler des médias, de recruter des soutiens et, parfois, de corrompre des acteurs stratégiques. Pierre Bourdieu (1994) parlait de la « conversion des capitaux » : le capital économique peut être transformé en capital politique ou symbolique. Lorsque l’opposition dispose de ressources financières importantes, plusieurs risques apparaissent :

 Distorsion de la compétition électorale : l’égalité entre candidats, principe fondamental de la démocratie, peut être mise à mal par l’influence disproportionnée de l’argent,
 Corruption et clientélisme : l’argent peut servir à ‘’acheter’’ des bases, jadis loyales, faussant ainsi le jeu démocratique,
 Manipulation de l’opinion : grâce à un contrôle des médias ou des réseaux sociaux, l’opposition peut orienter le débat public en fonction d’intérêts particuliers,
 Ingérence étrangère : des capitaux extérieurs peuvent financer l’opposition, menaçant ainsi la souveraineté nationale.

Toutefois, ce pouvoir d’argent demeure fragile, car il ne repose pas sur une légitimité populaire. Il peut être même perçu comme un pouvoir occulte, au service d’intérêts privés et non de l’intérêt général.

III. Stratégies du pouvoir légitime face au pouvoir d’argent

Pour préserver son autorité, le pouvoir politique issu du peuple doit adopter une stratégie à la fois juridique, institutionnelle et communicationnelle.
 Renforcer sa propre légitimité : la meilleure réponse au pouvoir de l’argent est une gouvernance exemplaire. Des résultats concrets dans les domaines social, économique et sécuritaire, renforcent la confiance des citoyens et réduisent l’attractivité des discours financés par l’opposition.
 Encadrer le financement des partis politiques : la transparence financière est un impératif démocratique. Comme le souligne Norberto Bobbio (1996), la démocratie repose sur la publicité des décisions et des moyens. Des lois strictes sur le financement des partis et des campagnes, la lutte contre les financements occultes et la surveillance des apports étrangers, constituent des garde-fous essentiels.
 Gagner la bataille de l’opinion : dans un contexte où l’argent permet d’amplifier certains messages, le pouvoir légitime doit maîtriser la communication politique. Il s’agit de rappeler la légitimité électorale, de valoriser les réalisations gouvernementales et d’incarner l’intérêt général par l’exemplarité.
 Préserver l’équilibre démocratique : enfin, il importe promouvoir le respect de l’État de droit, le renforcement des contre-pouvoirs (médias indépendants, justice, société civile) et l’ouverture au dialogue afin de consolider la légitimité.

L’affrontement entre pouvoir politique légitime et pouvoir d’argent illustre une tension classique entre ‘’Légalité’’ et ‘’Influence’’. Si l’argent constitue un facteur de puissance indéniable, il ne peut, à lui seul, fonder une autorité politique durable. Le véritable enjeu pour un pouvoir issu des urnes, est de maintenir la confiance populaire par la transparence, la performance et l’exemplarité.

Enfin, loin de céder à la confrontation brutale ou à la répression, le pouvoir Pastef, avec à sa tête le président de la République, Son Excellence Bassirou Diomaye Faye et son Premier Ministre, Ousmane Sonko, doit, d’une part, poursuivre sans faiblesse aucune, et jusqu’à son terme, la conduite des opérations de reddition des comptes, et d’autre part, s’attacher à renforcer les bases démocratiques de son autorité, à travers la préservation du lien de confiance avec l’écrasante majorité des Sénégalais. C’est seulement à ce prix que le pouvoir politique puisse durablement résister aux tentatives de déstabilisation par le pouvoir d’argent.”





Mamadou Lamine Guèye
Ingénieur Agronome / Expert en Finance Inclusive
Président Mouvement AMS
Conférence des Leaders Diomaye Président




Ousseynou Wade